LOGINLilithLe temps, dans l'ombre, n'a pas la même texture. Il ne coule pas, il s'accumule, couche après couche de décisions impitoyables et de nuits sans sommeil. L'empire se consolide. Les revenus augmentent. La peur que j'inspire est devenue une monnaie plus fiable que l'euro.Pourtant, quelque chose cloche. Une faille dans l'armure de glace que je me suis forgée.C'est la nuit qu'elle apparaît. Pas un cauchemar, pire : une mémoire éveillée. L'odeur du savon de Damian. Le son de la respiration de Cain derrière la porte. Le goût du sang dans ma bouche après sa colère. Ces souvenirs ne sont plus des fantômes ; ce sont des assaillants, surgissant à l'improviste pour me rappeler que, malgré le pouvoir, malgré la peur que je suscite, je porte toujours leurs cicatrices.Un soir, alors que je marche dans les couloirs silencieux du manoir , mon manoir , je passe devant l'ancienne chambre de Damian. La porte est fermée. Je ne l'ai jamais rouverte. Soudain, une odeur fugace de santal me traverse
LilithLes mois s'écoulent, rythmés par la consolidation du pouvoir. Marchenko est devenu un vassal docile. La chute de Dragan a envoyé un message clair à tous ceux qui doutaient encore de l'autorité de l'héritière. Mon nom, autrefois synonyme de victime, murmure maintenant la peur dans les bas-fonds. On m'appelle "la Veuve Noire", "l'Ombre de Valois" reprenant le nom de Damian.Je ne vis plus dans des chambres d'hôtel. J'ai repris le manoir.La première fois que j'ai repassé le seuil, un frisson m'a parcourue. Les murs de pierre semblaient murmurer les souvenirs de ma terreur, de ma soumission. Mais cette fois, les clés étaient dans ma poche. Les hommes qui se tenaient dans le hall, tête baissée, étaient mes hommes.J'ai fait repeindre la chambre où j'avais été séquestrée. J'ai fait enlever les barreaux de la fenêtre. Des actes symboliques pour exorciser des fantômes qui, je le sais, habiteront toujours ces lieux.Le bureau de Damian est maintenant le mien. Je m'assois dans son faute
LilithLe message de Cain était clair. "Il faut qu'ils sachent que tu n'as pas que de l'esprit." La soumission de Marchenko a établi mon autorité intellectuelle, mais dans ce monde, la peur des chiffres ne suffit pas. Il faut la peur du sang.La cible suivante est un homme nommé Dragan. Un trafiquant de chair humaine, brutal et imprévisible, qui a profité du chaos pour s'emparer des réseaux de prostitution de l'est de la ville. Contrairement à Marchenko, Dragan n'a pas de maîtresse, pas de dettes de jeu. Sa seule faiblesse est sa confiance en sa propre invincibilité. Et sa cruauté.Silas, mon ombre, me fournit les informations. Dragan opère depuis un entrepôt désaffecté près des docks. Il a une dizaine d'hommes avec lui. Des brutes. Des violeurs.Le plan de Cain est simple, brutal. Une démonstration de force. Prendre l'entrepôt. Éliminer Dragan. Récupérer le réseau.Mais il y a un détail. Dragan détient des filles. Des victimes. Comme je l'ai été.Quand je vois les photos floues, pris
LilithLes semaines qui suivent sont un apprentissage accéléré dans l'ombre. Je ne retourne pas au "Clair de Lune". Je n'envoie qu'un bref message à Élise pour m'excuser, sans explication. Elle ne répond pas. Une autre porte qui se ferme.Je vis dans des chambres d'hôtel anonymes, payées avec l'argent que j'ai siphonné des comptes que Damian m'avait fait gérer. Je change d'endroit souvent. La paranoïa est une alliée.Mes contacts avec Cain passent par des intermédiaires, des hommes aux visages fermés et aux conversations cryptées. Ils m'apportent des dossiers, des clés USB, des téléphones jetables. Le réseau de Damian, éparpillé, décapité, mais pas mort. Des comptes offshore, des entreprises écrans, des dettes à recouvrer, des territoires à reprendre.Je plonge dans les chiffres, les noms, les visages. C'est un puzzle sanglant, et je suis la seule à en avoir toutes les pièces. L'ironie est amère : l'éducation que Damian m'a forcée à recevoir devient l'outil de sa propre succession.Je
LilithLa nuit est avancée quand je rentre dans l'appartement de Leo. Il est assis sur le canapé, la télévision allumée mais sans son, un livre ouvert sur ses genoux qu'il ne lit pas. Son visage se soulage quand il me voit.— Lilith ! J'étais inquiet. Où étais-tu ?— Je me promenais. J'avais besoin de réfléchir.Je déboutonne mon manteau et le suspule avec une lenteur calculée. Chaque geste est délibéré. Je dois être calme. Froide. Implacable.— Tu veux en parler ? demande-t-il, se levant.— Oui. Assieds-toi, Leo.Ma voix a une tonalité nouvelle. Autoritaire. Il le sent et obéit, un peu perplexe.Je fais face à lui, debout, les mains dans le dos, comme Damian le faisait.— Tu dois partir, Leo.Il fronce les sourcils. — Partir ? Où ça ? Pourquoi ?— Loin d'ici. Change de ville. Recommence.— Qu'est-ce que tu racontes ? Je ne vais pas te laisser seule !— Je ne serai pas seule, dis-je, et le mensonge est facile, naturel. Je vais... entrer dans un programme de protection. Pour mon témoig
LilithLes jours qui suivent la visite sont un brouillard. Les mots de Cain résonnent en moi, une mélodie sombre et entraînante. Reine. Pas une princesse. L'offre est un poison, mais un poison qui a la saveur du pouvoir pur, de la vengeance ultime. Prendre ce qu'ils ont bâti et le faire mien. Transformer ma douleur en arme, ma terreur en autorité.Je marche dans les rues, mais je ne les vois plus. Je sers des cafés au « Clair de Lune », mais mes mains pourraient tout aussi bien tenir un couteau. Élise me regarde avec une inquiétude grandissante. Thomas vient tous les jours, son regard plein de questions silencieuses que je refuse de voir.Un soir, il m'intercepte alors que je range des livres après la fermeture.— Lilith, ça suffit. Parle-moi.— Il n'y a rien à dire, Thomas.— Ce n'est pas vrai. Quelque chose a changé. Depuis cette visite... tu es encore plus loin.Je me retourne, lasse. — Tu ne comprendrais pas.— Alors fais-moi comprendre ! crie-t-il, perdant enfin patience. Je suis







