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Chapitre 4— L’écho du refus

Author: L'encre
last update Last Updated: 2025-07-07 18:40:37

Azar

Je marche dans la nuit fraîche, les mains enfoncées dans les poches de mon blouson.

La ville est silencieuse, comme figée entre deux respirations.

Seules les lumières des lampadaires percent l’obscurité, dessinant des ombres longues sur le bitume.

La voiture est encore là, immobile, ses phares éteints, comme si elle retenait un souffle qu’elle ne veut pas laisser échapper.

Je m’arrête un instant, regardant le siège vide à mes côtés, et je sens un vide sourd qui s’ouvre en moi.

Elle m’a repoussé, glaciale, tranchante.

Un coup sec porté à ma fierté d’homme habitué à tout obtenir, à dominer, à charmer.

Cette fille, avec ses murs durs et ses silences coupants, m’a claqué la porte au nez.

Mais cette fois, ça ne marche pas.

Cette fois, elle ne se laisse pas apprivoiser.

Elle ne m’offre pas ce sourire facile qui efface tout, qui apaise mes démons.

Elle m’a dit qu’elle allait m’oublier.

Que je n’étais qu’un coureur de jupons, un jeu parmi tant d’autres.

Et cette idée m’irrite plus que je ne veux l’admettre, plus que je ne veux l’avouer à haute voix.

Je suis habitué aux conquêtes faciles, aux regards qui s’abaissent, aux lèvres qui s’ouvrent à mon passage.

Des corps qui cèdent, des mains qui se tendent.

Tout un monde où je suis roi.

Mais Leyna…

Leyna est différente.

Elle est ce mur qu’on ne peut pas contourner, cette énigme que je n’arrive pas à déchiffrer.

Son refus est une flamme froide qui m’attire et me brûle.

Son regard qui me défie est un défi lancé à tout ce que je suis, à tout ce que je croyais contrôler.

Je me rends compte que je ne veux pas juste la posséder, comme un trophée de plus.

Je veux comprendre ce qui la fait fuir.

Je veux percer ses silences, ses peurs, son mur.

Je veux savoir pourquoi elle refuse d’abaisser sa garde, pourquoi elle s’enferme dans ce monde où je n’ai pas ma place.

Mais pour ça, il faudra plus que des mots doux ou des sourires enjôleurs.

Il faudra du temps.

De la patience.

De la volonté.

Je serre les poings, le souffle court.

Je ne suis pas du genre à abandonner.

Pas quand je sens qu’il y a quelque chose de réel, de brut, de puissant.

Une force obscure et lumineuse à la fois, une énergie qui me fait vaciller.

Je sens aussi ce poids : celui de mon image.

Le joueur adulé, l’icône médiatique, le séducteur sans attaches.

Un rôle que je joue avec habileté depuis des années.

Mais avec Leyna, ce masque commence à se fissurer.

Je tourne la tête vers la porte de son immeuble, éclairée par un lampadaire blafard.

Là où elle est, là où ses secrets vivent, là où elle se cache.

Je me surprends à imaginer sa vie derrière ces murs.

Ses doutes. Ses combats. Ses blessures.

Et ça me fait mal, plus que je ne veux l’admettre.

Je murmure pour moi-même, presque une promesse :

— Je reviendrai, Leyna.

Et je ne te laisserai pas partir.

Le vent froid me fouette le visage, mais à l’intérieur, c’est un brasier qui s’allume.

Un feu que je ne peux ni éteindre ni ignorer.

Je fais quelques pas, puis je m’arrête, regardant une dernière fois la fenêtre d’où elle pourrait m’observer, silencieuse et distante.

Je me demande ce qu’elle pense.

Si elle craint ce feu autant que moi.

Ou si elle veut, elle aussi, brûler un peu.

Je reprends ma route, chaque pas résonnant dans la nuit.

Les lumières de la ville s’éloignent derrière moi, mais la silhouette de Leyna reste gravée au plus profond de mon esprit.

Je sais que ce n’est que le début d’une bataille.

D’un jeu dangereux entre ombre et lumière, désir et peur.

Et je suis prêt à jouer, à perdre, à brûler, juste pour ne pas la perdre.

Leyna

La porte de mon appartement claque derrière moi, résonnant comme un coup dans le silence qui m’engloutit aussitôt.

Le vide de la pièce me paraît immense, presque étouffant.

Je dépose mon sac avec une précaution étrange, comme si ce simple geste pouvait déranger un équilibre fragile, un secret que je ne suis pas prête à révéler.

Je m’appuie contre le mur froid, les mains encore tremblantes, le souffle court.

Les paroles d’Azar tournent en boucle dans ma tête, leurs échos m’envahissent, bousculent ma raison.

Son regard, ce mélange d’insistance et de vulnérabilité, me hante plus que je ne veux l’admettre.

Je veux le haïr.

Le détester.

Le repousser avec la force de toutes mes blessures.

Mais je sens que c’est vain.

Il a déjà laissé une trace brûlante, presque indélébile.

Il a réveillé en moi un feu que je croyais avoir éteint depuis longtemps.

Un feu sourd, insidieux, qui ne réchauffe pas mais qui consume, lentement, sans éclat, avec une douleur sourde.

Je me déplace lentement vers la fenêtre, comme attirée par une lumière incertaine.

Je scrute les lumières de la ville, leurs scintillements lointains, fragiles.

Elles ressemblent à des promesses futiles, des espoirs suspendus que je ne sais plus croire.

Pourquoi est-ce que je ressens ça ?

Pourquoi est-ce que ce joueur arrogant, ce symbole flamboyant d’un univers que je méprise, trouble à ce point mon équilibre ?

Pourquoi est-ce que son absence me pèse déjà comme un manque ?

Je me remémore ma vie, les combats que j’ai livrés en silence.

Les jours où je me suis levée sans force, les nuits froides où je me suis blottie dans l’obscurité, les rêves que j’ai dû enterrer pour survivre.

J’ai toujours cru que la seule manière d’exister était de rester forte, insensible aux blessures, aux faux-semblants.

Et voilà qu’en quelques heures, un homme, un inconnu, vient tout chambouler, briser mes défenses avec une simplicité déconcertante.

Je ferme les yeux, cherchant à chasser cette chaleur qui monte, envahit mon corps et me trouble.

Je ressens encore la force de sa main, ce contact fugace mais qui semble porter le poids d’un monde.

Je sens le poids de son regard, cette intensité qui m’a fait vaciller, malgré moi.

Je voudrais que tout ça s’arrête.

Que ce feu se refroidisse.

Que la raison reprenne le dessus.

Mais en même temps, une peur sourde m’envahit.

La peur que ce soit là le début de quelque chose d’inévitable, de profond, de dangereux.

Je m’effondre enfin sur le canapé, les mains toujours tremblantes.

Je ne suis pas prête.

Je refuse d’être prête.

Pourtant, dans le silence de cet appartement, une voix se fait entendre, faible, presque inaudible.

Une voix que je combats, que je refuse d’écouter.

Elle me murmure que peut-être, juste peut-être, il y a quelque chose à tenter.

Quelque chose à risquer, au-delà de la peur et des doutes.

Je serre les poings, comme pour m’ancrer à cette résolution fragile.

Je me promets de rester forte, de ne pas me laisser emporter par ce désir confus.

Mais au fond de moi, je sais que cette promesse vacille déjà.

Que chaque battement de mon cœur s’accorde à une mélodie nouvelle, troublante et irrésistible.

Je me laisse glisser un peu plus dans le silence, avec cette vérité qui me brûle :

Azar est devenu une ombre dans mes pensées, une présence impossible à ignorer.

Et je ne sais pas combien de temps je pourrai lui résister.

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