VI : Starbucks

Lyana

Je m'habille d'une jupe noire en cuire, m'arrivant un peu plus bas que mi-cuisse avec des bottines et un pull noir en coton.

J'ai besoin de faire des courses, notamment parce que j'ai envie d'avoir de nouveaux vêtements et j'ai envie de me changer les idées.

Évidemment je mets ma montre avant de sortir et monter dans la voiture avec Adrian. J'ai demandé à n'être que avec lui, j'en ai marre d'être tout le temps entourée d'une équipe entière. Et mon père a accepté, pour une fois.

On arrive dans une grande enseigne qui comporte plusieurs marques connues, du genre Gucci, Louis Vuitton, Armani, Fendi, Celine etc...

Je n'achète pas grand chose en réalité, je n'ai plus goût à tout ça, je n'ai plus envie de tout ça. On finit par aller à un Starbucks, je me prends un mocha blanc et monsieur prends un café noir. Au moment où je m'apprête à payer, il est plus rapide que moi et paye à ma place.

A quoi il joue ?

- Je pouvais payer ma boisson moi-même.

- Arrête de chipoter et bois. C'est rien.

Je soupire en sortant du Starbucks.

- Tu as pris ce que tu voulais ?

J'hoche la tête positivement.

- Mais j'ai pas envie de rentrer à la maison avant un bon moment. On peut faire un tour ?

- Où ça ?

- Où tu veux, tant que c'est pas la maison.

*

On arrive au même endroit que la nuit où j'étais complètement bourrée. Et au coucher de soleil, c'est magnifique.

C'est un petit coin entourée d'une forêt, avec un lac qui va jusqu'à je ne sais où.

Il sort de la voiture et la verrouille.

- Suis-moi. Dit-il en passant une main dans mon dos.

On marche quelques mètres dans les bois avant d'arriver un banc qui donne une vue magnifique sur Rome, absorbée par le coucher du soleil.

- Comment tu trouves ce genre d'endroit ?

- J'ai grandi à Rome, je connais tous les recoins de cette ville. Dit-il en s'asseyant à côté de moi.

Je croise mes jambes alors qu'il pose un bras sur le dossier du banc, dans mon dos.

- Je peux en apprendre plus sur ton histoire ?

- Pourquoi faire ?

- Tu sais tout sur moi, j'ai le droit d'en savoir un peu sur toi.

Il soupire.

- Qu'est-ce que tu veux savoir ?

- Comment tu es rentré dans le business à mon père ?

- J'étais dans la même classe que ton frère au lycée. J'avais besoin de travail et il m'a présenté à ton père, c'est tout.

- Et pourquoi tu avais besoin de travail ?

Je vois très bien dans ses yeux qu'il hésite à me raconter cette histoire, je me rends compte que je rentre dans sa vie privée, personnelle.

Cette fameuse ligne imaginaire à ne pas franchir.

- Mon père abusait de ma petite sœur. Il fallait que je la sorte de cet enfer.

- Tu as une petite sœur ?

- J'avais.

Je sens mon cœur se serrer, il a perdu sa petite sœur ?

- Elle s'est suicidée quelques mois après que je l'aie sortie des mains de mon père. Elle a avalé une boîte de pilules pour maladie cardiovasculaire et son cœur s'est arrêtée. Je l'ai retrouvé dans la salle de bain, son corps sans vie. C'est après ça que je suis allé au Mexique avec Livio, je savais que plus rien ne pouvait m'atteindre.

J'ai dû lui rappeler de si mauvais souvenirs...

- Je suis désolée Adrian.

- Livio ne devrai pas vivre la même chose que moi, et ton père encore moins. Tu as une longue vie encore devant toi, pleins de choses à accomplir et pleins d'objectifs à atteindre, et je sais que tu en es capable. Dit-il en jouant avec l'une de mes mèches de cheveux.

J'avoue que comme ça, il me redonne tellement confiance en moi. Je m'approche pour pouvoir poser la tête sur son épaule et il ne me refuse pas, il passe son bras autour de moi.

- On a retrouvé ceux qui t'ont fait subir ça, je repartirai au Mexique dans deux ou trois semaines.

Repartir au Mexique ? Comment ça il repart ?

Non, il ne peut pas, moi je voulais qu'il reste...

- Comment ça tu pars ?

- Je ne vais pas rester ici indéfiniment Lyana. Je travaille au Mexique, pas ici.

- Comment je vais faire sans toi ?

- C'est rien, tout ira bien.

- Non, tout n'ira pas bien. Tu ne peux pas partir. Dis-je en me tournant vers lui.

- Lya'...

- Je ne veux pas que tu partes.

- Mon boulot est au Mexique.

- Mais je me suis attachée à toi.

- T'y arrivera aussi sans moi.

Je sens les larmes monter, je me suis attachée à lui... je me sens bien avec lui.

- C'est injuste.

- Je sais, mais c'est comme ça.

Je serre les poings jusqu'à presque y enfoncer mes ongles mais il m'arrête en prenant ma main dans la sienne.

- Tu es forte, tu n'as pas besoin de moi, je te le promets. Et puis tu pourras toujours m'appeler si tu en as vraiment besoin, je serai là.

Je ravale cette boule qui s'était formée dans mon ventre et repose la tête contre son torse.

- Reste pour mes 18 ans, au moins.

- D'accord, mais je partirai le lendemain de tes 18 ans.

Ça me pince le cœur, mais malheureusement je suis obligée de l'accepter.

*

Je rentre à la maison, on est restés un sacré moment là-bas avant d'enfin s'en aller, c'était comme dans les films, si apaisant...

J'entre dans la chambre à mon frère sans toquer et referme derrière moi en voyant que je ne l'ai pas surpris dans une situation... malaisante.

Ce qui est déjà arrivé, je devrai m'habituer à toquer.

- Tu sais toquer ?

- Il faut que tu me parles d'Adrian. Dis-je en m'approchant alors qu'il enfile un jogging au lieu de sa tenue de travail.

- Et pourquoi faire ?

- J'ai des questions.

- Bah pose les lui.

- C'est des questions beaucoup trop indiscrètes. Tu le connais non ? Vous êtes meilleurs amis, après tout.

Il soupire et va s'assoir sur son lit.

- Pourquoi tu es aussi curieuse à son propos ? Il est là juste pour quelques semaines, pour ta sécurité, après il partira. Dis-le moi Lya', il t'intéresse ?

- Non.

- Dis-moi la vérité, tu sais très bien que je ne dirai rien.

Je souffle et va m'assoir à côté de lui.

- Je sais pas. Tu sais... depuis ce qui s'est passé je ne me sentais en sécurité nulle part ni avec personne d'autres que toi et papa. Mais depuis qu'il est arrivé c'est différent. Il m'a fait une promesse, je me sens bien avec lui, tellement bien... ça faisait longtemps que ça n'avait pas été comme ça. C'est tout.

- Donc tu es intéressée, je vois.

- Rien à voir !

- Ça se voit à la façon dont tu agis avec lui, Lyana. Je l'ai remarqué dès le premier jour, arrête de te mentir à toi-même. Adrian ne restera jamais ici, sa place est au Mexique.

- Je sais. Il me l'a dit.

Il me prends dans ses bras.

- Je suis désolé Lya'.

J'hausse les épaules, alors qu'en réalité mon cœur se serre dans ma poitrine, je ne sais même pas pourquoi.

- Si tu veux tout savoir, il a adopté sa nièce après la mort de sa sœur, elle est née d'un viol, leurs pères abusait de sa petite sœur et elle est tombée enceinte, après avoir accouché, quelques mois plus tard elle s'est suicidée. Depuis il fait grandir cette petite avec tout l'amour et toute l'attention du monde au Mexique, lui faisant croire qu'il est son père.

Il ne m'avait pas dit, tout ça.

- Il m'avait dit pour sa sœur, mais pas sa nièce.

- Il n'aime pas parler de lui, il est comme ça. Fin bref, va te coucher, il commence à se faire tard.

Il dépose un baiser sur ma tempe et je quitte sa chambre pour aller dans la mienne.