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Chapitre 2 : Règles du jeu

Author: Clara Wynter
last update Last Updated: 2025-08-17 04:09:23

Le combiné pèse encore dans sa main quand elle ressort de la vieille salle de reprographie. La voix des machines endormies s’étire dans le couloir, un souffle tiède dans le ventre du bâtiment. Mila referme la porte derrière elle et reste un moment immobile, dos au battant, les yeux ouverts sur l’obscurité, attentive au moindre bruit qui pourrait signifier qu’elle a franchi la ligne au-delà du raisonnable. Rien. Seulement le clignotement orangé d’un détecteur de fumée et, au loin, la respiration saccadée d’un ascenseur qui rêve.

Elle devrait partir. Elle répète la phrase en silence, comme un mantra : tu devrais partir. Au lieu de quoi elle s’avance jusqu’au coude du couloir, jette un œil vers le bureau d’angle. Derrière les persiennes, la lumière de l’abat-jour a bougé. Il se déplace, lui aussi. Elle imagine sa silhouette longue, l’épaule contre l’encadrement, les doigts qui tapotent un dossier invisible. Sans qu’elle s’en rende compte, son pouce caresse encore le rebord du combiné, à la recherche de la chaleur laissée par sa voix.

Elle retourne aux archives. L’odeur de carton et de poussière refroidie a la netteté d’un souvenir d’école. Des boîtes étiquetées l’attendent, sages, sur la table. Elle en ouvre une, lit un intitulé qui ne fixe pas, tente de remettre chaque chose à sa place. L’esprit, lui, s’obstine à retourner dans le bureau d’angle : jamais de noms, jamais de visages. La règle a claqué avec la netteté d’un contrat. Elle sait reconnaître une main qui veut garder le contrôle. Elle sait aussi quand c’est elle qui l’accepte.

Elle n’a pas remis deux dossiers que le silence recommence à bourdonner à l’intérieur d’elle. Une question simple, déplacée, impossible à déloger : et si c’était lui qui rappelait ? La pensée lui chauffe la nuque. Non. Elle n’a pas donné de numéro. Elle a utilisé le réseau interne, un poste orphelin qui ne sonne presque jamais. Elle ferme la boîte, la pousse vers l’étagère. Une autre question s’installe : et si c’était à elle de rappeler ? Elle relève la tête, attend de sentir la pulsation du bâtiment dans le bout de ses doigts. Oui. Il y a dans cette attente une densité neuve. Une place qu’elle ne connaissait pas et qu’elle occupe déjà.

Elle retourne dans la petite salle. Le plastique du combiné est tiède, comme s’il n’avait pas eu le temps de refroidir. Elle compose le numéro du bureau d’angle avec une lenteur presque cérémonielle. Une sonnerie, deux. Un clic. Puis sa voix, plus basse, comme si elle souriait sans le montrer :

— Vous êtes revenue.

Ce n’est pas une question. Elle n’a pas le temps d’en faire une affaire. Sa propre voix sort d’elle-même, claire, sans vibrer :

— Pour préciser, je crois.

Un silence où l’on entend à la fois la ville et le cuir d’un fauteuil qui soupire.

— Préciser ?

— Les règles.

Il rit à peine, un bruit bref, sec, qui lui donne l’impression de serrer une allumette entre les dents.

— Je vous écoute.

Elle pose le dos de sa main contre la paroi froide, cherche la formulation qui n’a pas l’air d’une supplique.

— Deux règles, avez-vous dit. Jamais de noms. Jamais de visages. J’ajouterais un corollaire.

— Déjà vous négociez.

— Je précise, corrige-t-elle. Pas de titres non plus. Pas de fonctions. Ce que nous faisons dans la journée n’entre pas ici. Et si, par accident, nous nous croisons… nous ne nous connaissons pas.

Il ne répond pas tout de suite. Un froissement de papier. Quelque chose comme un soupir retenu. Quand il parle, sa voix a pris une couleur mate, débarrassée du fer qui coupe en réunion.

— Vous avez peur que le jour avale la nuit.

— Je sais que c’est ce qu’il fait, répond-elle. Je ne veux pas que cette… chose-là — elle cherche un mot qui n’enferme pas — s’abîme dans la lumière blanche des bureaux.

— Très poétique, murmure-t-il. Soit. Pas de titres. Pas de fonctions. Pas de reconnaissance le jour. Et… pas de traces.

— Pas de traces ?

— Je ne vous enregistrerai pas, dit-il. Et vous ne laisserez pas de notes.

Elle sourit sans bruit, touchée par l’idée même qu’il ait envisagé l’une et l’autre.

— D’accord. Une dernière chose.

— Je savais qu’il y en aurait une dernière.

— Si l’un de nous veut cesser, il dit coupure et on s’arrête. Sans question.

Coupure, répète-t-il, comme on goûte un mot nouveau. Bien. Vous êtes plus disciplinée que je ne l’aurais cru.

Elle croit entendre un bout de sourire dans le mot disciplinée, quelque chose qui glisse sur sa peau sans y mordre. Elle répond :

— Ce n’est pas de la discipline. C’est… le seul moyen de laisser la place à ce qui n’existe jamais pendant la journée.

Il ne commente pas. Un instant, elle a peur d’avoir été trop loin, d’avoir montré quelque chose de trop nu. Alors il dit :

— Un protocole, donc. Deux règles et une sortie de secours.

— C’est vous qui avez commencé.

— Et vous qui avez fini de l’écrire.

Elle sent ses doigts s’assouplir sur le combiné.

— À quelle heure ? demande-t-elle.

— Pardon ?

— Si la nuit a une heure ici, laquelle est-ce ? Les fantômes sont ponctuels, vous disiez.

Il rit, pour de vrai cette fois, un son rond qui fait se dilater la pièce autour d’elle.

— Vingt-trois heures quarante-sept. Pas avant. Pas après.

— Pourquoi si précis ?

— Pour vérifier si vous revenez. Les rendez-vous flous sont des rendez-vous qu’on oublie.

Elle enregistre l’heure dans un coin d’elle-même, à côté d’une autre note invisible : il aime ce qui tient debout tout seul. Elle s’entend dire :

— Vingt-trois heures quarante-sept. D’accord.

Une seconde passe, deux. C’est lui qui reprend :

— Et maintenant que nous avons des règles, qu’allons-nous faire du silence ?

— Le remplir de choses qui ne se disent pas ailleurs, propose-t-elle. Ou le laisser intact quand il vaut mieux.

— Vous êtes dangereuse pour mes soirées, murmure-t-il.

— Vous l’êtes pour ma raison.

Un très court silence, presque un balancement. Elle s’étonne d’elle-même. Lui aussi, peut-être. Au lieu de reculer, il pose une autre pierre :

— Alors on commence par du simple. Dites-moi un endroit où vous n’avez jamais emmené personne.

Mila regarde autour d’elle, la lampe nue, les cartons, l’agrafeuse orpheline. Elle cherche la vérité qui ne la trahira pas.

— Un banc, dit-elle. Dans un square minuscule, derrière la bibliothèque municipale. Le soir, on y entend les pages tourner.

— Les pages ?

— Oui. Quand quelqu’un lit une histoire à voix basse derrière une fenêtre mal fermée, on entend le papier. C’est un son plus léger que la pluie, mais plus obstiné.

Il respire, lentement, comme si le son se matérialisait sur sa langue.

— Bien. À mon tour : un endroit où je n’ai jamais emmené personne… La terrasse technique au-dessus du vingt-huitième. On y voit la ville sans qu’elle se regarde elle-même. Et le vent vous relève la chemise comme pour vérifier que vous êtes vivant.

Elle imagine la scène, la nuit qui s’agrandit, le métal froid, une silhouette seule au bord des choses. La tentation est là : demander pourquoi il y va, quand. Elle n’en fait rien. La règle n’est pas seulement de ne pas nommer : c’est de laisser une margelle entre eux et l’envie de connaître. Elle renvoie la balle ailleurs :

— Qu’est-ce que vous faites quand vous ne dormez pas ?

— Je compte, dit-il.

— Les moutons ?

— Les fenêtres. Celles qui restent allumées quand tout devrait être noir. Je me demande ce qu’elles disent de ceux qui veillent. Et vous ?

— Je bois un verre d’eau et je change de pièce. J’ai l’impression que si je laisse mon insomnie seule cinq minutes, elle se lasse de moi.

— Est-ce que ça marche ?

— Parfois, répond-elle.

Il rit encore, de ce rire silencieux qui est davantage une exhalation qu’un mouvement de gorge.

— Vous ne mentez pas.

— Pas sur ça.

— Alors nous tenons quelque chose.

Il laisse les mots retomber, comme si la conversation avait trouvé le coude où se poser. Mila sent la tension feutrée de la nuit leur dessiner une frontière tendre. Elle bascule légèrement le combiné contre sa joue.

— Dites-moi une phrase que vous auriez aimé qu’on vous dise un jour, mais qu’on ne vous a jamais dite, propose-t-elle.

— Vous prenez déjà des risques.

— Ce ne sont que des mots, rappelle-t-elle. Ce n’est pas grand-chose, et c’est tout.

Un silence long. Quand il parle, sa voix a une épaisseur nouvelle.

Tu peux arrêter maintenant. Tu n’as plus à porter.

Elle ferme les yeux sans le vouloir. Elle place la phrase quelque part, entre ses côtes et la peau.

— Et vous ? demande-t-il à son tour, presque bas.

Elle n’a pas prévu d’avoir une réponse prête. Elle entend sa voix dire :

Tu as le droit de rester.

L’écho revient d’un coup, comme si la pièce rendait ce qu’elle avale d’habitude. Il ne commente pas. Elle non plus. Les règles n’interdisent pas le silence ; elles lui ménagent une place.

Il ajuste la suite :

— Autre précision : pas de promesses.

— Pas de promesses, répète-t-elle.

— Et pas de questions qui enferment. Si l’un de nous se cogne contre une limite, l’autre n’insiste pas.

Coupure, fait-elle, pour la forme. J’ai compris.

— Parfait.

Le mot claque comme un cachet ciré. Elle se décolle du mur, marche deux pas dans la pénombre pour que ses jambes se souviennent d’être là. L’élan la porte à dire :

— On pourrait aussi se donner un endroit imaginaire, rien qu’à nous. Quand l’un de nous dira ce mot-là, on s’y retrouvera sans avoir besoin d’expliquer.

— Vous avez un mot en tête ?

Elle le découvre au moment même où elle l’énonce :

L’atelier. Sans adresse. Sans porte. Juste un espace où on dépose ce qu’on ne peut pas garder sur soi.

L’atelier, répète-t-il. Bien. Je prends.

Elle s’assoit à la table, sur le bord, comme on s’assoit à une rive. La feuille devant elle n’attend rien ; elle dessine un rectangle qui n’est rien d’autre que l’idée d’une fenêtre. Dehors, un camion souffle sa fatigue au coin de la rue. Le bâtiment grince comme une coque.

— Je pourrais vous demander quel livre vous avez laissé à moitié, commence-t-elle, pour alléger, pour installer un pli.

Le Maître et Marguerite, dit-il sans réfléchir. J’ai refermé au milieu d’une phrase. Par peur que ça me suive trop loin.

— Et ça vous a suivi quand même.

— Évidemment.

— J’ai abandonné Les Hauts de Hurlevent trois fois, avoue-t-elle. Jamais au même endroit. J’ai toujours l’impression qu’ils me surprennent à les trahir.

— Vous avez une loyauté étrange.

— Et vous, un sens de la fuite très orchestré.

Il souffle quelque chose qui ressemble à un sourire.

— Je préfère parler de stratégie.

— Moi, je préfère atelier à stratégie.

— C’est pour ça que nous ne travaillons pas dans les mêmes pièces, dit-il, presque distraitement, comme si la phrase lui avait échappé.

Elle sent la ligne dangereuse affleurer : les mêmes pièces touche au jour. Elle la détourne d’un pas :

— Cette nuit, nous ne travaillons nulle part. Nous parlons. Et demain, nous oublierons. C’est une règle implicite.

— Oublier n’est pas dans mes compétences, prévient-il.

— Alors feindre, propose-t-elle. C’est une compétence voisine.

Il se tait un moment, puis :

— Vingt-trois heures quarante-sept, atelier, coupure. Deux règles, trois clés. Je devrais tenir.

Elle range machinalement un lot d’agrafes, non parce qu’elles traînent, mais pour occuper ses mains qui, sinon, iraient ramasser la nuit pour la serrer dans sa paume. Elle ose :

— Vous êtes plus calme, maintenant.

— Vous aussi, répond-il sans chercher à le cacher.

Elle le sait à la façon dont sa respiration a épousé le rythme du ventilateur. À la façon dont l’électricité nerveuse qui lui courait dans la cage thoracique a trouvé une boucle où se reposer. C’est inexplicable. C’est exactement pour ça qu’elle est restée.

— Demain, vous aurez oublié ce banc et sa fenêtre, dit-elle, presque rituel.

— Et vous, la terrasse technique, répond-il, docile.

— Nous garderons seulement… la lumière hésitante.

— Et la façon dont vous l’avez décrite.

Un autre silence. Elle sent le moment où l’on s’arrête approcher sans brusquerie. Ils n’ont pas besoin d’un coupure. Le mouvement naturel de la nuit leur montre la sortie.

— Vingt-trois heures quarante-sept, confirme-t-il, plus doux.

— Vingt-trois heures quarante-sept, répète-t-elle.

— Bonne nuit, atelier.

— Bonne nuit.

Le déclic du combiné l’ébranle à peine. Elle reste là, quelques secondes de plus, le téléphone contre la joue, comme si l’objet conservait une chaleur empruntée. Puis elle se lève, range la salle, éteint la lumière. Dans les archives, elle aligne les boîtes comme des livres qu’on remet à leur juste hauteur. Avant de partir, elle sort un carnet noir de son sac. Sur la première page, elle écrit : RÈGLES DU JEU. Dessous, à l’encre bleue, avec une écriture précise : Jamais de noms. Jamais de visages. Pas de titres. Pas de jour. Atelier. V-23:47. Coupure.

En descendant par les escaliers de service, elle passe devant une baie vitrée qui donne sur la ville. Le fleuve de phares qui s’étire au loin a la lenteur majestueuse d’un animal nocturne. Elle s’arrête, une main contre la rampe. Elle ne pense ni au risque, ni aux conséquences. Elle pense à une voix qui a appris à moduler pour ne pas faire peur, à un homme qui compte des fenêtres au lieu de moutons, à une phrase déposée comme une couverture sur des épaules trop alertes : tu peux arrêter maintenant.

Devant les portes, le gardien de nuit lève la tête de son magazine, lui adresse un signe. Elle répond d’un sourire discret. Dans la rue, l’air frais la saisit. Elle remonte le col de son manteau, éprouve la joie coupable d’avoir déplacé quelque chose sans que personne ne s’en rende compte. Une joie qui n’efface rien, mais qui ouvre un interstice par où respirer.

L’appartement l’accueille avec l’odeur neutre des lieux où l’on vit seul. Elle allume une lampe, dépose ses clés, s’arrête à la cuisine juste assez longtemps pour boire un verre d’eau. Dans la chambre, elle hésite à ouvrir son carnet. À la place, elle se glisse sous la couette, en travers, comme pour contrarier la logique droite de la fatigue. Elle ferme les yeux sur la trace d’une voix qui n’a pas de contour. Elle répète, comme on touche un chapelet invisible : atelier, atelier, atelier. Et s’endort avant d’avoir compté une seule fenêtre.


Le lendemain, la Tour Reyford recommence à faire semblant de dormir le jour. Mila arrive plus tôt que d’habitude. Les néons laccés au plafond ont cette pâleur d’hôpital qui dissout les frontières de la nuit. Elle salue, sourit, s’efface. Elle travaille en silence, avec une efficacité mesurée qui n’attire pas l’attention. Au détour d’un couloir, elle croise un profil qu’elle connaît trop bien pour n’avoir jamais voulu le regarder ainsi. Il ne tourne pas la tête. Il passe si près qu’elle pourrait compter les points de couture du revers de sa veste. Elle retient son souffle. Feindre, se rappelle-t-elle. Feindre, c’est tenir parole.

Dans l’ascenseur, une assistante commente la pluie, un cadre plaisante sur le café. Les mots se cognent sans entrer. À onze heures, elle range son bureau, traverse la passerelle vitrée, descend d’un étage pour livrer un dossier signé. Une voix derrière elle dit quelque chose à propos d’un contrat, elle n’écoute pas. Elle travaille. Elle travaille parce que travailler est la meilleure manière de ne pas vivre à découvert.

À treize heures, elle déjeune seule, dos à la vitre, une salade qui a le goût d’une vérification. Elle ouvre son carnet, relit les règles. Les mots ont l’air d’avoir été écrits par quelqu’un d’autre. Elle trace une ligne sous coupure, comme pour s’assurer que le parachute est bien là, au cas où. À quinze heures, elle classe des factures d’il y a cinq ans. À dix-huit heures, elle remonte des dossiers dans un carton. À vingt et une heures, le bâtiment s’évide de ses voix. À vingt-trois heures, elle remet sa veste, prend son carnet, et traverse le couloir qui la sépare de la vieille salle de reprographie.

À vingt-trois heures quarante-six, elle compose le numéro et n’appuie pas encore. La seconde s’étire sur sa peau comme un élastique prêt à claquer. Elle attend de sentir l’heure exacte atteindre son poignet. Quand l’horloge du couloir claque, elle appuie.

Une sonnerie.

Deux.

Le clic.

Atelier, dit-il, comme si, entre eux, le mot avait toujours existé.

Atelier, répond-elle, et la nuit s’ouvre, exactement à la taille qu’ils lui ont donnée.

 

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