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Chapitre 4 - Le festin du silence

Author: Sarah dacine
last update Last Updated: 2025-10-01 05:57:58

Manoir Delcourt – Samedi soir – 20h01

Salon d'hiver – Aile Est – Vue sur le jardin japonais

Les colonnes blanches scintillaient sous les lustres en cristal de Bohême. Les hautes fenêtres ouvraient sur les fontaines illuminées, où l'eau jaillissait en arabesques dorées. Le parquet de chêne ancien reflétait la lumière comme un miroir poli, et chaque objet — des chandeliers en argent massif aux assiettes Hermès — témoignait d'une perfection glaciale.

La table de vingt places, dressée avec une rigueur militaire, semblait sortie d'un tableau de maître : argenterie d'orfèvre, serviettes pliées en éventail, menus calligraphiés sur un parchemin ivoire. Un chemin de roses blanches violet et rose, entrelacées de gypsophiles, serpentait jusqu'au bout de la salle.

Un décor d'opéra. Une scène où chaque geste devait être chorégraphié.

Et au centre de ce tableau, Alayna Everdeen, assise, le dos droit, tentait de respirer.

Sa robe longue en satin bleu nuit, cadeau d'une assistante Delcourt, épousait sa silhouette avec une élégance qu'elle n'avait jamais connue. Ses épaules nues, sa nuque fragile, ses boucles de diamants scintillantes — tout criait richesse et raffinement. Ses cheveux relevés en un chignon imparfait encadraient son visage délicat, lui donnant l'air d'une héroïne sortie d'un roman.

Mais ses mains tremblaient sous la table.

— Tu es parfaite, ma chérie, avait murmuré sa mère avant de l'installer, les yeux brillants d'espoir.

Parfaite, oui. Mais prisonnière.

Tous les invités étaient déjà là.

Richard Delcourt, patriarche et magnat de l'immobilier, dominait la salle de sa voix grave et assurée. À ses côtés, Éléonore Delcourt, silhouette élégante dans un tailleur blanc crème, écoutait en silence, un collier de perles serré autour du cou comme une armure. Elle observait Alayna avec cette froideur polie des femmes qui testent avant de juger.

À l'autre bout de la table, le père d'Alayna s'efforçait de paraître détendu. Mais ses doigts jouaient nerveusement avec son verre. Il savait ce qu'il devait. Il savait ce qu'il offrait.

— Madame, vous avez une très jolie fille, déclara Éléonore d'un ton neutre, sans sourire.

— Merci... Elle est un peu timide, mais très douce, répondit la mère d'Alayna avec un tremblement dans la voix.

— C'est tout ce qu'il faut pour qu'un foyer fonctionne, conclut Éléonore avant de boire son vin comme on scelle un verdict.

Et soudain, un bruit sec sur le marbre.

Un claquement de talons.

Les conversations s'interrompirent.

Un souffle parcourut la salle.

Il était là.

Adrien Delcourt.

Veste noire Hugo Boss parfaitement taillée, chemise blanche ouverte au col, montre Patek Philippe qui accrochait la lumière. Un verre de whisky ambré à la main. Deux de ses plus proches amis — Tristan Bellamy et Noah Kensley — marchaient derrière lui, silhouettes assurées, héritiers insouciants que tout le monde connaissait.

Adrien avançait avec cette lenteur calculée qui ne demandait pas l'attention : elle l'imposait. Chaque pas respirait l'assurance, la puissance, le contrôle. Un prédateur qui n'avait rien à prouver, car le monde entier savait déjà qui il était.

Lorsqu'il s'approcha de la table, Alayna sentit son corps se raidir avant même de le voir.

Elle le devina par l'odeur : ce parfum boisé, viril, entêtant, qui annonçait toujours son arrivée.

Il ne salua pas.

Il ne sourit pas.

Il tira la chaise à côté d'elle et s'assit, comme si cela allait de soi.

Alayna sentit son souffle se bloquer. Sa peau frissonna malgré elle. Adrien ne la regarda pas tout de suite. Mais sa simple présence suffisait à lui voler l'air, à occuper tout l'espace.

Il tourna légèrement la tête vers elle.

— Bonsoir, épouse parfaite, souffla-t-il, un sourire fin sur les lèvres.

Elle serra les dents.

— Bonsoir, mari de façade.

Il haussa un sourcil, amusé.

— Je vois que tu prends le rôle à cœur. Parfait.

Les premiers plats arrivèrent. Foie gras poêlé aux figues caramélisées. Le chef avait été importé de Paris pour l'occasion.

Les conversations reprirent, pleines de faux rires et de phrases soigneusement filtrées.

— Adrien, avez-vous vu le dernier projet à Chicago ? demanda un invité.

— Oui. On l'achètera après le mariage. Tout sera plus simple une fois l'image de stabilité installée.

Alayna baissa les yeux. L'image. Voilà ce qu'elle était. Une stratégie.

Mais elle se força à sourire, comme on lui avait appris.

Puis, au dessert — un mille-feuille vanille et framboise —, la mère d'Adrien s'adressa directement à elle.

— Alayna, ma chère. Avez-vous choisi l'université que vous souhaitez rejoindre ?

Un silence tomba. Tous les regards se tournèrent vers elle.

— Je pensais à Columbia, dit-elle doucement. Si... c'est possible.

Éléonore l'observa un instant.

Puis, contre toute attente... elle sourit.

— Columbia est un excellent choix. Et tu es maintenant une Delcourt. Ce qui veut dire que tout est possible.

Elle hocha la tête vers son mari.

— Richard fera ce qu'il faut. N'est-ce pas ?

Le patriarche sourit largement.

— Bien sûr. Elle est notre belle-fille, maintenant.

Et Alayna, pour la première fois ce soir-là, sentit quelque chose de doux lui effleurer la poitrine. Une chaleur. Une reconnaissance.

Même si le monde dans lequel elle entrait était cruel... il offrait des opportunités que la pauvreté lui avait refusées.

Mais à sa droite, Adrien murmura discrètement :

— Ne confonds pas cadeaux et affection, Alayna. Ce monde te paiera tout, sauf l'amour.

Elle tourna lentement la tête vers lui.

Et lui répondit, les yeux brillants, la voix basse mais claire :

— Alors je trouverai l'amour ailleurs. Loin de toi.

Il resta figé. Son sourire s'effaça, juste un peu.

Ce soir-là, devant vingt invités et deux familles unies par intérêt, la guerre silencieuse venait de recommencer.

Plus tard, toujours dans la salle dînatoire du manoir Delcourt :

Le dîner battait son plein. Une vingtaine d'invités triés sur le volet : des figures du monde des affaires, quelques membres de la haute aristocratie new-yorkaise, des politiciens en costume sur mesure, Éléonore, droite comme une reine à l'autre bout de la table.

Alayna, elle, se tenait à la droite d'Adrien, toujours aussi silencieuse et attentive , belle , gracieuse , Une future Delcourt en vitrine.

Elle souriait doucement, répondait poliment. Elle jouait son rôle.

Jusqu'à ce qu'Adrien se lève, verre de vin à la main.

— Je voulais juste... remercier tout le monde d'être venu ce soir, dit-il d'une voix assurée qui couvrit les conversations. C'est une belle soirée, entourée de belles personnes. Mais... moi et ma femme, on aurait besoin d'un moment à deux. Je vais lui faire visiter un peu le manoir familial.

Tous les regards se tournèrent vers eux. Certains souriaient. D'autres murmuraient.

Alayna, elle, restait figée. Le mot ma femme avait résonné comme une gifle, surtout quand il la tira doucement par la main sans lui laisser le temps de répondre.

Ils traversèrent le grand hall, son bras enroulé autour du sien comme dans une parade. Mais dès qu'ils furent hors de vue, le masque tomba.

— Tu devrais voir ta tête, souffla-t-il en ricanant. Tellement sérieuse. Tellement... naïve. Je voulais t'embrasser devant tout le monde, tu sais. Juste pour voir ta réaction. Et puis je me suis dit que ce serait un peu exagéré. On gardera ça pour une autre étape.

— Arrête, Adrien, souffla-t-elle en se dégageant brusquement. Je ne suis pas une fille facile. Et je ne suis pas là pour finir sous tes draps comme une conquête de plus. Tu as ta vie, et moi la mienne. Ne joue pas à ce jeu-là avec moi.

Il la regarda, amusé. Moqueur. Presque cruel.

— Ne t'inquiète pas, princesse. J'ai tout ce qu'il faut pour remplir mes draps, sans avoir besoin de supplier. Et au moins, elles savent gérer mes envies. Mes plaisirs. Contrairement à toi. Aucune expérience. Aucune idée de ce que c'est d'être une vraie femme.

Les mots la frappèrent comme une lame. Son cœur se serra, mais ses yeux se durcirent.

— Tu as peut-être l'habitude de jouer avec des corps... Mais tu ne sais pas ce que c'est que d'avoir une âme entre les mains. Tu finiras par le découvrir. Trop tard, comme tous les hommes qui ne savent rien aimer d'autre qu'eux-mêmes.

Un silence s'abattit. Adrien resta figé, la mâchoire contractée.

Pour la première fois depuis longtemps, elle avait fissuré son armure.

Il allait répondre quand une voix résonna dans le hall.

— Alors c'est ici qu'on cache la future madame Delcourt ?

Tristan, suivi de Noah, venait de franchir les grandes portes du hall avec cette nonchalance arrogante qui les caractérisait. Des costumes parfaitement coupés, des regards perçants, des sourires de séducteurs. Deux héritiers, beaux et dangereux.

— On n'allait quand même pas quitter ce dîner sans voir de nos propres yeux la mystérieuse fiancée, ajouta Noah en posant les yeux sur Alayna.

Un silence bref. Presque respectueux.

— Bordel..., souffla Tristan, les yeux brillants. On m'avait dit qu'elle était jolie, mais là...

— Tu ne nous avais pas prévenus qu'elle était aussi divine, ajouta Noah avec un sourire en coin. Pas étonnant que tu l'aies gardée secrète aussi longtemps.

Alayna, prise au dépourvu, esquissa un petit sourire poli. Mais elle sentit aussitôt le corps d'Adrien se raidir près d'elle. Ses doigts se crispèrent contre le verre qu'il tenait encore. Sa mâchoire se contracta.

C'était de la jalousie. Sourde. Incontrôlée. Irrationnelle.

— Bon, lança Adrien d'une voix sèche, on va rentrer. Alayna est fatiguée. On n'a pas pu faire le tour du manoir, mais ce n'est pas grave. Il y aura bien le temps après le mariage.

— Fatiguée ? releva Tristan avec un sourire moqueur. Pourtant, elle avait l'air plutôt en forme.

— J'ai dit qu'on rentrait, répéta Adrien en posant une main possessive dans le bas du dos d'Alayna.

Elle le regarda, surprise par ce changement soudain. Un instant plus tôt, il l'humiliait à demi-mot. Et là, il se comportait comme un mari jaloux, possessif, agacé que d'autres hommes l'approchent.

Il ouvrit la porte de la salle à manger pour la faire rentrer. Son ton redevint poli, mais glacial.

— Mesdemoiselles, messieurs... veuillez nous excuser. Ma fiancée a besoin de repos. La soirée a été longue.

Puis, dans un murmure qu'elle seule entendit, juste avant qu'elle ne franchisse le seuil :

— La prochaine fois, évite de leur sourire comme ça.

Ce n'était plus une remarque.

C'était un ordre.

Et dans ce monde, Alayna comprit qu'aucune liberté ne se donnait sans être arrachée.

Chapitre 4 partie 2 — Les regards silencieux

Lorsqu'Adrien et Alayna réapparurent dans la salle à manger, les conversations se firent plus calmes, comme coupées dans leur élan. Les têtes se tournèrent vers eux avec une curiosité contenue, les yeux brillants de jugements silencieux. On les observa comme deux œuvres rares, deux promesses de scandale à venir. Il y avait dans l'air cette tension invisible, propre aux grandes familles : tout est sous contrôle, mais rien n'est paisible.

Alayna reprit place à la droite d'Adrien, ses mains croisées sur ses genoux. Elle gardait le dos droit, le menton légèrement baissé, consciente que chaque regard pesait sur elle — surtout celui d'Éléonore.

— Tout va bien, Adrien ? demanda cette dernière d'une voix douce, mais chargée d'une autorité glaciale. La visite du manoir a été écourtée, on dirait.

— Alayna est fatiguée, répondit-il sans hésiter, le ton ferme. Je préfère qu'elle se repose, elle a déjà beaucoup donné ce soir.

Il parlait comme un homme sûr de lui, mais sa mâchoire contractée trahissait une tension nouvelle. Sous la nappe immaculée, son bras effleura légèrement celui d'Alayna, comme s'il voulait la protéger. Ou marquer son territoire.

— C'est vrai, Alayna ? intervint une cousine d'Adrien, le menton posé sur sa main. On espérait tous que tu nous raconterais comment vous vous êtes rencontrés... Une histoire d'amour, non ?

La question suspendit les verres, les rires, les souffles. Même les chandeliers semblaient trembler sous le poids de l'attente.

Alayna leva les yeux vers la jeune femme, puis vers Adrien. Le silence s'étira, presque cruel.

— C'est... une longue histoire, dit-elle enfin dans un souffle élégant. On aura tout le temps de la raconter. Après le mariage.

Elle parlait calmement, mais son regard croisa brièvement celui d'Éléonore. Et ce qu'elle y lut la glaça : un avertissement silencieux, élégant mais brutal. Ici, chaque mot compte. Chaque silence aussi.

Adrien, lui, se servit un verre de vin, le fit tourner entre ses doigts sans le boire. Il observait Alayna du coin de l'œil, sans dire un mot. Et soudain, sans vraiment comprendre pourquoi, il se sentit piqué au vif.

Elle avait répondu avec grâce. Avec maîtrise. Trop peut-être. Comme si elle savait déjà jouer le jeu des Delcourt. Comme si elle pouvait séduire... à la fois ses amis et sa mère.

Il se pencha légèrement vers elle, sans la regarder :

— Tu veux jouer la femme parfaite, c'est ça ? murmura-t-il avec une pointe d'ironie acérée.

Elle ne répondit pas. Elle garda la tête haute, le visage impassible. Mais sous la table, elle croisa lentement les jambes, avec une sensualité maîtrisée, juste assez pour frôler le pantalon d'Adrien.

Et cette fois... c'est lui qui perdit le contrôle.

Chapitre 4 partie 3 — Jeux de pouvoir

Le dîner se poursuivait dans une ambiance feutrée, les rires et anecdotes flottant dans l'air parfumé de chandelles et de vin millésimé. On évoquait des acquisitions immobilières à Dubaï, des vacances sur des yachts aux Maldives, des investissements dans l'art contemporain. Tout semblait parfaitement orchestré, presque théâtral.

Mais à la droite d'Adrien, le calme n'était qu'illusion.

Il n'avait pas touché à son plat. Il écoutait à peine. Tout en lui semblait tendu, au bord de l'explosion.

À cause d'elle.

Alayna ne disait presque rien. Mais tout dans sa posture, dans ses gestes élégants, attirait les regards. Sa robe satin, signée d'une grande maison, épousait délicatement sa silhouette. Ses mains fines caressaient distraitement le bord de sa serviette. Et parfois, elle levait les yeux vers Adrien, l'effleurant d'un regard doux mais calculé, comme une provocation silencieuse.

Il la détestait, à cet instant précis, de réussir à le troubler ainsi. De rester droite, digne, malgré tout.

— Alayna, lança soudain Éléonore, rompant le fil de ses pensées. Tu ne m'as toujours pas dit si tu aimais les chevaux. Nous avons un élevage dans notre domaine de la Loire. Je suppose qu'il faudra que tu t'y habitues. Le nom Delcourt ne se porte pas qu'à New York.

Un test.

Alayna inspira discrètement et sourit avec politesse.

— Je n'ai jamais eu l'occasion d'en monter. Mais j'apprends vite, Madame.

Un murmure d'approbation parcourut la table. La réponse était parfaite : respectueuse, soumise... mais pas effacée.

Éléonore hocha lentement la tête. Ni froide, ni chaleureuse. Simplement... évaluatrice.

Adrien, lui, serra sa fourchette entre ses doigts, comme s'il cherchait à se raccrocher à quelque chose de tangible.

Elle joue. Elle comprend déjà les règles. Et elle y joue trop bien.

— Tu vois, Adrien, glissa Tristan, accoudé un peu plus loin, je comprends mieux maintenant. Elle est sublime, et en plus, elle sait tenir tête. Tu risques de ne pas t'ennuyer cette fois.

Adrien lança à son ami un regard noir.

— Je ne suis pas là pour m'amuser, Tristan.

— Non, bien sûr, rétorqua celui-ci en riant, un verre à la main. Tu ne fais jamais rien pour t'amuser.

Le ton se voulait léger, mais la tension restait palpable.

Alors qu'on servait le dessert — de fines oranges confites posées sur une mousse à la rose dans une vaisselle en porcelaine de Limoges —, Noah s'adressa directement à Alayna :

— Vous dansez, Alayna ? On pourrait organiser une petite soirée ici, entre jeunes. Avant le grand jour. Qu'en pensez-vous ?

Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais Adrien fut plus rapide :

— Non. Elle est épuisée. Elle aura besoin de repos ces prochains jours.

Il n'avait même pas daigné la regarder en parlant.

Mais ce qu'il refusait d'admettre, même à lui-même, c'est que cette colère sourde n'était dirigée ni vers Noah, ni vers Tristan.

Elle en était la cause.

Parce qu'elle ne réagissait pas comme prévu.

Parce qu'elle ne s'effondrait pas.

Parce qu'elle prenait sa place.

Et qu'elle commençait, imperceptiblement, à lui voler son propre contrôle.

Chapitre 4 partie 4 — Masques et adieux

Les derniers verres de vin avaient été servis dans de fines coupes en cristal. Les assiettes de porcelaine, désormais vides, disparaissaient dans un ballet discret orchestré par les serveurs gantés de blanc. Le dîner touchait à sa fin.

La salle, encore illuminée par les lustres en cascade, baignait dans une atmosphère adoucie. Les conversations s'étaient ralenties, devenues plus feutrées, plus mondaines. On riait avec mesure, on évoquait des dates de mariage, des destinations pour la lune de miel, les noms des chefs étoilés pressentis pour le banquet. Tout sonnait comme une pièce de théâtre parfaitement répétée.

Alayna sentait son cœur battre lentement, mais fort. Comme un tambour discret sous sa peau. Elle n'arrivait pas à se détendre : trop de regards, trop de codes, trop de non-dits. Adrien, à ses côtés, s'était muré dans un silence étrange. Ses doigts jouaient machinalement avec le cadran de sa montre Patek Philippe, comme si le temps lui-même l'agaçait.

Puis, Éléonore se leva avec une grâce étudiée, aussitôt imitée par Richard, impeccable dans son costume bleu nuit aux revers de soie.

— Edward, Hélène, ce fut un honneur de vous recevoir, dit-elle d'une voix parfaitement polie, son sourire figé comme une gravure sur porcelaine. Votre fille est une jeune femme... étonnante. Elle fera honneur à notre nom. À sa manière.

Un léger frisson parcourut Alayna. Le compliment était aussi doux qu'une lame glissée sous la peau.

— Merci pour votre accueil, répondit Hélène d'une voix un peu tremblante, ses doigts crispés sur le cuir de son sac. Elle est encore jeune. Mais elle apprendra vite.

Edward, plus réservé, inclina légèrement la tête vers Richard.

— Je vous fais confiance, Richard Delcourt.

— Vous pouvez, répondit Richard, un sourire diplomatique accroché aux lèvres. Adrien sait ce qu'il fait.

Tous les regards glissèrent alors, inexorablement, vers Adrien et Alayna.

Adrien se leva d'un geste mesuré, boutonna sa veste sombre d'un mouvement assuré, puis se pencha vers elle. Alayna, méfiante, soutint son regard. Mais ses yeux restaient insondables, comme une mer noire sans rivage.

Et soudain, dans un geste fluide, parfaitement étudié pour l'assistance, il saisit sa main. Ses doigts étaient froids, fermes. Il la porta à ses lèvres, lentement, trop lentement. Ses yeux restèrent accrochés aux siens tandis qu'il déposait un baiser à la fois léger et chargé de sens.

Un baiser public. Un serment muet. Un poison sucré.

— Bonne nuit... ma future femme, murmura-t-il si bas que seule elle pouvait entendre la pointe d'ironie dans sa voix.

Alayna resta figée. Ce n'était ni un adieu tendre, ni une déclaration d'amour. C'était une scène, un masque, une provocation.

Pourtant, son ventre se contracta. Non de désir. Mais d'un mélange brûlant : colère, trouble, fascination.

Adrien relâcha sa main, se redressa, salua l'assemblée d'un signe de tête calculé. Puis il s'éloigna, ses pas résonnant sur le marbre poli comme une signature invisible laissée derrière lui.

Et Alayna, restée seule sous les regards complices et murmurants, sentit au fond d'elle-même que la partie ne faisait que commencer.

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Comments (1)
goodnovel comment avatar
Farida Djabali
Suiiiite 🫣🫣🫣
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