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Chapitre 7

Auteur: Primula
Les cils de Sophie ont tremblé.

Le ton d'Aurélie, tout à l'heure, avait été d'une familiarité naturelle, comme si elle s'adressait à son mari pour parler de leur enfant.

La Villa Claireval était l'endroit où elle et Maxime avaient vécu pendant sept ans. Dans la bouche d'Aurélie, on aurait dit qu'elle rentrait chez elle.

Et Lucas savait bien qu'elle s'inquiétait toujours de son état de santé, pourtant il avait encore inventé une maladie pour la faire revenir…

Le cœur de Sophie a été plongé dans un gouffre glacé.

Le visage de Maxime s'est tendu. Sa voix a trahi une nervosité involontaire, « Sophie, Aurélie travaille au groupe parce que… »

« Oh, ne vous méprenez pas, Mme Lefèvre ! Je remplace simplement la secrétaire Mme Dupuis. Elle a eu un empêchement familial, alors j'aide Max pour quelques jours. »

Aurélie s'est empressée d'expliquer, puis elle s'est avancée pour prendre la main de Sophie avec un sourire familier, « Ne vous méprenez pas, vraiment. »

« Ai-je dit que je m'étais méprise ? » a répliqué Sophie, en retirant avec force sa main.

L'expression d'Aurélie a vacillé, puis elle a recomposé un sourire doux.

« Luc vient de m'appeler. Il m'a dit que vous refusiez de rentrer pour faire les devoirs avec lui. S'il ne l'aurait pas fini ce soir, la maîtresse le grondera encore demain. Mme Lefèvre, ne soyez pas fâchée contre lui, il faut penser à ses études… »

« Assez. Ne la blâme pas. »

Maxime a coupé la parole d'un ton ferme.

Il a regardé Sophie, une lueur d'inquiétude dans les yeux, mais sa voix n'admettait pas de refus, « Nous reparlerons de ta démission demain. Il est tard, je te raccompagne. »

Sophie a senti un bourdonnement envahir ses oreilles.

Elle savait que la nausée allait suivre.

Chaque fois que ses émotions s'agitaient, son corps réagissait aussitôt.

Elle a essayé de rester calme, « Je viendrai demain chercher ma lettre de démission. N'oublie pas de la signer. »

« Sophie. » Maxime a tenté de l'attraper. Ses doigts ont effleuré le tissu glacé de sa veste et ne lui ont laissé qu'une sensation de froid.

Sophie a marché vite, ne voulant rien entendre.

En sortant, elle a remarqué qu'un nouveau bureau avait été aménagé là, tout près.

Elle venait rarement dans les locaux du Groupe Lefèvre, mais elle se souvenait que le bureau de Mme Dupuis se trouvait tout au bout du couloir, à l'écart, parce que Maxime n'aimait pas qu'on fasse du bruit près de son bureau.

Pourtant, sur la porte voisine, de grandes lettres affichaient désormais :

« Assistante du Président : Aurélie Garnier. »

Voilà donc ce qu'elle appelait “aider pour quelques jours”.

Sophie a souri avec amertume et a appuyé sur le bouton de l'ascenseur.

À ce moment-là, le majordome lui a envoyé une demande de visioconférence.

Quand elle a répondu, elle a vu Lucas en pleurs, la tête en sang.

« Madame ! Revenez vite, je vous en supplie ! Cette fois, Lucas est vraiment blessé ! »

Une minute plus tard, Sophie a jailli de l'ascenseur. Elle s'est mise à courir. Le vent sur son visage a réveillé des souvenirs d'il y a des années.

Lucas avait trois ans quand il s'était cogné la tête en jouant dans le jardin.

Sophie, folle de culpabilité, l'avait serré dans ses bras en pleurant jusqu'à l'hôpital.

Pendant que le médecin recousait sa plaie, le petit tremblait de douleur mais tendait la main pour essuyer les larmes de sa mère, « Maman, ne pleure pas. je t'aime. »

Et maintenant, la blessure se trouvait exactement au même endroit.

Une larme limpide a glissé sur la joue de Sophie.

Elle pouvait repousser le Lucas d'aujourd'hui, mais pas celui, âgé de trois ans, qui vivait encore dans sa mémoire.

La Villa Claireval brillait de mille feux.

Quand Sophie est arrivée, l'air portait une odeur métallique de sang.

Lucas sanglotait, tandis que le médecin de famille venait de lui appliquer un pansement.

En voyant sa mère, il a redoublé ses larmes, « Maman ! J'ai failli mourir ! Tu viens seulement maintenant ! »

Sophie s'est précipitée. « Non, tu ne vas pas mourir ! Laisse-moi voir ta blessure. »

Lucas s'est approché docilement.

Ce n'était qu'une éraflure, un peu profonde, qui paraissait plus grave qu'elle ne l'était.

Sophie a soufflé, soulagée, prête à apaiser la plaie de son souffle, quand Lucas l'a brusquement repoussée.

« Aurélie ! »

Sophie est restée figée.

Lucas, oubliant sa douleur, s'est jeté dans les bras d'Aurélie, « J'ai mal à la tête ! Souffle dessus, s'il te plaît, ça ne fera plus mal ! »

Aurélie, émue, l'a serré contre elle et a soufflé doucement sur sa plaie, « Voilà, mon grand, c'est fini. Tu vois, ça va mieux ? »

« Oui ! Avec toi, ça ne fait presque plus mal ! » a-t-il souri.

Les lèvres de Sophie ont pâli. Une amertume lui a serré la gorge.

Aurélie, tendre et satisfaite, a caressé la tête du petit avant de lever les yeux vers Sophie, un sourire ambigu au coin des lèvres, « Mme Lefèvre, j'ai acheté un antidouleur pour Luc. S'il a encore mal, donnez-lui-en. C'est conçu pour les enfants, sans aucun effet secondaire. »

Elle parlait comme si elle commandait une domestique.

Le regard de Sophie s'est glacé.

« Je ne vis pas ici. Adressez-vous à quelqu'un d'autre. »

« Euh bien… » Le majordome, gêné, se tortillait sans savoir que dire, quand Maxime est entré après avoir garé sa voiture.

Lucas s'est laissé examiner, puis a lancé d'un ton capricieux, « Maman, va laver les fruits ! Papa et Aurélie aiment les raisins, moi je veux une pomme ! »

À peine avait-il fini que Maxime lui a donné une tape sur la tête. « Pour qui tu te prends ? Lucas, tu es de plus en plus insolent avec ta mère. Excuse-toi. »

Aurélie s'est précipitée pour protéger l'enfant, le regard désapprobateur, « Il est encore petit ! Et puis, il vient de se blesser. Max, ne sois pas si dur… »

Sophie n'a plus supporté d'entendre ce genre de phrases.

Elle a saisi son sac sur le canapé, a baissé la tête, puis un haut-le-cœur l'a saisie.

La tension dans sa tête a monté. Elle a quitté la pièce à grandes enjambées.

« Sophie, tu vas bien ? »

Maxime l'a rejointe, puis s'est tourné vers Aurélie, « Rentre chez toi. Les affaires de ma famille ne te concernent pas. J'aimerais que tu viennes moins souvent. »

Aurélie a levé brusquement la tête, décomposée.

Maxime a détourné le visage, et sa voix était si basse qu'on aurait dit qu'il craignait de surprendre Sophie, « Tu n'as pas bonne mine. Je t'emmène à l'hôpital. »

Il l'a entraînée dehors sans lui laisser le choix.

Une nouvelle vague de nausée a envahi Sophie. Elle s'est dégagée, a monté à l'étage et s'est réfugiée dans la salle de bain pour vomir.

À genoux devant la cuvette, elle a rejeté de l'eau.

Le bruit de ses haut-le-cœur est parvenu jusqu'en bas.

Maxime, inquiet, est monté précipitamment.

Derrière lui, une voix faible a résonné soudain, « Max… »

Il s'est arrêté, le front plissé, « Qu'est-ce qu'il y a ? »

Lucas, oubliant sa plaie, s'est précipité pour soutenir Aurélie, « Aurélie ! Ça va ? »

Elle vacillait, presque évanouie sur le canapé. Sa respiration devenait haletante.

Elle se tenait la poitrine et soufflait difficilement, « J'ai mal… très mal au cœur… »

Le majordome s'est exclamé : « Mlle Garnier, vous avez des problèmes cardiaques, non ? Monsieur, que devons-nous faire ? »

En haut, Sophie venait d'ouvrir la porte après s'être rincé la bouche.

Elle a vu Lucas paniqué, tirant la manche de Maxime, « Maman n'a que sa nausée habituelle, tu t'en fiches ! Mais Aurélie va mourir si on ne l'emmène pas tout de suite à l'hôpital ! »
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