Home / Romance / LE PRIX DE LA TENTATION / Chapitre 7 : Réactions de ma femme

Share

Chapitre 7 : Réactions de ma femme

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-09-06 00:34:30

MARCO

Quand je rentre chez moi ce soir-là, une lourde sensation de vide m’envahit. La porte de l’appartement est toujours la même, la poignée froide sous ma main, le parquet légèrement grinçant dans l’entrée. Le hall a l’odeur familière du café du matin, un mélange de lessive et de chaleur domestique. Tout semble… normal. Trop normal. Comme une scène de théâtre parfaitement en place.

Mais moi, je sais que c’est faux. Rien n’est normal. Rien.

Ce que je viens de vivre, cette transformation, ce masque que j’ai porté… ça m’écrase. Chaque détail de ma vie d’avant me paraît fade, insignifiant, presque grotesque. Le canapé, les cadres aux murs, les jouets de ma fille encore éparpillés près du salon… ce sont des vestiges d’une existence qui ne m’appartient plus vraiment.

Je n’ai même pas franchi le seuil du couloir que sa voix fend l’air. Claire.

— Alors, comment s’est passée ta journée ?

Elle m’appelle depuis la cuisine. Sa voix est claire, familière. Une voix qui m’a longtemps rassuré. Mais dans mon ventre, ce soir, elle sonne comme une menace.

Je m’avance. Elle est là, devant l’évier, en train de ranger les assiettes du dîner. Ses gestes sont précis, presque mécaniques. Comme si tout allait bien. Comme si rien n’avait changé. Mais moi, je sens. L’air est saturé, lourd, prêt à éclater au moindre mot.

Je tente de garder mon calme. Je déglutis, maladroit.

— Ça a été… rien de spécial. Et toi ?

Elle se retourne lentement. Nos regards se croisent. Et dans ses yeux, je vois tout : le soupçon, l’inquiétude, la blessure silencieuse. Elle scrute mon visage comme on scrute un étranger.

— Vraiment ? souffle-t-elle. Parce que tu n’as pas l’air d’avoir passé une journée banale. Tu sembles… différent, Marco.

Différent. Le mot me claque en pleine poitrine.

Elle ne sait pas, pas exactement. Mais elle le sent. Elle devine que quelque chose s’est brisé en moi. Et son intuition me met à nu.

Je cherche à détourner, à fuir :

— Différent ? Tu crois ? C’est juste la fatigue… le boulot…

Je balbutie. Ma voix tremble. Mes mains se serrent dans mes poches pour ne pas trahir mes tremblements. Mais Claire ne détourne pas les yeux.

Elle croise les bras, sa respiration s’alourdit. Elle a ce ton qu’elle prend quand elle a décidé d’aller jusqu’au bout.

— Marco. On ne parle plus. Tu rentres tard. Tu m’évites. Tu disparais derrière des excuses. C’est quoi, ce silence ?

Ses mots sont des coups de marteau. Elle ne crie pas, mais sa voix résonne plus fort que n’importe quel cri. Elle exige la vérité. Et moi, je reste figé, incapable de trouver un mensonge assez solide pour la contenir. Mon cœur cogne dans ma poitrine.

Elle est là, devant moi, ma femme. Celle qui m’a toujours tenu debout. Celle qui connaît mes failles. Et pourtant, je sens son regard glisser sur les fissures que je n’arrive plus à masquer.

La culpabilité m’envahit. Une marée noire. Elle me serre la poitrine comme un étau.

— Claire, je… je traverse un mauvais moment. Ça va passer.

Ma voix est basse, étranglée. Mes yeux se détournent. Je n’arrive pas à la regarder. Chaque mot que je prononce m’écorche. Je mens. Je l’abandonne à ce vide.

Elle fait un pas vers moi. Ses bras sont toujours croisés, mais ses yeux brillent d’une douleur nue.

— Je t’aime, Marco. Mais je n’arrive plus à te suivre. Tu changes. Tu m’effraies.

Je sens mes jambes fléchir. Ces mots me transpercent. Tout en moi hurle de lui dire la vérité, de lâcher ce poids, de l’implorer de me sauver. Mais une autre voix, plus sombre, plus sourde, s’élève en moi. Et cette voix jubile. Elle me rappelle le goût du luxe, l’adrénaline, le pouvoir, l’interdit. Ce monde me tire à lui. Plus fort qu’elle. Plus fort que tout.

— Claire… je n’ai rien fait de mal, murmuré-je, presque honteux, incapable de soutenir son regard.

Un silence brutal s’abat sur nous. Épais. Suffocant. Le genre de silence qui fait plus mal qu’un hurlement. Claire me fixe encore une seconde, puis ses yeux s’éteignent. Elle secoue doucement la tête, détourne le visage.

Sans un mot de plus, elle se retourne. Elle quitte la pièce. Ses pas résonnent dans le couloir, et chaque pas me résonne comme une gifle.

Je reste seul dans la pénombre du salon.

Je m’écroule sur le canapé. Mes mains s’enfoncent dans mes cheveux. Ma respiration est saccadée. Je pense à ma fille. À ses rires d’antan. À la chaleur des dimanches en famille. À la douceur d’une vie simple que j’ai laissée glisser entre mes doigts.

Mais derrière ces souvenirs, une autre image s’impose. La tentation. Vibrante. Dangereuse. Cette vie parallèle, ce masque qui me dévore et m’attire. C’est une drogue. Un poison qui pulse encore dans mes veines.

Et dans le silence du salon, je comprends brutalement.

Le retour en arrière n’existe plus.

Les portes se sont refermées derrière moi.

Claire est en train de me perdre. Et je le sais.

Mais moi, je ne suis pas prêt à sacrifier ce que je viens d’embrasser.

Pas encore.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • LE PRIX DE LA TENTATION    Chapitre 81 — Fin , Les Vies qui Dansent

    Deux ans.Le temps n'a pas tout guéri, mais il a pansé les plaies les plus vives, transformant les cicatrices en souvenirs, doux-amers, mais acceptés.Je ne vis plus dans la villa. Elle était devenue trop grande, trop chargée du fantôme de l'homme que j'avais été. Je l'ai vendue. L'argent a servi à autre chose.Henri et moi, nous avons monté notre petite affaire. « Atelier Marco & Henri ». Nous réparons. Des charpentes qui menacent de s'effondrer, des parquets qui grincent, des âmes de maisons fatiguées. Nous n'employons pas de jargon marketing. Notre réputation se fait par le bouche-à-oreille. On dit de nous que nous sommes lents, chers, mais que notre travail tient. Comme les fondations sur lesquelles nous bâtissons.Je vis dans un appartement, plus modeste, près de l'atelier. Il y a des livres qui traînent, de la poussière parfois, une guitare que j'apprends à jouer maladroitement. Il y a de la vie. Ma vie.Ce soir, c'est vendredi. Le soir que Sarah passe avec moi.Elle a huit ans

  • LE PRIX DE LA TENTATION    Chapitre 80 — Le Pont de Bois

    Marco La réponse de Claire à la photo ne vient pas tout de suite. Le silence s'étire, tendu comme une corde. Henri et moi, nous posons la moquette dans la chambre de Sarah, un gris doux et résistant. Chaque coup de rouleau est un acte de foi. Je fixe mon téléphone, posé sur le sol, espérant et redoutant à la fois la vibration qui annoncera son verdict.Ce n'est qu'en fin d'après-midi, alors qu'Henri vient de partir, que le téléphone vibre. Un message.« Elle n'arrête pas de parler de la couleur bleue. Elle veut savoir si le tableau est pour elle. »Le souffle que je retenais depuis des heures sort dans un soupir tremblant. Ce n'est pas une réconciliation, mais c'est une brèche dans le mur. Une minuscule ouverture.Je prends le téléphone, les doigts moites. Je ne veux pas me tromper. Pas maintenant.« Oui. C'est pour elle. Pour qu'elle dessine ce qu'elle veut. »La réponse est presque immédiate.« Elle veut venir le voir. Demain. Seulement une heure. »Mon cœur fait un bond douloureux

  • LE PRIX DE LA TENTATION    Chapitre 79 — Le Chantier du Cœur

    Marco Les jours qui suivent sont étrangement calmes. La visite de Claire et Sarah a laissé une empreinte dans la maison, une vibration subtile qui persiste, comme la note tenue d'un diapason. Le verre de jus de fruit est toujours sur la table basse. Je ne peux pas le toucher. C'est une relique.Henri et moi attaquons la pergola. Le bois est vieux, certaines poutres sont pourries. Il faut tout démonter, trier, remplacer. C'est un travail plus complexe, plus physique. Je manie la scie, le marteau, la masse. Mes mains, déjà marquées, se couvrent d'ampoules qui crèvent et se reforment. Henri est un maître exigeant. Il ne tolère pas l'à-peu-près.— Une charpente, ça doit être carré, Marco. Si les fondations sont de travers, tout le reste va suivre. C'est comme dans la vie.Je hoche la tête, concentré sur la ligne que je trace à la craie. Je suis dans l'effort, dans la précision. Penser aux poutres, aux angles, aux clous. Ne penser à rien d'autre.Pourtant, des images reviennent. Le visage

  • LE PRIX DE LA TENTATION    Chapitre 78 — Les Fondations

    MarcoLe verre de jus de fruit est posé entre nous comme un talisman, une offrande fragile dans le no man's land de notre histoire. Sarah le sirote à petites gorgées, assise au bord du canapé, ses pieds ne touchant pas le sol. Ses yeux, toujours aussi vifs, continuent d'explorer la pièce, cherchant des repères dans cet environnement inconnu.Claire est debout, près de la cheminée. Elle n'a pas touché à son verre. Son bras croisé, elle observe. Elle observe la manière dont la lumière frappe différemment les murs depuis que la cloison a été abattue. Elle observe la qualité du travail de peinture, les plinthes impeccables. Elle m'observe, moi, debout de l'autre côté de la pièce, conscient de chaque mouvement, de chaque respiration.— Tu as vraiment fait ça ? demande-t-elle enfin, d'une voix neutre, en désignant le mur absent.— La plupart. Henri m'a guidé.— Henri.Elle goûte le nom, comme un fruit étrange.— Le vieil homme dans le jardin.— Oui.Un silence retombe. Seul le bruit des pet

  • LE PRIX DE LA TENTATION    Chapitre 77 — L'Empreinte sur la Vitre

    MarcoDeux semaines ont passé. Deux semaines de poussière, de peinture, de sueur. La maison n'est plus un décor. Elle est devenue un chantier, puis un lieu en convalescence. Les murs du salon sont nets, d'un blanc qui semble plus vrai, plus profond que celui d'avant. Henri est venu tous les jours. Nous avons réparé, poncé, repeint. Nous avons même, sur un coup de tête un après-midi, démonté une cloison inutile qui séparait le salon de la véranda. La lumière est plus abondante maintenant.Henri ne parle pas beaucoup. Il agit. Et à son contact, j'apprends. J'apprends à tenir un marteau, à distinguer un tournevis plat d'un cruciforme, à sentir si une surface est bien lisse. J'apprends la patience. La satisfaction du travail bien fait, pour lui-même, pas pour l'étalage.Mon téléphone a fini par se taire. Le monde de Luc et des contrats Danforth a reflué, comprenant que j'étais perdu pour lui. Une étrange sérénité a pris la place de l'urgence permanente. Je ne suis plus Marco le dirigeant.

  • LE PRIX DE LA TENTATION    Chapitre 76 — La Couche Sous la Couche

    MarcoLe jour se lève, gris et déterminé. Je suis déjà debout. Je n'ai pas dormi profondément, mais d'un sommeil de pierre, lourd et réparateur. Les courbatures de la nuit sont là, mais elles sont des preuves, des souvenirs d'un travail accompli.Henri arrive à huit heures pile, comme il l'avait dit. Il n'a pas sonné. J'ai entendu le bruit de son vieux utilitaire et je l'ai trouvé devant la porte, chargé de sacs de plâtre, de pots de peinture et de rouleaux.— Vous avez pris votre petit-déjeuner ? sont ses premiers mots.—Non.—Il faut. On ne travaille pas le ventre vide.Je le suis dans la cuisine. Il pose ses affaires et, sans hésiter, ouvre mon réfrigérateur. Il en sort des œufs, du beurre. Il trouve une poêle, allume la plaque. En quelques mouvements précis, il prépare des œufs brouillés. L'odeur du beurre qui fond, des œufs qui cuisent, remplit la pièce. Une odeur simple, primitive, qui chasse les derniers relents de pourriture.— Mangez, dit-il en posant l'assiette devant moi su

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status