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Chapitre 6 : L'Ombre du Passé

Author: Darkness
last update Last Updated: 2025-11-08 19:58:07

Bastian

Le moteur de la voiture tourne au ralenti, un ronronnement mécanique qui ne parvient pas à couvrir le bourdonnement dans ma tête. Mes doigts tambourinent sur le volant. Je devrais être au commissariat. Éplucher les relevés téléphoniques d'Élodie Marchand, interroger ses collègues, faire mon travail de flic.

Au lieu de ça, je suis garé deux rues plus loin, en train de fixer le vide, l'image d'Eira incrustée derrière mes paupières.

Un air de piano. Du vernis à ongles.

Comment ? Putain, COMMENT ?

Toutes les explications rationnelles s'effritent l'une après l'autre comme du plâtre pourri. Elle n'était pas sur les lieux. Elle n'a pas parlé aux voisins. Les infos sur le vernis à ongles n'ont pas fuité. C'était impossible.

Sauf si...

Je serre le volant si fort que le cuir grince. Non. Je refuse. Je refuse de traverser ce miroir. C'est un territoire glissant, un marécage de superstitions et de charlatanismes où j'ai vu trop de familles se perdre, trop de vies gâchées en quête de réponses fantômes.

Mais le visage d'Élodie, figé dans la mort, me hante. Et cette femme, Eira, avec ses yeux qui voient trop, est la seule à tenir une clé. Une clé que je ne comprends pas.

Mon téléphone vibre. Moreau.

— Bastian ? T'es où ? Le frère de la victime vient d'arriver. Il est bouleversé, mais il est prêt à parler.

— J'arrive.

Je passe la première, soulagé de pouvoir me raccrocher à du concret, à de la chair et du sang. Un frère en deuil, ça, je sais gérer. C'est de la douleur humaine, tangible. Pas des chuchotements dans le noir.

---

Eira

Le silence après son départ est plus lourd qu'avant. Il était là, dans mon espace, avec son énergie de tempête contenue. Maintenant, il ne reste que l'écho de sa présence et le vertige de ce qui vient de se passer.

Il a écouté. Il a entendu.

Ce n'est pas de la croyance. Pas encore. C'est de la nécessité. Une brèche ouverte par le désespoir. Mais c'est un début. Un début qui me terrifie.

Parce que le laisser entrer, même à contrecœur, c'est lui montrer mon monde. Un monde de douleur et de folie. Un monde qui a déjà détruit ceux que j'aimais.

Je marche jusqu'à la commode, ouvrant un tiroir caché. Sous des piles de linge, mes doigts trouvent le cadre froid. Je le sors. Une photo. Moi, plus jeune, souriante, les yeux pleins d'une lumière qui s'est éteinte depuis longtemps. Et à côté de moi, une femme aux cheveux bouclés, son bras autour de mes épaules. Ma mère.

Son regard est doux, mais il y a une tristesse ancienne au fond de ses iris. La même tristesse qui m'habite.

Elle avait le même "don". Elle appelait ça un fardeau. Elle essayait de me protéger, de me apprendre à construire des murs. Mais les murs n'ont pas tenu. Les voix, les visions, la douleur des autres... c'était trop fort. Pour elle.

Je revois son visage, de plus en plus pâle, de plus en plus distant. Elle se noyait, et je ne pouvais rien faire. Je sentais son âme se déchirer, happée par les courants qu'elle ne pouvait plus contrôler. Le jour où ils l'ont trouvée, son regard était vide. Elle était partie depuis longtemps déjà, consumée de l'intérieur par des feux que personne d'autre ne voyait.

Je pose un doigt tremblant sur son visage photographié.

— Je ne veux pas finir comme toi, maman. Je ne veux pas qu'il me voie finir comme toi.

Parce que c'est ça, la vraie peur. Bien plus que son scepticisme ou son mépris. C'est la peur qu'en me laissant approcher, il ne voie la fissure en moi, la faille par laquelle la folie de ma mère pourrait bien s'engouffrer. Et qu'il soit là pour témoigner de ma chute.

---

Bastian

Le frère d'Élodie, Thomas Marchand, est effondré. Il sanglote, la tête dans les mains, dans la salle d'interview trop blanche. Son chagrin est réel, déchirant. C'est une douleur que je connais, que je respecte.

— Elle était si joyeuse, ces derniers temps, hoquette-t-il. Elle avait rencontré quelqu'un. Elle... elle ne voulait pas en dire beaucoup. Elle disait que c'était trop récent, trop fragile. Mais elle rayonnait.

Un amant. Une piste. Du concret. Je prends des notes, posant des questions douces. C'est mon métier. C'est solide.

Puis il lâche, comme en passant, en essuyant ses larmes :

— Elle était même allée chez ce médium, vous imaginez ? Par curiosité, elle disait. Elle trouvait ça marrant. Elle riait en disant que la femme lui avait fait peur en lui parlant d'un « vieux chagrin qui collait à elle comme une ombre ».

Le monde semble s'arrêter de tourner. Le bruit de fond du commissariat s'éteint.

— Un médium ? je demande, ma voix étrangement calme.

— Oui, une femme dans son quartier. Un nom bizarre... Eira, je crois.

Le sol se dérobe sous mes pieds. Eira.

Élodie Marchand était allée la voir. Avant de mourir.

La coïncidence explose, volant en éclats. Ce n'est plus une coïncidence. C'est un lien. Ténu, mais un lien.

Thomas Marchand continue de pleurer, ignorant l'orage qui gronde en moi. J'acquiesce, je prends des notes mécaniquement, mais mon esprit est ailleurs.

Elle ne me l'a pas dit. Pourquoi ? Pourquoi me cacher qu'elle avait rencontré la victime ?

Toutes les théories les plus sombres refont surface. Le charlatan qui se croit investi d'une mission. La malade mentale qui pourrait être passée à l'acte. La manipulatrice qui joue avec la police.

Mais alors... pourquoi me donner des détails aussi précis ? Pourquoi se mettre en danger ?

Rien ne colle. Rien.

Je raccompagne Thomas Marchand, les idées en vrac. Moreau me regarde, inquiet.

— Ça va, Bastian ? T'as une tête épouvantable.

— J'ai besoin d'air.

Je sors, m'adossant au mur froid du bâtiment. La ville grouille autour de moi, indifférente.

Eira.

Je la croyais témoin. Spectatrice.

Mais elle est au centre de tout ça. Elle connaissait la victime.

Et soudain, la vision de son appartement me revient. Les bougies. Les herbes. L'atmosphère lourde, oppressante. L'odeur de l'inexplicable.

Et ses yeux. Ces putains d'yeux qui semblaient voir à travers moi.

L'attraction confuse que j'ai ressentie se mue en une méfiance bien plus profonde, bien plus dangereuse. Mêlée à une fascination morbide.

Je dois la revoir. Tout de suite.

Mais cette fois, ce ne sera pas pour lui demander gentiment des détails.

Cette fois, ce sera pour lui demander des comptes.

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