La nuit était tombée sur la villa Velasco, enveloppant les lieux d’un silence pesant, presque solennel. Sophia, encore bouleversée par les paroles de Dante, marchait seule dans les couloirs faiblement éclairés. Elle n’avait pas dormi. Comment aurait-elle pu ? Chaque minute passée dans cette maison la rapprochait un peu plus d’un monde qu’elle n’avait jamais imaginé côtoyer. Un monde où les mots pouvaient tuer et où les alliances se nouaient au-dessus de cadavres encore tièdes.
Elle passa devant une immense baie vitrée. Dehors, la cour intérieure baignait dans l’obscurité. Des gardes patrouillaient, fusils en bandoulière, silhouettes fantomatiques se fondant dans l’ombre. Dante disait vouloir lui apprendre… mais à quel prix ? Une voix brisa le silence derrière elle. "Tu n’as pas peur de te promener seule ici, Sophia ?" Elle se retourna brusquement. L’homme qui lui faisait face n’était pas Dante. Il était plus jeune, la trentaine, des yeux verts perçants et un sourire énigmatique au coin des lèvres. Il portait un costume parfaitement taillé, mais son allure dégageait quelque chose de plus souple, presque charmeur. "Et toi, qui es-tu ?" demanda-t-elle, méfiante. "Matteo," répondit-il avec un sourire. "Le cousin de Dante. Mais contrairement à lui, je sais être aimable." Il s’approcha lentement, mains dans les poches, regard rivé sur elle. "Tu es la fille qu’il a ramenée de New York, n’est-ce pas ? Celle qui a restauré le tableau volé ?" Sophia se raidit. "Tu sais beaucoup de choses." "Je m’informe. Et ici, on ne survit que si on sait tout sur tout le monde." Il se pencha légèrement vers elle. "Tu devrais en faire autant." Elle croisa les bras. "Tu viens me menacer ou me faire la conversation ?" Matteo rit doucement. "Ni l’un ni l’autre. Juste un conseil… Dante n’est pas celui que tu crois. Il veut te façonner à son image, mais il oublie une chose essentielle." "Et laquelle ?" demanda-t-elle, intriguée malgré elle. "Tu n’es pas malléable, Sophia Romano. Tu es un feu qu’il ne contrôle pas encore. Et certains feux… finissent par brûler même les rois." Sur ces mots énigmatiques, il tourna les talons et s’éloigna dans le couloir, laissant Sophia perplexe. Ce Matteo n’était pas comme les autres hommes de la maison. Il avait une présence magnétique, presque dangereuse. Et s’il avait raison ? Si Dante la manipulait peu à peu, sous couvert d’initiation ? Quand elle rejoignit sa chambre, elle trouva une robe noire soigneusement posée sur son lit. Un mot l’accompagnait, rédigé à la main, reconnaissable entre mille : "Ce soir, tu entres vraiment dans mon monde. Prépare-toi." — D. Un frisson la traversa. Il y avait quelque chose d’obsédant dans la manière dont Dante contrôlait chaque détail. Comme s’il écrivait un scénario, et qu’elle n’était encore qu’un personnage secondaire qui ignorait son rôle. Elle enfila la robe. Elle était sublime, parfaitement ajustée, révélant ses courbes sans vulgarité. Quand elle se regarda dans le miroir, elle ne reconnut presque plus la femme qui lui faisait face. Une étrangère élégante, forte, mais seule au milieu de loups. Le salon avait été transformé. Des dizaines de convives élégamment vêtus s’étaient réunis, coupes de champagne à la main, conversations feutrées. On aurait dit un gala mondain… si on oubliait les hommes en armes dissimulés dans les coins. Dante l’attendait en haut de l’escalier. Vêtu d’un costume trois pièces sombre, il irradiait cette autorité froide qui lui était propre. Lorsqu’il la vit, il s’immobilisa quelques secondes. Il ne dit rien, mais son regard s’assombrit légèrement. "Tu es magnifique", souffla-t-il enfin lorsqu’elle arriva à sa hauteur. "Et ce bal, c’est pour quoi ? Me présenter comme ton trophée ?" répondit-elle d’un ton sec. Il pencha légèrement la tête. "Pas un trophée. Une alliée." Elle haussa un sourcil. "Depuis quand un roi a-t-il besoin d’alliées ?" Dante ne répondit pas. Il lui tendit son bras, qu’elle accepta après une brève hésitation. Ensemble, ils descendirent les marches, tous les regards rivés sur eux. Il la présenta à certains invités : des politiciens, des hommes d’affaires, tous liés d’une manière ou d’une autre à ses affaires. Elle joua le jeu, polie, distante. Mais intérieurement, elle bouillonnait. Ce monde était fait de mensonges, de faux sourires, de promesses tranchantes comme des lames. Et elle commençait à comprendre les règles. Puis, tout bascula. Une explosion retentit dehors. Le sol vibra. Les invités se figèrent. Les gardes sortirent leurs armes. Dante attrapa Sophia par la taille et la plaqua contre lui. "Reste derrière moi." Il sortit un pistolet de sa veste, donna des ordres en espagnol. Les gardes se dispersèrent. Sophia, elle, tremblait. Pas de peur. D’adrénaline. "Qui a osé ?" murmura Dante, son regard brûlant. Matteo arriva en courant. "Une attaque ciblée. Ils ont voulu envoyer un message." "Et ils l’ont fait", répondit Dante d’une voix glaciale. Sophia, les yeux écarquillés, réalisa à cet instant qu’elle n’était plus spectatrice. Elle était dans l’œil du cyclone. Et il n’y avait plus de retour en arrière possible.Chapitre 35 – Pacte avec l’EnnemiDans le silence oppressant de sa cellule, Gabriele fixait le mur. La pièce n’avait rien d’un cachot médiéval. C’était une salle d’interrogatoire froide et moderne, au sous-sol du manoir. Pourtant, l’ambiance y était bien plus glaciale que n’importe quelle prison.Biaggi entra sans un mot, posa un dossier sur la table. Il l’ouvrit avec une lenteur calculée, comme pour étirer l’angoisse.« Tu as transmis des données à qui, exactement ? »Gabriele ne répondit pas.Biaggi le fixa. « On sait que tu as eu trois appels non traçables dans les deux semaines avant l’enlèvement de Sophia. Et on sait que tu as reçu de l’argent. »Toujours aucune réaction.Biaggi ferma le dossier. « Très bien. On va parler à ta sœur, alors. Voir si elle a plus de conscience que toi. »Gabriele serra la mâchoire. « Laisse-la en dehors de ça. »« Alors commence à parler. »Pendant ce temps, dans le bureau de Dante, un homme l’attendait. Grand, cheveux poivre et sel, costume impeccab
Chapitre 34 – L'Ombre de la TrahisonLe lendemain matin, la pluie tombait sur Rome comme un présage. Le ciel gris semblait peser sur les toits de la ville, et même les rues habituellement animées paraissaient plus silencieuses, comme si quelque chose se préparait.Dante se tenait dans la bibliothèque du manoir, penché sur un dossier confidentiel. À côté de lui, Gabriele attendait, les bras croisés, le regard sombre.« Tu es sûr de ce que tu as vu ? » demanda Dante.« Oui. Le signal vient d’un des nôtres. Quelqu’un a transmis ta localisation à une source extérieure… juste avant l’attaque du hangar. »Dante ferma le dossier lentement, puis se redressa. « Alors on a une taupe. »Gabriele hocha la tête. « Et elle est proche. Trop proche. »De son côté, Sophia s’entretenait avec Alessia dans le jardin intérieur. Malgré la pluie, les deux femmes marchaient sous les arcades, à l’abri, échangeant en voix basse.« Tu sens qu’il y a quelque chose qui ne va pas ? » demanda Sophia.Alessia acquie
Chapitre 33 – Le Pacte des CendresLe jour de l’annonce officielle arriva plus vite que prévu. Le manoir avait été nettoyé, les corps enterrés, les vitres remplacées. Mais l’atmosphère n’était plus la même. Quelque chose avait changé. Moins de peur. Moins de tensions. On sentait que les fondations d’un nouvel ordre se posaient lentement.Sophia, vêtue d’une robe sobre mais élégante, observait son reflet dans le miroir. Alessia entra sans frapper, tenant une boîte noire à la main.« C’est pour toi. » Elle lui tendit la boîte. « Cadeau de la famille. »Sophia l’ouvrit. À l’intérieur, un collier fin en or blanc, orné d’un petit pendentif : un aigle, symbole des Moretti.« Tu fais partie du clan, maintenant. Qu’on le veuille ou non. »Sophia haussa un sourcil. « Et toi, tu le veux ? »Alessia sourit en coin. « Disons que je préfère t’avoir comme alliée que comme rivale. »Dans la grande salle, tous les membres encore fidèles étaient réunis. Les familles alliées avaient envoyé des représen
Chapitre 32 – Le Prix du SilenceLe manoir portait encore les cicatrices de la nuit. Des éclats de verre brisés, des murs criblés de balles, des taches de sang oubliées au pied des escaliers… et pourtant, un silence étrange régnait, comme si la demeure retenait son souffle après l'ouragan. Sophia marchait lentement dans le couloir principal, son doigt glissant sur les murs comme pour ressentir chaque blessure laissée par la guerre.Dante, de son côté, était dans la pièce qui servait de salle de réunion aux Moretti. Autour de la grande table en acajou, seuls restaient les plus fidèles : Gabriele, Tomaso, Biaggi, et Alessia. Tous avaient les traits tirés, les corps encore tendus, les yeux marqués par la fatigue.« Il faut reconstruire, » dit Dante, la voix basse. « Non seulement le manoir, mais notre code, notre manière de régner. »Gabriele hocha la tête. « Beaucoup ont fui cette nuit. Ils croient que le clan est fini. »« Alors on leur montrera le contraire, » répondit Dante. « Mais s
Chapitre 31 – Le Cœur des TénèbresLe hall du manoir vibrait sous les rafales de balles. Les convives, réveillés en sursaut, se précipitaient dans les couloirs, hurlant comme des bêtes prises au piège. Des lustres en cristal tanguèrent, projetant des éclats de lumière sur les visages déformés par la peur. Au centre de cette tourmente, Dante et Sophia restaient immobiles, dos à dos, tirant avec précision, protégeant leurs arrières.« Couverture ! » hurla Gabriele en pressant la gâchette d’un fusil à lunette.Dans un éclair de plomb, deux assaillants titubèrent et tombèrent. Lorenzo Biaggi, à sa droite, riposta à son tour, palpable concentration dans le regard. Tomaso se glissa en ombre fluide dans un coin, éliminant un troisième ennemi approchant.Sophia, le cœur battant, ajusta sa visée sur un quatrième attaquant. Un homme masqué, l’arme braquée sur Dante. Elle tira. Écho sourd. L’homme s’effondra, sa lame tombant au sol, glissant sur le marbre. Le silence revint quelques secondes, su
Chapitre 30 – Le Chant des CendresLe vol de nuit vrombissait silencieusement au-dessus de la Méditerranée. Seules les lumières scintillantes de la côte sicilienne trahissaient la présence de la terre sous leurs pieds. À bord du jet privé, l’atmosphère était électrique : Dante examinait une carte numérique du manoir visé, tandis que Sophia répétait discrètement les techniques de tir apprises, le canon froid pressé contre sa cuisse.Ils avaient divisé leur petit commando en deux groupes. Dante, avec Biaggi et Luca, attaquerait l’entrée principale ; Sophia, accompagnée de Gabriele et de Tomaso, ferait irruption par la façade arrière, supposée moins surveillée. Alessia assurerait la coordination depuis un poste avancé, reliée par un canal crypté.« N’oubliez pas : pas de quartier, » rappela Dante, le visage dur. « Ici, on ne négocie pas. On exécute. »Sophia acquiesça sans un mot. L’adrénaline la tenait en éveil, chaque fibre de son être prête à l’action. Elle repensa un instant à la pai