Chapitre 5– L’Ombre et le Piège
Gloria
Alors je prends un stylo et une feuille sur son bureau et j’écris d’une main ferme :
*Pourquoi moi ?*
Un sourire effleure ses lèvres.
Rafael : « Pourquoi pas toi ? »
Je plisse les yeux.
Rafael : « Tu es une femme que ton propre camp a trahie. Tu as des compétences, une intelligence rare. Et surtout… »
Il se penche légèrement.
Rafael : « Tu as déjà perdu tout ce qui faisait de toi une menace pour moi. »
Je serre les poings. Il a raison. Je n’ai plus d’agence. Plus de mission. Plus de voix. Et pourtant, il me voit encore comme une pièce utile. Je reprends le stylo et écris :
*Qu’attends-tu de moi ?*
Rafael : « Que tu travailles pour moi. Pas comme une espionne, ni comme une secrétaire. »
Mon cœur se serre.
Rafael : « Tu as un regard unique. Tu connais les failles de ceux qui t’ont abandonnée. Je veux que tu les trouves pour moi. »
Je le fixe, les pensées en vrac. Il veut utiliser mon savoir sur l’agence. Je devrais refuser. Mais une part de moi… Une part de moi celle revolté par la trahison veut accepter.
Le silence s’étire. Rafael ne presse pas. Il sait que je suis en train de peser mes options. Je pourrais dire non. Me jeter à corps perdu dans une lutte désespérée pour fuir ce monde.
Mais alors quoi ? L’agence ne me reprendrait jamais. Surtout s’il entendait que j’avais partisé avec l’ennemi. Les rues non plus ne me protégeraient pas.
Je suis seule. Et Rafael Castillo le sait très bien et c’est pour cela qu’il me tend une corde. Une qui peut être un salut ou un nœud coulant. J’attrape le stylo et j’écris.
* Je veux des garanties.*
Rafael : « Bien sûr. »
Je le fixe avec tout le serieux du monde un courage de façade au visage alors que mon est en pleine cours alors que notes ce que je désire obtenir en travaillant pour lui.
*Je veux être libre de partir si je le décide.*
Il sourit. Cette fois, c’est un vrai sourire.
Rafael : « C’est une demande intéressante. »
Il fait un geste vers son garde du corps, qui tend un contrat.
Rafael : « Lis attentivement. »
Je prends les feuilles. Chaque ligne, chaque clause, tout est calculé pour m’attacher à lui. Pas une prison physique. Mais une prison invisible, tissée d’engagements et de dettes.
J’inspire profondément. Puis, lentement, j’écris sur le contrat.
*J’accepte.*
Rafael : « Très bien. »
Il se lève, s’approche, et tend la main. Je la serre. Et à cet instant, je sais que je viens de faire un pacte avec le diable. Un pacte est scellé, pas avec une signature en bas d’un contrat, mais avec un simple serrement de main. Un geste anodin pour la plupart, mais qui, dans ce monde, vaut bien plus qu’un morceau de papier.
J’ai vendu mon âme. Ou peut-être ne l’avais-je déjà plus depuis longtemps. Rafael me fixe, toujours ce demi-sourire aux lèvres, comme s’il savait exactement ce qui se passe dans ma tête. Il relâche ma main, s’écarte et récupère un dossier qu’il pousse lentement vers moi.
Rafael : « Voici ta première tâche. »
J’ouvre le dossier. À l’intérieur, des photos, des rapports. Des visages que je connais. Des noms que j’ai déjà lus dans les bases de données de l’agence. C’est une enquête. Une traque même. Je fronce les sourcils et lève les yeux vers Rafael, cherchant des réponses.
Rafael : « L’agence a des failles. »
Il se redresse légèrement, croisant les mains devant lui.
Rafael : « Je veux que tu les trouves pour moi. Chaque faiblesse. Chaque brèche. Chaque homme corruptible. »
Je sens un frisson me traverser. C’est exactement ce que j’avais deviné. Il veut que je lui livre mon ancien monde sur un plateau d’argent.
—
Le dilemme est cruel.
D’un côté, je pourrais refuser, jouer la captive silencieuse, espérer qu’une issue se présente. Mais combien de temps prendra t-il avant qu’il décide lui aussi que je ne suis plus utile ?
D’un autre côté… L’agence m’a trahie. Ils m’ont effacée, reléguée au silence, traitée comme une pièce obsolète à mettre au rebut. S’ils ont fait ça à moi, combien d’autres agents ont subi le même sort ?
Rafael m’observe, attendant ma réaction. Je repose lentement le dossier sur la table et saisis le stylo.
*Je vais avoir besoin de temps.*
Il acquiesce, comme s’il s’attendait à cette réponse.
Rafael : « Je te le donnerai. Mais ne me fais pas perdre patience. »
Deja un avertissement alors que je n’ai pas encore commencé le travail. Je serre les dents. Il n’a pas besoin de menaces explicites.
Tout dans son attitude, son regard, son simple ton de voix me rappelle qui il est.
—
Ma première nuit de servitude. On me reconduit dans mes quartiers, mais cette fois, je ressens une différence. Je ne suis plus une simple prisonnière.
Je suis une collaboratrice.
Un pion qui vient de prendre un rôle clé sur l’échiquier. L’idée me terrifie presque autant qu’elle m’excite. J’ai toujours été une joueuse. Mais cette fois, je ne suis pas certaine d’avoir toutes les cartes en main.
Je passe la nuit à éplucher le dossier, analysant chaque information, cherchant les connexions, les incohérences. Je connais trop bien l’agence pour savoir qu’elle n’est pas invincible.
Ils ont des secrets. Des failles. Et maintenant, je dois décider ce que j’en fais.
—
Le lendemain matin. Je suis prête. J’ai noté des pistes, des noms qui méritent d’être creusés. On vient me chercher à l’aube. Cette fois, les gardes sont plus détendus. Ils savent que je ne suis plus une simple captive.Que je suis devenue quelque chose d’autre.On me reconduit dans le bureau de Rafael. Il est là, toujours impeccable, une tasse de café à la main.
Rafael : « As-tu trouvé ce que je cherche ? »
Je pose mes notes sur son bureau.
Il les feuillette, un sourire discret au coin des lèvres.Puis, il lève les yeux vers moi.
Rafael : « Impressionnant. »
Je ne réponds pas. Mais une chose est sûre.Je viens de mettre un pied dans un engrenage dont je ne pourrai plus sortir.
Chapitre 86 – Le Conseil InvisibleRafaelRome ne dort jamais. Même sous la pluie, même sous les menaces, elle respire. Une bête antique au cœur d’un monde moderne, où le pouvoir se cache dans les ruelles silencieuses et les regards qui glissent. Je la connais. Trop bien. Trop mal.C’est ici que j’ai appris à frapper sans laisser de trace. C’est ici que j’ai failli me perdre. Et ce soir, c’est ici que tout peut basculer.Gloria conduit. Ses mains sont stables sur le volant, mais ses yeux trahissent la tension. On ne va pas simplement espionner une réunion. On entre dans le cœur du monstre. Le comité restreint du Cercle. Cinq noms. Cinq ombres. Cinq assassins en costume qui ne tuent jamais eux-mêmes.Mais qui désignent.Et parmi eux, celui qui a signé mon arrêt de mort.—Le lieu : Via dei Coronari, 43. Une ancienne loge notariale restaurée en résidence privée. Façade anonyme. Fenêtres plombées. Aucun accès direc
Chapitre 85 – Retourner la LameGloriaIl a dit : Je veux le retourner.Et je n’ai rien répondu. Parce qu’au fond, je savais que ce jour viendrait. Le moment où on ne se contenterait plus d’entailler les veines du Cercle. Le moment où on viserait la tête.Mais ce que Rafael n’a pas dit, c’est ce que ça implique.Retourner un arbitre, ce n’est pas seulement percer la cuirasse d’un réseau tentaculaire. C’est injecter un venin dans son propre cœur. C’est jouer à un jeu où personne ne fait confiance, où même les loyautés sont des masques. Et lui, Rafael, il le sait mieux que quiconque.Car il en a été un, autrefois.Un outil du Jugement. Un exécuteur choisi, formé, façonné par ceux qu’il veut désormais abattre.Et maintenant, on s’apprête à faire tomber l’un des leurs. Pas pour le tuer.Pour le forcer à choisir.—Deux jours plus tard. Naples.La pluie rince les rues. Sale, collan
Chapitre 84 – Écorcher l’Hydre RafaelLe bruit des pas est feutré, régulier. Trois hommes. Deux armés, un en costard. On les observe depuis la lucarne arrière d’un immeuble abandonné, en face du bâtiment cible. J’ai des jumelles nocturnes, Gloria une tablette avec les flux de caméras piratées.— Horaire respecté, je murmure.— 21h47. Entrée Est. Ils changent toutes les 6 heures. Mais jamais le circuit. Trop sûrs d’eux.Trop arrogants, surtout.Je plisse les yeux. Le logo sur la porte en métal : Viridis Group S.R.L. Une société de transport maritime. Officiellement spécialisée dans les produits pharmaceutiques.Officieusement ? Un hub logistique du Cercle. Relais entre Trieste, Athènes, Casablanca. Un couloir discret pour blanchir des millions et échanger des informations trop sensibles pour passer par un réseau classique. Des disques durs, des microfilms, parfois même des documents manuscrits, comme au siècle dernier.
Chapitre 83 – Le Maillon FaibleRafaelRome.La ville est une façade. Belle, ancienne, indifférente. Mais sous le marbre et les ors, il y a les fondations. Le réseau. Les artères cachées. Et c’est là que je veux frapper.Il y a une règle que Marco m’a apprise, même s’il n’a jamais prononcé les mots : on ne gagne pas contre l’hydre en lui tranchant une tête. On gagne en lui faisant croire qu’elle s’est empoisonnée elle-même.Et ce poison commence avec Domenico Bellini.Bellini est discret. Trop. Vice-président d’une banque privée ayant des ramifications jusqu’à Varsovie. Propriétaire de deux galeries d’art. Parrain officieux de plusieurs campagnes politiques. Officiellement propre, officieusement inattaquable.Mais il a une faille.Il pense qu’on ne sait pas.—Gloria et moi logeons dans un petit appartement du Trastevere, à deux rues d’une église désaffectée. À l’intérieur, j’ai monté un mini-c
Chapitre 82 – Le Berceau des TraîtresRafaelJe descends les marches lentement, chaque pas résonnant contre les murs de béton. Derrière moi, Gloria garde la lampe braquée droit devant, le souffle court. L’odeur est celle de l’humidité, du métal, et du passé. Pas de poussière. Pas d’oubli. Ce lieu vit encore.Le couloir s’élargit. Un sas en acier nous fait face, gravé d’un code alphanumérique : 219-F.Je m’arrête. L’adresse du document retrouvé à Tornio.Je tape le code.Le verrou claque. La porte s’ouvre avec un grincement lent, sinistre.On entre.Le silence est absolu.Devant nous, une salle froide, souterraine, éclairée par des néons grésillants. Des dizaines de classeurs. Des casiers verrouillés. Des étagères pleines de vieux dossiers en cuir, numérotés. Pas d’électronique. Tout est papier. Tout est manuel.Gloria s’approche d’un tiroir. L’étiquette dit “Opérations silencieuses, 1970-1998”.
Chapitre 81 – Le Jardin des MortsGloriaLe soleil ne se lève pas. Pas vraiment. Il s'étire à peine à travers les nuages, comme s’il hésitait à venir éclairer ce jour-là. Et je le comprends. Il y a des vérités qui préfèrent l’ombre. Des vérités qui tuent.Rafael n’a presque pas dormi. Moi non plus. Nous sommes enfermés dans cette chambre d’hôtel miteuse depuis des heures, le carnet et les documents étalés sur le lit défait, comme les fragments d’un crime ancien. J’ai préparé du café. Fort. Inutile. Ce qu’on lit nous tient bien plus éveillés que la caféine.Sur le carnet, des dates, des lieux, des codes. Des noms. Certains barrés d’un trait rouge. D’autres cerclés d’encre noire. Et au centre, un mot répété plusieurs fois : Le Jardin.— Ce n’est pas un vrai jardin, je murmure. C’est un nom de code. Une métaphore, peut-être.Rafael tourne les pages avec des gestes lents, précis, comme s’il avait peur de briser quelque chose. Ou quel