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L'amante invisible du PDG
L'amante invisible du PDG
Author: Clara Wynter

Chapitre 1 : La voix dans l'ombre

Author: Clara Wynter
last update Last Updated: 2025-08-17 04:08:35

La tour Reyford dormait.

Ou plutôt, elle donnait l’illusion du sommeil. Derrière les vitres sombres, le silence s’étendait comme une nappe de velours noir, interrompu seulement par le ronronnement discret des systèmes de ventilation et la pulsation régulière des ascenseurs en veille.

Mila Andrews ajusta la lanière de son sac sur son épaule et sortit de l’ascenseur du vingt-septième étage. Elle était censée avoir quitté les lieux depuis deux heures déjà, mais le classement du fonds d’archives de l’entreprise avait pris plus de temps que prévu. Et, pour être honnête, ce n’était pas seulement pour le travail qu’elle restait tard…

Il y avait quelque chose dans ces couloirs à cette heure précise.

Un parfum d’interdit, d’intimité volée au quotidien, que Mila savourait en silence. Le jour, le siège de Reyford Corp. n’était qu’un ballet mécanique : portes qui claquent, voix qui s’élèvent, cliquetis des claviers. La nuit, tout changeait. Les bureaux devenaient un labyrinthe de pénombre où chaque bruit semblait amplifié, chaque geste plus significatif.

Elle se dirigea vers la salle des archives, un espace étroit coincé derrière deux portes coupe-feu, quand une voix masculine résonna, basse, grave, modulée avec une précision presque théâtrale.

Elle s’immobilisa net.

Ce n’était pas la voix d’un gardien de nuit. Trop assurée. Trop… habitée.

— « Ils croient tous que le contrôle est une question de pouvoir… »

Mila se glissa contre le mur, ses doigts effleurant la peinture froide. La voix venait du bureau d’angle, le seul dont les persiennes laissaient filtrer un trait de lumière.

— « … alors que ce n’est qu’une question de patience. »

Elle reconnut, sans l’avoir jamais entendue ainsi, la signature vocale d’Alec Reyford, PDG de l’entreprise. De jour, il parlait vite, coupant les phrases des autres, laissant ses mots tomber comme des verdicts. Mais là… c’était différent. Plus lent. Plus profond. Presque intime.

Elle avança d’un pas, juste assez pour apercevoir son ombre sur le sol, découpée par le rai de lumière.

Il était seul. Pas de téléphone à son oreille. Pas d’ordinateur allumé. Il parlait… dans le vide ?

— « Tu sais ce qui m’amuse ? C’est de les regarder courir, persuadés d’avoir un coup d’avance. »

Mila sentit une chaleur étrange lui monter à la poitrine. Ce n’était pas le ton d’un discours préparé ni celui d’une discussion professionnelle. Il parlait comme on se parle à soi-même, ou à quelqu’un qu’on croit invisible.

Sans vraiment réfléchir, elle poussa la porte entrouverte de l’ancienne salle de reprographie, juste à côté, et chercha dans l’obscurité le combiné d’un vieux téléphone interne. Elle appuya sur la touche qui correspondait au bureau d’Alec.

La tonalité résonna une fois. Deux fois. Puis un clic, suivi d’un souffle à peine audible.

— « Qui est-ce ? » demanda-t-il.

Sa voix, à présent adressée à elle, fit vibrer quelque chose dans sa nuque. Elle ne réfléchit pas.

— « Peut-être celle qui vous écoute depuis trois minutes », répondit-elle, le timbre volontairement bas.

Un silence. Puis un léger rire, grave et bref.

— « Vous avez conscience que c’est une intrusion ? »

— « Et vous, que parler seul dans un bureau à cette heure-là peut sembler… inquiétant ? »

Elle s’attendait à ce qu’il raccroche. Au lieu de ça, un bruit léger de chaise, comme s’il se levait.

— « Intéressant », dit-il. « Très bien. Donnons un cadre à cette conversation. Deux règles : jamais de noms, jamais de visages. Juste… la voix. »

Mila inspira lentement. Une part d’elle savait qu’elle aurait dû couper court, rendre le combiné à son support et rentrer chez elle. Mais une autre, plus têtue, plus curieuse, s’accrocha à cette proposition comme à une promesse dangereuse.

— « D’accord », dit-elle enfin.

Il y eut un froissement de tissu, peut-être sa main passant sur sa chemise.

— « Alors… dites-moi, que faites-vous ici, à cette heure ? »

— « Et vous ? » répliqua-t-elle.

— « Je pose les questions. »

Elle esquissa un sourire invisible.

— « Vous ne pourriez pas vous contenter de croire que je suis un fantôme du bâtiment ? »

— « Non », répondit-il après une brève pause. « Parce que les fantômes ne respirent pas comme vous. »

Le silence se fit, ponctué seulement par le bourdonnement lointain des néons. Mila sentit son cœur battre plus vite. Cette voix, ce jeu… c’était insensé, mais étrangement enivrant.

Ils parlèrent ainsi pendant une heure, sur rien et sur tout. Sur les insomnies qui grignotent les nuits, sur la ville qui paraît différente quand elle dort, sur ces petites vérités qu’on ne dit jamais à personne. Il ne posa pas de questions directes sur son identité, et elle évita soigneusement les siennes.

À un moment, il la surprit en lui demandant :

— « Si vous deviez décrire la lumière dans laquelle vous êtes, là, maintenant… ? »

Elle baissa les yeux vers l’ampoule faible suspendue au plafond de la pièce de reprographie.

— « C’est… une lumière qui hésite entre rester et s’éteindre. Comme quelqu’un qui ne sait pas s’il doit partir ou non. »

Il resta silencieux un moment. Puis dit simplement :

— « J’aime cette image. »

Quand elle raccrocha enfin, les doigts légèrement engourdis par le combiné, elle eut l’impression d’avoir franchi une ligne invisible.

Une ligne qu’elle n’avait pas vue venir, mais qu’elle savait impossible à effacer.

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