Chapitre 3 — Le souffle du danger
Aelis Le vent mord ma peau tandis que je m’enfonce dans les entrailles de la Zone-3, cette jungle d’acier et de béton rongée par la rouille et la peur. Chaque pas m’éloigne un peu plus de la lumière factice des néons, m’immergeant dans un monde où la loi n’est qu’un murmure, un souffle fragile balayé par la violence et la trahison. Je ressens chaque battement de mon cœur comme un tambour de guerre, un rappel sourd que le moindre faux pas peut être fatal. Je glisse dans l’ombre des bâtiments, évitant les angles morts des caméras et des drones. Le datapad dans ma poche vibre légèrement, une alerte discrète, un rappel que le temps file, impitoyable. Douze heures pour frapper, pour frapper fort. Je ralentis, observant les alentours, détaillant les silhouettes furtives qui se meuvent dans la pénombre. Certains m’observent, d’autres ignorent ma présence. Mais je sais que je ne suis jamais vraiment seule. Je rejoins un point de rendez-vous oublié, un ancien conduit d’aération à moitié obstrué, camouflé sous une plaque métallique cabossée. Je soulève la plaque, glisse à l’intérieur, et me retrouve dans un tunnel étroit où l’air est saturé d’humidité et de silence. Je progresse en rampant, sentant la rouille grincer sous mes doigts, les gouttes d’eau tomber au rythme lent de mon souffle. Cette cage souterraine est un labyrinthe oublié, un refuge pour ceux qui, comme moi, vivent en marge. Au bout du tunnel, une lumière vacillante révèle une silhouette familière. Lysar. — Tu es en avance, murmure-t-il, son visage émacié éclairé par un holo-écran défectueux. — Je n’aime pas attendre. Le temps est un luxe que nous n’avons pas, réponds-je en lui tendant la carte mentale. Il la scrute, hochant la tête. Ses doigts tremblent légèrement en désignant les zones blindées. — La sécurité a été renforcée depuis la dernière fois. Ils ont installé de nouveaux systèmes anti-intrusion, plus sophistiqués. Tu vas devoir être plus prudente que jamais. Je serre la mâchoire. Rien ne sera simple. Rien ne l’a jamais été. Mais je ne peux pas me permettre de reculer. — Et les alliés ? — Les anciens contacts sont trop exposés. Je peux te mettre en relation avec une cellule clandestine qui agit dans l’ombre, mais ils sont prudents, méfiants. Ils ne font confiance à personne sans garanties solides. — Je leur donnerai ce qu’ils veulent, dis-je avec une pointe de défi. Lysar me dévisage, cherchant dans mes yeux une vérité qu’il peine à trouver. — Tu portes encore cette douleur, Aelis. Elle te ronge. Elle pourrait te faire perdre plus que la mission. Je déglutis. Il a raison. Cette douleur est un poids constant, une brûlure au fond de ma poitrine. Mais c’est aussi mon moteur. — Je suis prête à tout perdre, dis-je enfin. Même moi-même. Il soupire, puis glisse dans ma main un petit dispositif, un émetteur crypté. — Ce sera ton lien. Utilise-le pour rester en contact, mais sois prudente. La moindre fuite, et c’est la mort assurée. Je l’enfile, sentant le froid métallique contre ma peau. Une chaîne invisible commence à se tendre entre moi et eux, un filet de sécurité fragile dans ce monde de chaos. Je reprends la route, plus déterminée que jamais. Chaque pas me rapproche de l’entrepôt, de ce lieu maudit où le Syndicat cache ses secrets. J’entends au loin les sirènes, les alarmes, les voix étouffées d’hommes armés. La tension est palpable, électrique. Je me faufile à travers des ruelles crasseuses, escalade des murs couverts de mousse, et déjoue les capteurs infrarouges avec une précision froide. Mon esprit est clair, affûté comme une lame. La peur est là, tapi au fond, mais elle ne contrôle plus rien. Le vent se fait plus glacial, chargé d’une odeur âcre qui annonce la proximité des zones interdites. Chaque ombre semble se mouvoir, chaque bruit devient une menace. Mon corps est tendu comme un arc, prêt à se détendre ou à se briser. Je sais que je ne peux compter que sur moi-même. Soudain, un bruit derrière moi. Un souffle, un mouvement. Je me retourne vivement, le pistolet déjà en main. — Qui va là ? criai-je, la voix ferme. Une silhouette se détache de l’ombre. C’est Joran, un ancien de la cellule clandestine, une énigme en lui-même. — Calme-toi, c’est moi, murmure-t-il. Je suis venu t’aider. Je baisse lentement mon arme, l’observant avec méfiance. Chaque visage ici peut être un traître, chaque sourire un piège. — Pourquoi devrais-je te faire confiance ? — Parce que je suis aussi en guerre contre eux, répond-il avec une gravité qui n’admet pas la contestation. Il me tend une petite boîte, un concentré d’électronique et de silence. — Ça neutralisera les drones pendant quelques minutes. Assez pour pénétrer dans l’entrepôt. Je prends l’objet, sentant le poids de cette alliance fragile. Tout peut basculer à tout moment. — On n’a pas le droit à l’erreur, dis-je. Joran hoche la tête. Ensemble, nous avançons vers l’obscurité, prêts à affronter le souffle du danger qui étouffe la ville. Chaque seconde compte. Chaque geste est une promesse de survie ou de mort. Le jeu macabre commence, et je suis prête à jouer jusqu’au bout. Nous progressons dans un silence pesant. La nuit est dense, presque palpable, et chaque bruit devient un signal d’alerte. Le cliquetis d’un métal, le souffle court d’un homme qui passe, les murmures lointains des gardes. Je sens mon esprit bouillonner d’anticipation et d’adrénaline. La peur, cette vieille compagne, se fait discrète, éclipsée par la détermination. — Tu sais ce qui t’attend là-dedans ? demande Joran, sa voix basse trahissant une pointe d’inquiétude. — Plus ou moins. Ils ont des armes automatiques, des pièges électroniques, et sûrement des chiens d’alerte. — Alors il faudra être rapide. Frapper fort, et disparaître avant qu’ils comprennent quoi que ce soit. Nous atteignons l’entrée latérale de l’entrepôt. Un mur de métal renforcé, bardé de capteurs et de verrous électroniques. Joran sort un petit boîtier, que je reconnais comme un hackeur portatif. Il s’accroupit, les doigts dansant sur l’interface, et murmure quelques instructions codées. Les secondes s’étirent, puis un déclic. La porte s’ouvre dans un souffle. Nous pénétrons à l’intérieur, engloutis par l’obscurité moite. Le silence est écrasant, oppressant. Nos pas résonnent contre le sol bétonné. Je sens les regards invisibles scruter notre passage, prêts à jaillir au moindre faux mouvement. Nous progressons lentement, évitant les zones éclairées, désactivant au passage quelques systèmes d’alarme. Joran me devance, ouvrant un passage avec une rapidité déconcertante. — Là, chuchote-t-il, désignant une salle close. C’est là que sont stockées les données. — Parfait. Je me penche sur le terminal, mes doigts glissant sur le clavier, récupérant les fichiers cruciaux, dérobant les secrets bien gardés du Syndicat. Soudain, un bruit sourd derrière nous. Un groupe d’hommes armés s’avance, alertés. La traque commence. — Vite, il faut sortir ! ordonne Joran. Je serre les dents, attrape le boîtier de neutralisation et l’active. Les drones se figent, les lumières clignotent, offrant un répit fragile. Nous courons à travers l’entrepôt, esquivant balles et pièges, le souffle court, le cœur battant la chamade. Le danger est partout. Mais je ne faiblis pas. Ce soir, je frappe au cœur du monstre. Ce soir, je ne suis plus une ombre, mais une tempête.Chapitre 18 — Fractures et promessesAelisLa messagère s’effondre presque à mes pieds, haletante, les traits tirés par la peur. Zara et Nikolai la soutiennent rapidement, tandis que je tends la main pour recevoir la lettre qu’elle serre dans ses doigts tremblants. Le bruit de ses pas précipités et son arrivée soudaine avaient déjà figé le camp dans une tension palpable.— Qui est-ce ? demandai-je d’une voix ferme, la gorge nouée, le cœur battant à tout rompre.Elle lève un regard désespéré vers moi, les yeux emplis de terreur et de fatigue.— Je viens de la cité de Valdren... murmure-t-elle à peine. Ils nous poursuivent, plus nombreux et plus impitoyables que jamais. Leur chef a donné l’ordre de vous éliminer. Mais… il y a une alliance possible. Une trêve fragile, seulement si vous acceptez de venir les rencontrer.Un murmure traverse le camp. La trêve. Ce mot qui résonne comme une promesse, aussi fragile qu’un souffle au cœur d’un ouragan.Je plisse les yeux, mes pensées s’emballent
Chapitre 17 — L’ombre des souvenirsAelisLe silence après la fuite est presque irréel. La forêt s’étend autour de nous, vaste, dense, une mer de feuilles et d’ombres mouvantes qui semble vouloir nous avaler tout entiers. Pourtant, c’est ici que nous devons tenir. Ici que nous devons trouver la force de continuer, de renaître, même si chaque pas semble lourd d’une fatigue infinie.Je pose doucement Soren au sol, son corps frêle encore tremblant, le front perlé de sueur. Il ferme les yeux, cherche un souffle plus calme, mais ses doigts s’agrippent à la terre, comme pour s’ancrer, s’accrocher à quelque chose de réel. À côté de lui, les enfants se rassemblent en un petit groupe, hagards mais vivants, leurs regards encore hantés par la violence qu’ils ont fuit. Leur innocence volée pèse lourdement sur mon cœur.Nikolai s’éloigne un instant, s’enfonçant dans les fourrés pour vérifier les alentours. Sa silhouette massive se fond dans la végétation, mais son pas reste ferme, assuré, chaque m
Chapitre 16 — Le poids du renouveauAelisLes échos des explosions résonnent encore dans mes oreilles, un grondement sourd qui semble se fondre en un battement continu, lourd et oppressant. La poussière retombe lentement, fine et implacable, déposant sur nos corps épuisés un voile grisâtre, rappel brutal de la destruction qu’on vient de traverser. Autour de nous, la base improvisée s’anime dans un tumulte chaotique : des murmures d’angoisse, des ordres hurlés par-dessus le vacarme, des pas précipités qui s’entrechoquent sur le sol jonché de gravats et de cendres.Je tiens Soren contre mon épaule, sentant son souffle court, irrégulier, presque fragile. Pourtant, il tient bon. Malgré tout, il est là. Son regard, grand et apeuré, s’accroche au mien avec cette innocence qu’aucune guerre ne devrait jamais pouvoir voler. Mais ici, rien n’est jamais sûr, rien n’est jamais acquis. Et ça me serre le cœur.Nikolai s’approche à grands pas, sa silhouette imposante dégage une force silencieuse, ma
Chapitre 15 — Ceux qui renaissent des cendresAelisLe souffle glacé du matin fouette mes joues, mord la peau à travers le tissu usé de ma cape. L’air est lourd de cendres et de poussière, chargé de cette odeur âcre et persistante qui s’accroche à nos vêtements, à nos cheveux, à nos poumons. Autour de nous, les ruines fumantes du centre détruit se dressent comme un cimetière en flammes. Des carcasses de métal tordues, des murs éventrés, des éclats noirs qui crachent encore une fumée âcre. L’odeur de la brûlure mêlée à celle plus douce, presque sucrée, de la sueur et du sang frais me colle à la peau, imprègne mes sens.Dans mes bras, onze enfants. Onze corps frêles, onze vies volées à l’ombre d’un cauchemar industriel qui nous pourchasse sans relâche. Certains sont endormis, épuisés par la fuite, d’autres pleurent doucement, ou fixent le vide, les yeux pleins d’une douleur que je connais trop bien. Onze âmes suspendues à mes forces vacillantes. Combien de temps encore pourrons-nous ten
Chapitre 14 — Ceux qui portent le feuNikolaiLe monde ne s’arrête pas quand on tue un monstre.Il s’adapte. Il se tord. Il enfante d’autres bêtes, plus rusées, plus douces, plus masquées. On a cru que l’ombre mourrait avec lui. Mais à l’instant où Aelis et moi franchissons la frontière de la Zone Morte avec l’enfant dans les bras, je comprends que tout recommence.La gamine ne parle pas. Elle s’appelle Lya. Ou du moins, c’est ce que son bracelet électronique prétend. Sept ans. Dossier effacé. Organes déjà modifiés. Elle n’a connu que les murs froids, les seringues et la douleur.Aelis ne la lâche plus.Moi, je ne dors plus.On se terre dans un bunker oublié par les cartes. Une grotte de béton entre les montagnes noires et les forêts rouges du Nord. Les anciens résistants y laissaient des stocks. L’endroit pue l’humidité, mais il est sûr. Pour l’instant.Je regarde Aelis jouer avec Lya. Lentement, elle lui apprend des gestes simples. Nommer les couleurs. Nommer les choses. Nommer la p
Chapitre 13 — Le Sang des PromessesNikolaiJe la tiens encore dans mes bras quand les gyrophares déchirent la nuit.Aelis tremble. Pas de froid. Pas de peur. D’un trop-plein. De cette tension qu’elle contient depuis trop longtemps. Je sens son cœur battre contre ma poitrine, irrégulier, affolé. Et le mien répond. Pas par tendresse. Par instinct.Je nous traîne dans une ruelle, loin de la rave en flammes. Je la plaque contre le mur suintant de moisissure, cherche ses yeux. Ils sont dilatés, trop noirs. Elle n’est pas vraiment là. Je l’ai déjà vue dans cet état. Quand elle remonte trop loin. Quand les douleurs des autres prennent le dessus sur les siennes.Je claque des doigts devant elle.— Aelis. Reviens.Elle cligne des yeux. Une fois. Deux fois. Puis elle expire. Longtemps. Comme si elle expulsait toute l’horreur du monde par ses poumons.— Il est encore là, murmure-t-elle.Je fronce les sourcils.— Qui ?Elle me fixe. Et je comprends.Mon père.Je serre les poings. Mes ongles s’en