LOGINEira
Il ne finit pas sa phrase. Il n’en a pas besoin. L’homme aux lys n’était pas un amant romantique. C’était un prédateur qui était venu préparer le terrain. Ou effacer ses traces.
— Il savait, Bastian, je souffle, une main sur la poitrine pour comprimer la douleur. Il savait qu’il allait la tuer quand il a apporté ces fleurs. C’était… un élément du rituel.
La brutalité de cette pensée me fait vaciller. Bastian est à mes côtés en un instant, sa main se refermant fermement sur mon coude pour me stabiliser.
— Assez, dit-il, sa voix étranglée. Vous en avez assez fait.
Son contact est une ancre dans le chaos sensoriel qui m’assaille. C’est réel. C’est solide. C’est vivant. Je me tourne vers lui, et dans la pénombre du salon hanté, nos regards se croisent.
La peur est toujours là. La sienne, la mienne. Mais autre chose, aussi. Une compréhension mutuelle née dans les décombres de nos certitudes. Il voit ma vulnérabilité, l’effort surhumain que cela me coûte. Et je vois son combat intérieur, son monde qui vacille, et son dévouement inflexible à la vérité, même si elle est hideuse.
— Il faut partir, maintenant, insiste-t-il, plus doucement.
Alors que nous nous apprêtons à quitter les lieux, mon regard est attiré par la fenêtre. De l’autre côté de la rue, à l’ombre d’un porche, un homme est immobile. Il regarde l’immeuble. Il regarde cet appartement.
Et quand une voiture passe, ses phares éclairent brièvement sa main, posée sur le mur.
Une bague. En argent.
Un serpent.
Mon souffle reste coincé dans ma gorge. Je serre le bras de Bastian.
— Bastian… chuchoté-je, la voix brisée par la terreur.
Il suit mon regard. Son corps se raidit, passant instantanément du protecteur au prédateur.
L’homme dans l’ombre a levé la tête. Il a vu que nous l’avions vu. Pendant un moment qui semble durer une éternité, nos regards se croisent à travers la vitre et la distance. Un défi silencieux. Une promesse de violence.
Puis, il tourne les talons et se fond dans la nuit.
— Restez ici. Verrouillez la porte. N’ouvrez à personne.
La voix de Bastian est un ordre bas et glacé. Avant que j’aie pu protester, il se précipite hors de l’appartement, son arme déjà à la main, disparaissant dans l’escalier à la poursuite de l’ombre.
Je reste seule, au cœur de la chambre d’échos du cauchemar d’Élodie, le silence retombant comme un linceul, le goût de la peur de l’inconnu, et de la peur pour Bastian, plus amer que jamais.
— Restez ici. Verrouillez la porte. N'ouvrez à personne.
La porte claque. Le bruit de ses pas précipités dans l'escalier décroît, avalé par le silence de mort qui règne à nouveau dans l'appartement. Je suis seule. Seule avec l'écho d'Élodie, avec la peur qui suinte des murs, et avec l'image glaçante de cet homme, de cette bague, de ce regard.
Mon cœur bat à tout rompre, un tambour affolé contre mes côtes. Je claque le verrou d'une main tremblante, m'adossant contre la porte froide comme si je pouvais ainsi empêcher le monde extérieur, et toute son horreur, de faire à nouveau irruption.
Il est parti après lui.
La pensée est un pic de glace dans ma poitrine. Bastian, l'homme de la raison, de la procédure, s'est lancé seul, sans renforts, à la poursuite d'un tueur. Un tueur qui a vu son visage. Qui a vu mon visage.
L'angoisse pour lui est un poison qui se diffuse plus vite que la peur pour moi-même. Je ferme les yeux, essayant désespérément de tendre l'oreille, non pas aux murmures des morts, mais aux bruits de la rue. Une course ? Des cris ? Un coup de feu ? Rien. Juste le bourdonnement sourd de la ville indifférente.
L'énergie résiduelle d'Élodie tourbillonne autour de moi, plus agitée que jamais. Sa peur se mêle à la mienne, créant un cocktail nauséeux.
« Méfie-toi... l'ombre... elle ment... »
La voix est un souffle à peine perceptible, chargé d'une urgence désespérée.
— Quoi ? Qu'est-ce qu'il ment ? je murmure dans le vide, les poings serrés.
Mais il n'y a pas de réponse claire. Seulement une sensation de tromperie, de façade. La bague, les lys, le sourire... tout n'était que mensonge. Et cet homme, dans l'ombre, était le maître du jeu.
Les minutes s'étirent, élastiques et cruelles. Chaque seconde qui passe sans que Bastian ne revienne est une éternité. J'imagine le pire. Une embuscade. Une lutte dans l'obscurité. Le froid de l'acier.
Je ne peux pas rester ici. Cloîtrée dans ce tombeau, à attendre que le monde s'écroule. Je dois savoir. Je dois voir.
Je m'éloigne de la porte, m'approchant de la fenêtre avec une prudence de voleur. L'écartant à peine d'un centimètre, je plonge mon regard dans la rue déserte.
Rien. Aucun signe de lutte. Aucun signe de lui.
Soudain, une ombre se détache d'un porche, plus loin dans la rue. Ce n'est pas Bastian. La silhouette est différente, plus frêle. Elle avance d'un pas rapide, le visage caché par une capuche. Mais quelque chose dans sa démarche, dans la façon dont il tourne la tête pour jeter un coup d'œil derrière lui, me glace le sang.
C'est la même sensation. La même froideur émotionnelle que j'ai perçue chez l'homme à la bague. Une absence. Un vide.
Il n'est pas seul.
La réalisation me frappe de plein fouet. Le tueur avait un complice. Un guetteur. Et cet homme, là, dans la rue... il regarde droit dans ma direction. Il sait que je suis là.
Je recule d'un pas, la peur m'envahissant comme une marée noire. Mon téléphone. Il faut que j'appelle Bastian. Le prévenir.
Mes doigts tremblants composent son numéro. La ligne sonne. Une fois. Deux fois.
— Allô ? Eira ?
Sa voix, essoufflée, tendue, est la plus belle et la plus terrifiante des choses que j'aie jamais entendues.
— Bastian, il y a quelqu'un d'autre. Dans la rue. Il me regarde. Je... je pense qu'il est avec lui.
— Putain. Reste où tu es. Je reviens. J'ai perdu sa trace, il a disparu dans le métro. Ne bouge pas !
La ligne se coupe.
Il revient. Mais l'autre est là. Dehors. Peut-être en train de se rapprocher.
Je me recroqueville contre le mur, sous l'appui de la fenêtre, me faisant aussi petite que possible. Les larmes de terreur et d'impuissance me brûlent les yeux. Je ne suis pas faite pour ça. Je ne suis pas une héroïne. Je suis une femme qui voit des fantômes, et soudain, les vivants me semblent infiniment plus effrayants.
Le grattement est presque imperceptible. Un frottement léger contre la porte d'entrée.
Mon sang se glace dans mes veines.
Ce n'est pas Bastian. Il ne serait pas si discret.
C'est le grattement d'une clé. Ou d'un outil qui cherche à crocheter la serrure.
Bastian
— Putain. Reste où tu es. Je reviens. J'ai perdu sa trace, il a disparu dans le métro. Ne bouge pas !
Je raccroche, un flot de jurons silencieux m'emplissant la tête. J'ai couru comme un dingue, aveuglé par l'adrénaline et la rage, pour le voir plonger dans la bouche de métro et se perdre dans la foule. Il connaissait les lieux. Il était préparé.
Et maintenant, Eira est là-haut, seule, avec un autre guetteur en bas.
Mon sang n'a fait qu'un tour. Un autre. Elle avait raison. Ils sont deux. L'un attire le flic, l'autre... l'autre s'occupe du témoin.
Je fais demi-tour, sprintant dans la direction opposée, mon esprit calculant frénétiquement le chemin le plus rapide pour revenir à l'immeuble. Mes poumons brûlent. L'image d'Eira, blanche et tremblante, me hante. Sa vulnérabilité. Cette putain de lumière dans ses yeux quand elle plonge dans l'inconnu.
Je ne peux pas la perdre. Pas comme ça.
J'arrive au pied de l'immeuble, la rue semble vide. Où est le second homme ? Planqué ? Déjà à l'intérieur ?
Je ne prends pas l'ascenseur. L'escalier. Plus rapide. Plus discret. Je monte les marches deux par deux, mon arme à la main, le corps en alerte maximale.
J'arrive à l'étage. Le palier est désert. La porte de l'appartement d'Élodie est... entrouverte.
Mon cœur s'arrête.
Je l'avais verrouillée derrière moi. Je en suis certain.
Je m'approche, silencieux comme un chat, collant mon dos au mur à côté de l'embrasure. J'écoute.
Un souffle. Rapide. Plein de panique. Le sien.
Et un autre. Plus calme, plus mesuré. Masculin.
— ... ne faites pas de bruit. Venez avec moi. Doucement.
La voix est doucereuse, polie. C'est pire que des cris.
Je prends une inspiration profonde. Je pivote et je fais irruption dans l'appartement, l'arme braquée.
— Police ! Lâchez-la !
La scène se fige.
Eira est plaquée contre le mur du couloir, à quelques mètres de la porte. Un homme, mince, visage caché par une capuche, lui tient le bras. Il n'a pas d'arme visible, mais sa posture est menaçante.
Ses yeux, visibles dans l'ombre de la capuche, se lèvent vers moi. Il ne semble pas surpris. Presque... résigné.
— Trop tard, l'inspecteur, dit-il d'une voix toujours aussi c
alme.
Il pousse Eira vers moi avec une force surprenante et, dans un même mouvement, fond sur le côté, vers la porte ouverte de la chambre.
— Non !
BastianMa balle s'encastre dans le chambranle là où sa tête se trouvait une fraction de seconde plus tôt. Il a disparu dans la chambre.Eira trébuche et tombe contre moi. Je l'agrippe, la poussant derrière moi, la plaquant contre le mur pour la protéger.— Vous êtes blessée ?— Non, non... je... sanglote-t-elle.Son corps tremble contre le mien. Un mélange de rage et de soulagement m'envahit. Elle est vivante.Un bruit de fenêtre qu'on force résonne depuis la chambre. Merde. Il va s'échapper.— Restez ici ! Ne bougez pas !Je fonce dans la chambre. La fenêtre est grande ouverte, les rideaux flottant au vent de la nuit. L'homme a disparu.Je m'approche, risquant un coup d'œil. La cour de l'immeuble, deux étages plus bas. Vide. Il a sauté, ou il a un complice en bas.Je frappe le mur du poing, la frustration et la colère m'étouffant.Je reviens vers le couloir. Eira n'a pas bougé. Elle est toujours adossée au mur, les bras serrés autour d'elle, les yeux fermés. Des larmes silencieuses
EiraIl ne finit pas sa phrase. Il n’en a pas besoin. L’homme aux lys n’était pas un amant romantique. C’était un prédateur qui était venu préparer le terrain. Ou effacer ses traces.— Il savait, Bastian, je souffle, une main sur la poitrine pour comprimer la douleur. Il savait qu’il allait la tuer quand il a apporté ces fleurs. C’était… un élément du rituel.La brutalité de cette pensée me fait vaciller. Bastian est à mes côtés en un instant, sa main se refermant fermement sur mon coude pour me stabiliser.— Assez, dit-il, sa voix étranglée. Vous en avez assez fait.Son contact est une ancre dans le chaos sensoriel qui m’assaille. C’est réel. C’est solide. C’est vivant. Je me tourne vers lui, et dans la pénombre du salon hanté, nos regards se croisent.La peur est toujours là. La sienne, la mienne. Mais autre chose, aussi. Une compréhension mutuelle née dans les décombres de nos certitudes. Il voit ma vulnérabilité, l’effort surhumain que cela me coûte. Et je vois son combat intérieu
Le silence qui suit les mots d’Eira est plus bruyant qu’un coup de feu. Il gronde, chargé de l’indicible, de l’impossible devenu tangible. L’air est froid, bien trop froid pour la saison. La mélodie fantôme s’est éteinte, laissant une vacuité sonore qui oppresse les tympans.Bastian n’est plus l’homme en colère qui faisait irruption ici quelques minutes plus tôt. Il est un flic en état de choc, un rationaliste face à l’abîme. Je le vois lutter, ses pensées presque visibles, se heurtant au mur de sa propre réalité qui se fissure.— Une bague. Un serpent, répète-t-il d’une voix rauque, méconnaissable.Ce n’est plus une question. C’est une confirmation. Un détail que seul le tueur, ou sa victime, pouvait connaître. Les lys, la terre fraîche… Autant d’éléments qui n’ont jamais été divulgués.Il ne me regarde plus avec méfiance, mais avec une sorte de terreur respectueuse. Comme on regarde un animal sauvage et imprévisible, capable à la fois d’une beauté à couper le souffle et d’une danger
EiraUn frisson glacé me parcourt l'échine, sans raison apparente. Ce n'est pas un esprit. C'est plus viscéral, plus immédiat. C'est la prémonition d'une tempête qui approche.Je replace le cadre de ma mère dans sa cachette, refermant le tiroir sur un siècle de douleur. L'air de l'appartement, si familier, semble soudain chargé d'électricité. Les ombres dansent différemment, se tordant en des formes suggestives qui chuchotent des avertissements que je ne peux saisir.Il sait.La pensée frappe avec la force d'un marteau. Je ne sais pas comment, ni pourquoi, mais la certitude m'envahit. Bastian a découvert le lien. Le lien que j'avais espéré, un instant naïf, pouvoir garder pour moi.Élodie Marchand. Son sourire timide dans la pénombre de mon salon, une semaine plus tôt. Elle était venue par curiosité, comme tant d'autres. Mais la tristesse qui la suivait n'était pas banale. Une ombre froide et ancienne, collée à son aura comme du goudron. Je l'avais sentie, cette ombre. Je lui avais di
BastianLe moteur de la voiture tourne au ralenti, un ronronnement mécanique qui ne parvient pas à couvrir le bourdonnement dans ma tête. Mes doigts tambourinent sur le volant. Je devrais être au commissariat. Éplucher les relevés téléphoniques d'Élodie Marchand, interroger ses collègues, faire mon travail de flic.Au lieu de ça, je suis garé deux rues plus loin, en train de fixer le vide, l'image d'Eira incrustée derrière mes paupières.Un air de piano. Du vernis à ongles.Comment ? Putain, COMMENT ?Toutes les explications rationnelles s'effritent l'une après l'autre comme du plâtre pourri. Elle n'était pas sur les lieux. Elle n'a pas parlé aux voisins. Les infos sur le vernis à ongles n'ont pas fuité. C'était impossible.Sauf si...Je serre le volant si fort que le cuir grince. Non. Je refuse. Je refuse de traverser ce miroir. C'est un territoire glissant, un marécage de superstitions et de charlatanismes où j'ai vu trop de familles se perdre, trop de vies gâchées en quête de répon
EiraLe jour se lève, gris et las, derrière les vitres sales de ma fenêtre. Je n'ai pas dormi. Chaque fois que je fermais les yeux, je revoyais le visage dur de l'inspecteur Bastian, son mépris, ses mots cinglants qui résonnaient encore dans le silence de mon appartement.Divagations.Le mot me brûle. C'est ce qu'ils ont toujours dit. Ma famille, les médecins, les rares amis que j'ai perdus. Divagations. Comme si je n'étais qu'un esprit dérangé, incapable de distinguer le réel de l'imaginaire.Mais je sais. Mon dieu, que je sais.La douleur d'Élodie est toujours là, une blessure ouverte dans le tissu de l'air. Une présence fantomatique qui attend que justice soit rendue. Et moi, je suis assise là, impuissante, rejetée par celui qui détient le pouvoir d'agir.Un coup frappé à la porte me fait sursauter si violemment que je renverse ma tasse de thé froid. Le liquide brun se répand sur le sol comme un mauvais présage.Qui ? Personne ne vient me voir. Personne.Le coup frappé again, plus

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