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️ Chapitre 6 : Le réveil du puits

Author: zinerom
last update Last Updated: 2025-11-11 02:39:27

 

L’aube revint, pâle et dorée, glissant sur les pierres encore humides.

Mais cette fois, la lumière ne se posa pas comme avant : elle sembla venir d’en bas, du cœur même de la terre.

Les oiseaux restaient muets, les chiens n’aboyaient pas, et l’eau du puits… respirait.

Hassan fut le premier à le remarquer.

En approchant de la margelle, il vit la surface se gonfler puis se creuser, au rythme d’un souffle régulier.

Le vent, lui, ne soufflait pas.

C’était l’eau qui exhalait.

Elle vit, murmura-t-il.

Derrière lui, Aïcha n’Tissint s’avança, un air grave au visage.

— Non, dit-elle. Ce n’est pas elle qui vit, c’est l’autre qui se réveille.

— L’autre ?

— Ce que la montagne garde sous ses os. Le premier gardien. Celui qui a donné sa voix au vent.

Hassan sentit sa peau se glacer.

Il regarda le fond du puits : une lueur rouge y tremblait, identique à celle du talisman de Tislin.

— Et si le vent venait la chercher ? demanda-t-il.

Aïcha secoua lentement la tête.

— Le vent ne revient jamais sans raison. Il a une dette à payer.

— Une dette ?

— Oui… et c’est à elle qu’il la rendra.


Plus haut, dans la maison du cheikh, Lalla Tislin s’était levée à l’aube.

Elle ne parlait toujours pas, mais son silence avait pris une force étrange.

Quand elle passait, les lampes vacillaient.

Quand elle levait la main, le vent se calmait.

Le cheikh Amghar la regardait avec un mélange d’effroi et d’amour.

— Tu es devenue la voix que la montagne attendait, ma fille, murmura-t-il.

Elle posa doucement sa main sur sa bouche, puis sur son cœur.

Le message était clair : Je n’ai pas choisi.

Elle sortit de la maison, pieds nus, vêtue de blanc.

Chaque pas la rapprochait du puits, et à mesure qu’elle avançait, la brume s’écartait.

Autour d’elle, le silence avait une densité nouvelle.

Les villageois, tapis derrière les murs, la regardaient passer.

Certains firent le signe de protection, d’autres se signèrent sans comprendre pourquoi.

Quand elle arriva, Aïcha et Hassan s’écartèrent.

Le puits bouillonnait d’une lumière rouge et bleue mêlée.

Tislin s’agenouilla, posa la paume sur la pierre.

L’eau s’apaisa aussitôt, comme si elle avait reconnu son souffle.

Aïcha ferma les yeux.

— Voilà. Il sait qu’elle est là.

— Qui ? demanda Hassan.

— Le premier gardien. Celui qu’on croyait endormi depuis les débuts du vent.

Un grondement s’éleva.

Pas un bruit de pierre, mais une vibration qui montait du sol jusqu’aux veines.

Le puits se mit à pulser, lentement, puissamment.

Tislin ferma les yeux, et son silence devint parole pour le monde.

Le vent souffla à travers elle, sans son, mais tout vibra :

les feuilles, les murs, les cœurs.

Hassan tomba à genoux.

Aïcha chuchota une prière.

Et dans la lumière rouge, une forme commença à émerger du fond du puits —

pas un corps, pas une ombre, mais un souvenir vivant.

Le visage du premier gardien.

Ses yeux ouverts comme deux lunes sombres, sa peau faite d’eau et de vent.

Il parla sans bouche :

“J’ai dormi longtemps. Vous avez oublié mon nom, mais pas mon souffle.”

Tislin tendit la main.

Le gardien toucha ses doigts d’un geste presque humain.

Alors, le talisman qu’elle portait se brisa en silence,

et dans l’éclat, un rayon de lumière monta, droit, jusqu’au ciel.

Pendant quelques secondes, le jour sembla s’arrêter.

Le vent, le feu, la terre et l’eau — tout écoutait.

Puis la lumière disparut.

Le puits s’apaisa.

Le gardien aussi.

Mais dans la poitrine de Tislin, une lumière douce continuait de battre.

— Il est en elle, dit Aïcha d’une voix tremblante.

— Et maintenant ? demanda Hassan.

— Maintenant, répondit-elle, le vent aura un visage.

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