SARAHLe véhicule franchit les portes massives dans un grondement de métal, un bruit si profond qu’il résonne dans ma poitrine comme un coup de tonnerre. Nous roulons lentement à travers une large allée pavée, bordée de statues noires. Chaque mètre que nous parcourons me donne l’impression de m’enfoncer dans un monde qui n’a rien d’humain.Je colle mon front contre la vitre froide. Dehors, tout est sombre, démesuré.Des tours noires aux façades couvertes d’inscriptions étranges se dressent, hautes et effilées, comme si elles voulaient déchirer le ciel. Certaines sont reliées entre elles par de fines passerelles, suspendues dans le vide comme des fils tendus par une main invisible.Des torches aux flammes bleutées crépitent dans des braseros de fer. Elles projettent sur les murs des reflets mouvants, presque vivants, qui ressemblent à des griffes prêtes à se refermer sur nous.Mon ventre se serre.— Ce n’est pas… ce n’est pas possible, murmuré-je.Zarek, assis à mes côtés, ne détourne
SARAHLe bruit du moteur me tire d’un sommeil agité.Je sursaute, haletante, le cœur battant à tout rompre. Pendant un instant, je ne sais plus où je suis. L’habitacle est sombre, seulement éclairé par les halos bleus du tableau de bord. L’air sent le métal chaud et la poussière.Zarek est assis à côté de moi , immobile et silencieux.Son regard fixé droit devant, comme s’il pouvait percer la nuit.Un frisson glacial me parcourt la nuque. Puis les souvenirs m’écrasent , le couloir , la lumière.Les chasseurs et cette vague blanche qui m’a traversée comme un feu incontrôlable.Je baisse les yeux vers mon poignet.Le symbole.Il est encore là , faible, mais vibrant, comme une flamme qui refuse de s’éteindre sous la peau.— Non… non, non…Je ramène ma main contre moi, tentant de la frotter avec l’autre, comme si je pouvais gratter cette marque jusqu’à disparaître. Je veux l’effacer , effacer tout ça.Mais Zarek m’attrape le poignet d’un geste net. Ses doigts sont chauds, durs, inébranlab
ZAREKL’alarme hurle toujours.Un cri mécanique qui lacère les murs, qui déchire l’air et s’accroche à la peau comme des griffes invisibles. La lumière rouge pulse autour de nous, donnant l’impression que le couloir respire, qu’il se contracte pour nous avaler.Mais quelque chose a changé.Les chasseurs se relèvent. Pas tous.Certains ne sont plus que carcasses fumantes, des morceaux de chair synthétique fondus sur des ossements métalliques. Leurs masques se fendent, laissant apparaître des visages durs comme du béton, dépourvus de toute humanité.D’autres titubent, hésitent.Ils ont peur. Oui… peur.Et je la sens, comme une onde glaciale qui serpente jusqu’à moi, plus coupante encore que leurs armes.Sarah respire mal. Ses doigts tremblent dans les miens, des secousses légères, presque convulsives. Je sens son pouls battre si fort qu’il cogne contre mes veines, comme si nos corps étaient liés par ce rythme.Et pourtant… il y a autre chose.Cette chaleur.Une force sauvage, incontrôla
ZAREKIls avancent.Lents. Silencieux.Leurs pas résonnent comme des échos mortels dans ce couloir étroit. Le néon au plafond clignote par saccades, jetant des éclairs blancs sur leurs visages masqués. On dirait des spectres vêtus de chair artificielle.Drystan lève son arme, tendu comme une corde prête à se rompre.Je n’ai même pas besoin de respirer pour savoir que ce ne sont pas des hommes.Leur odeur est fade, presque inexistante. Un vide.Ils ne respirent pas comme nous. Peut-être qu’ils ne respirent pas du tout.Sarah serre ma main.Son cœur bat vite, affolé, comme un oiseau prisonnier. Je sens sa peur, la brûlure de son sang qui pulse. Mais sous cette panique, quelque chose vibre… une chaleur sourde, presque vivante, qui remonte le long de mon bras. Comme si elle me contaminait de sa lumière.— Reste derrière moi, dis-je d’une voix basse et dure.— Qui… qui sont-ils ? souffle-t-elle.Je ne réponds pas. Pas maintenant. Le nom que je donnerais ne changerait rien.Les silhouettes
ZAREKJe marche , ou plutôt, je traîne ma carcasse meurtrie dans les couloirs glacés de l’hôpital. Chaque pas est un supplice. Mes côtes râlent, mes muscles protestent, comme si chaque fibre de mon corps hurlait de rester immobile. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas attendre. Attendre, c’est mourir.Les néons au plafond clignotent, me déchirant les yeux. Le bruit métallique des chariots, plus loin, vrille mes nerfs. Ça résonne comme des chaînes dans ma tête. Tout sent le sang, le chlore, la peur. Une peur qui n’appartient à personne et à tout le monde, celle qui s’accroche aux murs, aux rideaux de plastique, aux corps qui passent.Drystan me suit, un pas derrière, son souffle plus court que d’habitude. Je sens son regard me transpercer, lourd de reproches et d’inquiétude.— Zarek, tu n’es pas en état…Sa voix est un grondement, bas et tendu, comme un chien prêt à mordre. Je ne réponds pas. Je l’ignore.Le bloc C n’est plus très loin. Je le sais. Je le sens. Ou plutôt… je la sens.Un
ZAREKLe matin racle la surface de la ville comme une lame sale.Rien n’est pur ici. Pas la lumière. Pas l’air. Pas même les regards.J’observe la ville du haut de la baie vitrée de la suite.Tout n’est que vacarme et vertige. Un chaos mécanique qui me donne la nausée.Drystan entre sans frapper, les bras croisés, l’air tendu.— Elle dort encore, dit-il. Je crois qu’on lui a injecté quelque chose. Elle a des marques dans le cou.Je ne réponds pas.Je fixe la rue en contrebas. Les gens qui marchent vite, pressés, emmitouflés dans leurs existences creuses.Ils ne sentent rien.Ils ne savent rien.Mais moi, je sais. Quelque chose ici pue l’ancien. L’éveil. La mutation.— On ne peut pas rester cloîtrés ici. Pas si on veut la trouver.Drystan acquiesce.— J’ai repéré un garage. On peut louer un véhicule discret, équipé. Sans puce de géolocalisation. Marché noir.— Parfait. Discrètement. Pas de questions.Il hoche la tête et quitte la pièce.Je passe mes doigts sur ma nuque.La sensation de