•••Elias Deux semaines après l'installation…« Tu feras les courses avec Martha et tu t'occuperas des jardins avec Samuel. »Tristan me traite comme un domestique devant tout le monde, et ma sœur baisse les yeux, honteuse. Je serre les poings si fort que mes ongles s'enfoncent dans mes paumes. Un jour, je serai assez fort pour lui casser la figure. Un jour.Nous sommes dans le grand salon du manoir, et il vient d'arriver à l'improviste alors que Céleste est partie en ville pour des rendez-vous d'affaires. C'est toujours quand sa mère n'est pas là qu'il se permet ce genre de comportement.— Monsieur Tristan » intervient Martha avec diplomatie « Madame Johnson a été très claire sur le statut de nos invités... — Nos invités ? » Il rit de ce rire mauvais que j'ai appris à détester. « Martha, ma chère, ils mangent notre nourriture, dorment dans nos lits, utilisent notre électricité. Le minimum, c'est qu'ils se rendent utiles, non ?— Madame Johnson a dit... — Madame Johnson n'est pas là
Il y a une détermination d'acier dans sa voix qui me fait comprendre qu'elle ne plaisante pas.— Je ne sais pas... — Maeve » dit Elias doucement. « Écoute-la. Je me tourne vers mon frère, surprise.— Tu penses qu'on devrait accepter ? — Je pense qu'on n'a pas vraiment le choix. Notre propriétaire nous a donné une semaine pour partir. Tu as un bébé en route. Moi, j'ai besoin d'étudier. » Il regarde Céleste droit dans les yeux. « Et je pense qu'elle est sincère. Céleste sourit, visiblement touchée par la maturité d'Elias.— Vous avez un frère intelligent, Maeve. Écoutez-le. — Mais les gens vont parler... Votre réputation... — Ma réputation ? » Elle rit, mais c'est un rire sans joie. « Ma réputation a survécu à trente ans de commérages sur mes origines modestes. Elle survivra à encore et encore. — Et votre fils ? Il va être furieux. — Tristan est fiancé à Charlotte Van Der Merwe. Leur mariage aura lieu dans huit mois. Une fois marié, il aura d'autres priorités que de vous harce
•••Maeve Le manoir Johnson me coupe le souffle. Je sors de la Mercedes noire de Franck, mes jambes tremblantes peinant à me porter. Devant moi s'élève une demeure qui ressemble davantage à un palais qu'à une maison. Colonnes blanches majestueuses, façade de pierre claire, toiture d'ardoises grises qui scintillent sous le soleil de fin d'après-midi. Les jardins s'étendent à perte de vue, pelouses parfaitement taillées, massifs de roses colorées, fontaines de marbre qui murmurent dans le silence.Et au-delà, les vignobles. Des rangées de vignes bien alignées qui ondulent jusqu'aux montagnes du Cap, créant un paysage digne d'une carte postale.« C'est... c'est immense » murmure Elias à côté de moi.Mon frère est aussi impressionné que moi, mais je vois dans ses yeux cette méfiance qui ne l'a pas quitté depuis l'épisode avec Tristan. Il serre son sac de sport contre lui comme un bouclier.— Mademoiselle D'Almeida ? »Une femme d'âge mûr descend les marches du perron pour nous accueillir.
•••Céleste Johnson Manoir Johnson, trois jours après la confrontation…Mon fils est un monstre et c'est ma faute. Je pose ma tasse de thé sur la table de marbre de la terrasse et observe les vignobles qui s'étendent à perte de vue. Cinquante-huit ans que je contemple ce paysage, cinquante-huit ans que je règne sur cet empire que mon mari et moi avons bâti de nos mains. Mais aujourd'hui, pour la première fois depuis longtemps, je me sens vieille. Fatiguée. Et profondément déçue.Martha, ma gouvernante depuis vingt ans, s'approche avec la déférence qu'elle a toujours manifestée.— Madame Johnson ? Monsieur Tristan souhaite vous voir. Il dit que c'est urgent. — Qu'il attende. — Mais madame... — J'ai dit qu'il attende !Ma voix claque plus fort que prévu. Martha sursaute, habituée à mon ton toujours mesuré. Je me reprends immédiatement.— Excusez-moi, Martha. Je... j'ai besoin de quelques minutes. — D’accord, madame. Prenez votre temps. Elle s'éloigne discrètement, me laissant seul
Ses mots me poignardent. Femme de mon espèce. Bâtard. Comme s'il parlait d'animaux.— Comment peux-tu dire des choses pareilles ? — Parce que c'est la réalité ! Tu penses vraiment que ma famille accepterait un enfant illégitime ? Que je compromettrais mon avenir pour un accident de parcours ? Accident de parcours. C'est comme ça qu'il voit notre bébé.— Ce n'est pas un accident. C'est notre enfant. — Ce n'est rien du tout » Il se plante devant moi, le visage déformé par la colère. « Et tu vas régler ce problème immédiatement. — De quoi tu parles ? — D'un avortement, évidemment. Le mot me fait l'effet d'une bombe.— Jamais ! — Maeve, sois raisonnable. Tu n'as pas les moyens d'élever un enfant. Ton frère a besoin de toi. Un bébé compliquerait tout. — J'ai dit non ! — Alors je vais t'aider à prendre la bonne décision. Il sort son chéquier et griffonne quelque chose.— Cinquante mille rands. Il déchire le chèque et le pose sur la table devant moi.— Cinquante mille rands pour
•••Maeve Une fois arrivée à l’hôtel, avant de faire mon entrée, j’ai décidé de passer par la pharmacie pour acheter un test de grossesse. Avec tout ce qui commence à se dire sur cette aventure, et mon retard, j’ai besoin d’avoir l’esprit tranquille.Deux lignes roses sur le test de grossesse.Je fixe le petit bâtonnet en plastique, assise sur les toilettes dorées de la suite présidentielle. Mes mains tremblent si fort que j'ai du mal à tenir le test. Deux lignes. Enceinte. Le mot résonne dans ma tête comme un gong.Je suis en retard de deux semaines. J'avais mis ça sur le compte du stress, des émotions, de ces derniers mois mouvementés. Enceinte.Mon monde bascule et se reconstruit en l'espace d'une seconde. Un bébé. Notre bébé. Celui de Tristan et moi.Soudain, les révélations de Becca me semblent moins importantes. Peut-être qu'il y a eu d'autres femmes avant moi, mais aucune ne lui a donné d'enfant. C'est forcément différent cette fois. Un bébé, ça change tout. Ça rend les sentime