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Chapitre 7 : Celle qui attend

Author: Darkness
last update Last Updated: 2025-08-02 23:30:48

Kaïla

La nuit tombe lentement, peignant le ciel de nuances de pourpre et d’encre. Le vent glisse entre les arbres, porte des murmures que seule la forêt comprend. Moi, je reste là, dans l’attente.

Quelques heures encore, et j’aurai dix-huit ans.

Je devrais être fébrile, impatiente, comme toutes les filles de la meute à l’approche de l’éveil. C’est l’âge de la révélation, le moment où la louve en nous se réveille, prend forme, hurle au monde qu’elle est prête. Mais au lieu d’être envahie d’excitation… je suis vide.

Non , pas vide.

Je suis brûlante de quelque chose que je ne comprends pas.

Une douleur sourde me broie le ventre, me serre la poitrine, monte jusque dans ma gorge. Et cette douleur… c’est elle.

Aisha.

Elle est là, près de lui , trop près. Je la vois, penchée vers Aric, ses lèvres près de son oreille, ses doigts glissant sans honte sur son bras. Elle rit. Elle sourit. Elle l’effleure comme s’il lui appartenait.

Et lui… ne la repousse pas.

Pas vraiment.

Pas assez.

Il garde ce visage neutre, impassible, presque lointain. Mais il ne dit rien.

Et ça, ça me tue.

Je détourne les yeux, incapable de supporter l’image de leurs corps si proches. Mon cœur bat trop vite. Mes doigts tremblent sur le tissu de ma robe. Ce n’est pas seulement de la jalousie. C’est pire. C’est comme un feu qui me consume de l’intérieur.

Je ne comprends pas pourquoi ça fait si mal.

Je n’ai jamais voulu ça. Ce lien. Cette attirance. Ce poids au creux du ventre chaque fois qu’il me regarde. Mais maintenant qu’il est là, inscrit dans chaque battement de mon cœur… je ne peux plus faire semblant.

Et pourtant, je ne sais pas me battre pour lui.

Je voudrais fuir. M’enfoncer dans la forêt. Disparaître. Mais je reste là, comme figée dans un cauchemar éveillé. La respiration bloquée. Le silence dans les os.

Aisha

Elle me regarde.

Elle pense que je ne le vois pas, mais je sens son regard brûlant glisser sur moi, rempli de cette émotion qu’elle ne sait pas encore nommer. Kaïla. L’ombre fragile qui se tient toujours à la limite de ce qu’elle est.

Moi, je n’ai pas ces hésitations.

Aric est là, et je suis à ses côtés. Naturellement. Légitimement.

Je me penche vers lui, laisse ma voix couler doucement à son oreille. Je parle peu, je ris à peine, mais assez pour qu’il m’écoute. Pour qu’il me laisse rester.

Il ne me regarde pas toujours. Mais il ne m’éloigne jamais.

Et ça suffit pour que je gagne du terrain.

Elle, elle recule. Se replie. Elle attend un miracle. Moi, je crée ma place. Un geste après l’autre. Une parole après l’autre. Je suis une prétendante légitime. Je suis tout ce qu’elle n’est pas.

Et bientôt, elle ne sera plus rien.

Aric

Je sens ses doigts sur mon bras.

Aisha.

Elle sait se faire douce, subtile, patiente. Elle ne dit jamais trop. Elle s’impose sans agresser. Elle connaît les codes, les gestes à faire, les silences à maintenir.

Et moi, je ne la repousse pas.

Pas parce qu’elle me touche.

Mais parce que je ne sais pas quoi faire d’autre.

Mon regard glisse vers Kaïla. Elle est là, un peu en retrait. Le dos droit, mais tendu comme une corde trop tirée. Elle tente de m’ignorer, je le vois. Mais chaque fois que je tourne la tête, elle est là. Elle me sent, même si elle refuse de me regarder.

Le lien est là. Incassable.

Et pourtant, je suis figé.

Parce que ce lien me terrifie. Parce que je ne sais pas si j’ai le droit de le vouloir. Parce que je ne suis peut-être pas assez fort pour en être digne.

Avec Aisha, c’est simple. C’est le monde tel qu’il a toujours été. Le pouvoir, l’alliance, la force. Elle serait une reine parfaite.

Mais Kaïla… elle est l’évidence douloureuse. Le miroir de ce que je ne contrôle pas.

Et ça me paralyse.

Kaïla

Les tambours résonnent.

On m’appelle. Pour le rite. Pour le passage. Pour mes dix-huit ans.

Mon souffle se bloque.

Je me lève, droite, glacée de l’intérieur. Ma gorge est sèche. Mon cœur tape trop fort. Je passe devant eux.

Et je sens leurs regards.

Aisha, moqueuse.

Et Aric…

Je n’ose pas le regarder. Je sais que s’il me regarde vraiment, je vais m’effondrer.

Je continue. Je ne tremble pas. Pas devant eux.

Même si je meurs un peu à chaque pas.

Aric

Elle passe . Elle est belle dans cette lumière pâle. Belle sans s’en rendre compte. Elle ne cherche pas à séduire. Elle ne sait même pas qu’elle attire.

Elle est simplement elle. Vraie. Brisée. Infiniment forte dans son silence.

Elle ne me regarde pas.

Et je le sens, dans mon ventre. Comme un vide que rien ne comble.

Je reste là, à côté d’Aisha.

Je ne sais pas pourquoi je me comporte ainsi . Mon loup est fâché , il faut que je la revandique .

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