MARCO
Je me réveille tôt, les mains moites, le cœur battant trop vite. Pas une minute de sommeil. Mes pensées ont tourné en rond toute la nuit, oppressantes, insupportables. Le café que je prépare ne fait rien pour calmer l’angoisse qui me colle à la gorge. Mes doigts tremblent autour de la tasse.
Le téléphone vibre. Je sursaute. Un message de Claudia. Trois phrases sèches, tranchantes. Ce soir. Première cliente. Hôtel Orion. Sois prêt.
Je relis. Et soudain tout se complique. J’ai la bouche sèche, un goût métallique sur la langue.
Je passe la journée enfermé dans un brouillard. Je me change trois fois, incapable de me décider. Finalement, chemise noire, pantalon sobre, parfum discret. J’ai l’impression de me costumer pour un rôle qui me dépasse. Pas d’hésitation, pas de peur. Voilà ce qu’elle attend de moi. Mais à l’intérieur, je suis une plaie ouverte.
Quand j’arrive à l’hôtel, mes jambes sont lourdes comme du plomb. Le hall est vaste, saturé de marbre et de lumière. Trop propre, trop luxueux, presque obscène. La réceptionniste me tend une clé sans un mot. J’ai l’impression qu’elle sait. Que tout le monde sait.
L’ascenseur monte. Chaque étage me serre un peu plus la poitrine. Mon reflet dans le miroir me fixe, étranger. Qui est cet homme ?
Je frappe. La porte s’ouvre.
Elle est là. Quarantaine élégante, robe noire qui épouse ses formes, un parfum dense qui m’envahit. Ses yeux sont des lames. Elle me scrute comme si elle déshabillait mon âme.
— Marco, souffle-t-elle d’une voix basse, chaude. Bienvenue.
Je hoche la tête, muet. Elle me tend une coupe de champagne. Mes doigts tremblent quand je l’attrape.
On parle. Non, elle parle. Longuement. Son travail, ses réussites, ses nuits blanches, sa solitude. J’acquiesce, je pose des questions calculées, comme Claudia m’a appris. Elle aime ça. Sa voix ralentit, se voile. La distance se réduit.
Puis, sans prévenir, ses lèvres se posent sur les miennes. Un choc. Mon estomac se tord. Ma femme… L’image me lacère. Mais la voix de la cliente me tire brutalement :
— Tu n’es pas là, Marco…
Un reproche glissé comme une caresse.
— Excuse-moi…
Je l’embrasse plus fort, avec une faim soudaine, comme pour étouffer ma propre culpabilité. Ses mains m’arrachent la chemise, les boutons volent. Je l’imite, fébrile. Sa peau est ferme, satinée, chaude. J’écrase ses seins entre mes doigts, elle gémit, bascule la tête en arrière.
Elle descend, s’agenouille devant moi. Ses yeux restent accrochés aux miens tandis que ses doigts ouvrent ma braguette. Mon sexe surgit, raide, tendu par la nervosité et le désir mêlés. Elle le saisit, le caresse, puis l’engloutit d’un coup. Ma respiration se brise.
Sa langue me tourne autour, suce, aspire. Elle me tient prisonnier de sa bouche.
— Putain…
Un gémissement m’échappe. Je lutte pour me retenir, mais elle accélère, maîtrise chaque mouvement. Ma volonté craque. J’explose, incapable de retenir la décharge brûlante qui jaillit au fond de sa gorge. Elle avale, jusqu’à la dernière goutte. Puis elle se redresse, essuie ses lèvres, me sourit avec insolence.
— Tu es délicieux, murmure-t-elle avant de m’embrasser.
Je goûte ma propre semence sur sa langue. Dégoût et excitation entremêlés.
Elle sort un préservatif, me le tend comme une offrande. Mes mains tremblent quand je le déroule.
Elle se tourne, se met à quatre pattes, robe glissée au sol. Son cul rebondi me nargue. Je le caresse, j’écarte doucement, je frôle sa fente humide. Elle gémit, suppliante déjà.
— Prends-moi, Marco…
Je m’enfonce d’un seul coup. Elle hurle, agrippe les draps.
— Oui ! Encore !
Je cogne. Brutal. Mes mains serrent ses hanches, mes coups résonnent dans la chambre. Son dos ondule, ses seins ballottent sous l’impact. Ses cris montent, se brisent, emplissent l’air.
— Plus fort !
Je frappe, encore et encore, jusqu’à sentir son corps se tordre sous moi, ses tremblements incontrôlables. Elle jouit violemment, son sexe se serre sur ma queue, m’arrache le souffle.
Je continue, marteau contre enclume, jusqu’à m’écrouler moi aussi, me vider en elle, haletant, écrasé par le poids de l’instant.
Elle tombe sur le lit, les cheveux en bataille, la peau moite, mais son sourire est victorieux. Elle attrape une enveloppe sur la table, me la tend.
— Tu étais parfait…
Je prends l’argent, glacé jusqu’aux os. Je regarde mes mains, mes bras, mon corps. Mais ce n’est plus moi. C’est un autre.
Une ligne franchie. Une marque brûlée dans ma chair. Une cicatrice qui ne disparaîtra jamais.
MarcoJe reste immobile devant le grand miroir de la chambre, comme si je cherchais à me convaincre moi-même. Le reflet me renvoie l’image d’un homme qui n’est plus vraiment moi. Le costume sombre épouse ma carrure, mes cheveux soigneusement coiffés brillent sous la lumière tamisée, et mes traits paraissent plus durs qu’avant, comme si ce métier avait déjà creusé des lignes invisibles sur mon visage.Je me force à sourire à mon reflet, mais ce sourire n’a rien de naturel. C’est un masque. Une promesse silencieuse : je suis l’homme que tu attends.La poignée de la porte tourne. Mon cœur accélère. Je redresse les épaules, le souffle suspendu.Elle entre.Et aussitôt, la pièce change de dimension.Ses longs cheveux noirs glissent sur ses épaules comme une rivière nocturne. Sa robe rouge, ajustée à la perfection, semble faite pour embraser le regard. Ses talons claquent doucement sur le sol, chaque pas résonne comme une provocation. Elle ne baisse pas les yeux. Elle me jauge.— Marco ?Sa
MarcoLes jours suivants, je me laisse happer par le rythme effréné de ce nouveau travail, comme si je n’avais plus vraiment le choix. Chaque mission m’engloutit un peu plus, chaque rencontre m’entraîne dans cette existence parallèle où les règles sont simples, presque brutales : l’argent contre ma présence, le corps contre la chaleur d’un regard ou d’un sourire. Et plus le temps passe, plus je deviens habile, plus je m’installe dans ce rôle. C’est comme si mon corps avait appris par cœur la chorégraphie de ce métier. Je souris au bon moment, je pose ma main avec la juste douceur, je retiens mes silences comme des promesses. J’apprends à être ce que les autres attendent de moi.Et je deviens bon. Trop bon.Chaque contrat m’offre une somme qui aurait pu bouleverser ma vie d’autrefois, mais qui maintenant ne me paraît plus qu’une suite de chiffres sans saveur. L’argent s’accumule, abstrait, irréel, et pourtant je continue à le poursuivre comme un drogué court après sa dose.Pendant ce t
MARCOLes jours qui suivent ne sont qu’un tumulte. Je vis dans un tourbillon de contradictions. D’un côté, Claire. Ses yeux qui fouillent les miens, ses silences lourds, ses questions auxquelles je ne sais plus répondre. Elle m’attend, elle m’espionne presque, espérant que je lui donne une bribe de vérité. Et de l’autre… ce monde parallèle. Une vie où l’argent coule à flots, où les désirs des autres deviennent ma réalité, où chaque mission me rapproche d’un luxe que je n’aurais jamais cru possible.Mais à quel prix ?Chaque geste quotidien devient une torture. Le matin, je croise Claire dans la cuisine. Ses doigts serrent une tasse de café, son regard se détourne de moi comme si j’étais déjà absent. Je veux lui parler, mais les mots s’étouffent dans ma gorge. Alors je fuis. Je prétexte un rendez-vous, une urgence. Et elle reste là, seule, dans la lumière pâle du jour qui se lève.Ce matin-là, je finis une nouvelle fois par m’échapper. Je me retrouve dans ma voiture, garé à un feu roug
MARCOQuand je rentre chez moi ce soir-là, une lourde sensation de vide m’envahit. La porte de l’appartement est toujours la même, la poignée froide sous ma main, le parquet légèrement grinçant dans l’entrée. Le hall a l’odeur familière du café du matin, un mélange de lessive et de chaleur domestique. Tout semble… normal. Trop normal. Comme une scène de théâtre parfaitement en place.Mais moi, je sais que c’est faux. Rien n’est normal. Rien.Ce que je viens de vivre, cette transformation, ce masque que j’ai porté… ça m’écrase. Chaque détail de ma vie d’avant me paraît fade, insignifiant, presque grotesque. Le canapé, les cadres aux murs, les jouets de ma fille encore éparpillés près du salon… ce sont des vestiges d’une existence qui ne m’appartient plus vraiment.Je n’ai même pas franchi le seuil du couloir que sa voix fend l’air. Claire.— Alors, comment s’est passée ta journée ?Elle m’appelle depuis la cuisine. Sa voix est claire, familière. Une voix qui m’a longtemps rassuré. Mais
MARCOJe me réveille tôt, les mains moites, le cœur battant trop vite. Pas une minute de sommeil. Mes pensées ont tourné en rond toute la nuit, oppressantes, insupportables. Le café que je prépare ne fait rien pour calmer l’angoisse qui me colle à la gorge. Mes doigts tremblent autour de la tasse.Le téléphone vibre. Je sursaute. Un message de Claudia. Trois phrases sèches, tranchantes. Ce soir. Première cliente. Hôtel Orion. Sois prêt.Je relis. Et soudain tout se complique. J’ai la bouche sèche, un goût métallique sur la langue.Je passe la journée enfermé dans un brouillard. Je me change trois fois, incapable de me décider. Finalement, chemise noire, pantalon sobre, parfum discret. J’ai l’impression de me costumer pour un rôle qui me dépasse. Pas d’hésitation, pas de peur. Voilà ce qu’elle attend de moi. Mais à l’intérieur, je suis une plaie ouverte.Quand j’arrive à l’hôtel, mes jambes sont lourdes comme du plomb. Le hall est vaste, saturé de marbre et de lumière. Trop propre, tro
MarcoJe ne sais pas trop à quoi m’attendre. Après avoir accepté l'offre de l’agence, je me retrouve maintenant devant un bâtiment imposant, en plein cœur du quartier le plus chic de la ville. L’architecture moderne et glacée m’intimide, comme si le luxe m’écrasait de son poids. Mon cœur bat plus fort à chaque pas, mais je n’ai pas d’autre choix que d’avancer. Les rues pleines de gens en costume, les voitures de luxe garées sur le trottoir… tout cela semble tellement loin de ma vie actuelle. J’ai l’impression de me glisser dans un monde qui ne m’est pas destiné, un monde que je n’ai jamais vraiment connu, mais qui m’appelle d’une manière étrange.En entrant dans le hall de l'agence, l’atmosphère me frappe immédiatement : c'est un calme glacé . Tout ici respire la perfection, l’ordre, et une froide efficacité. La réceptionniste, une jeune femme aux cheveux impeccablement coiffés et au regard neutre, me regarde sans un mot. Elle m’indique d’un geste de la main une porte en verre, sans m