Chapitre 8

Sous mes yeux, sur l'immense écran placé derrière la scène, défilaient les images les plus intimes de ma vie :

Mes gémissements abandonnés sous le corps de Kade, mes tentatives vaines pour me dégager alors qu'il me maintenait contre les draps. La résolution était si nette qu'on distinguait jusqu'aux marques laissées par ses lèvres sur ma clavicule.

Un froid mortel a glacé soudain le sang dans mes veines, ne laissant qu'une insensibilité glacée parcourir mes membres.

Je voulais me ruer pour briser ce cristal maudit, mais mes jambes semblaient scellées au sol, comme enchaînées par du fil d'argent.

Les chuchotements se sont propagés dans la salle, ponctués de doigts accusateurs :

« Je ne l'aurais jamais cru... Voilà donc la vraie nature d'Anya. »

« Quelle honte... »

Chaque mot m'a transpercé le cœur telle une lame.

J'ai serré les lèvres si fort que le goût du sang m'a envahie. Ma seule manière de retrouver un semblant de raison.

Alors que je faisais deux pas chancelants, les voix ont cessé net.

J'ai levé les yeux : à travers mon voile de larmes, j'ai vu le cristal de mémoire réduire en poussière sous des doigts aux phalanges élégantes.

C'était Kade.

Il a émergé de la foule, ses yeux dorés-ambre embrasés d'une colère qui a fait trembler l'air. L'aura écrasante de son Alpha s'est abattue sur l'assistance, coupant le souffle à tous les présents.

« Le prochain qui ose regarder perdra ses yeux ! »

Son regard a croisé le mien. J'y a vu passer une lueur de pitié, fugace mais bien réelle.

Évidemment. Dans notre société, une Bêta souillée de la sorte était condamnée à une mort sociale.

Je me suis relevée en tremblant et ai marché vers la sortie sous le poids des regards méprisants.

« Anya... » Kade a fait un pas vers moi, mais je ne me suis pas retournée.

J'ai regagné ma chambre en titubant et me suis ensevelie sous les couvertures.

Comment pouvais-je avoir si froid, alors que nous étions au cœur d'une fête sacrée, baignée par la chaleur de la Déesse Lunaire ?

Ma louve intérieur hurlait de détresse. La honte et la trahison la déchiraient presque.

Ce n'était qu'après avoir pleuré toutes les larmes de mon corps que j'ai repris finalement mes esprits.

J'ai saisi mon cristal de communication et ai activé la ligne d'urgence du Conseil des Sages : « Je porte plainte officiellement contre l'individu qui a divulgué des souvenirs privés. »

Après avoir envoyé le message, j'ai éteint le cristal et me suis effondrée sur le lit, sombrant dans un sommeil lourd.

Je ne me suis réveillée qu'au vacarme assourdissant de coups frappés à ma porte.

C'était qui ? On était déjà en pleine nuit.

La tête encore bourdonnante, je suis allée ouvrir. À peine la porte entrouverte, une force violente l'a projetée vers l'intérieur, suivie d'une claque cinglante qui m'a brûlé la joue.

« Dois-tu absolument détruire ta sœur ?! As-tu seulement conscience de ce que tu fais ?! » a crié ma mère, « Retire ta plainte ! Maintenant ! »

La main pressée sur ma joue droite en feu, je l'ai regardée droit dans les yeux, ma voix aussi froide qu'une rivière gelée : « C'est ELLE qui m'a diffamée la première, piétinant l'honneur qui me revient en tant que guerrière ! »

« Espèce de fille sans dignité ! Tu as écarté les jambes pour plaire à un Alpha, et maintenant tu veux entraîner Solène avec toi ? »

Un rire bref et froid m'a échappé soudain :

« Premièrement, ce qui se passe entre un couple est naturel. Ce qui est vil, c'est de voler et diffuser ces souvenirs pour blesser délibérément. »

« Deuxièmement, je n'ai aucune sœur capable d'une bassesse aussi ignoble. »

« Troisièmement, je ne retirerai jamais ma plainte. »

Devant ma résistance, ma mère a tremblé de rage : « J'ai cru pouvoir faire de toi une Luna digne de ce nom. Mais tu n'es finalement que le reflet de ton père, ce Bêta de bas étage ! Je n'aurais jamais dû attendre d'un sang inférieur la moindre dignité... »

« Tais-toi ! » Ma louve a grondé, provoqué jusqu'à l'os, « Personne n'insultera mon père. C'est un ancien combattant qui a versé son sang pour la meute. Mille fois plus noble que ton hypocrisie. »

« Va t'en, sinon tu le regretteras », sur ce, j'ai claqué lourdement la porte.

Les imprécations de ma mère et les chuchotements des autres guerriers ont résonné derrière le bois :

« Anya aurait obtenu son grade d'élite en couchant avec Kade, paraît-il ? »

« Après la diffusion de leur vidéo intime, tu en doutes ? Même si ça a été coupé net, beaucoup l'ont enregistrée dans leur cristal. »

« Tout le monde chuchote qu'Anya n'est qu'une traînée qui collectionne les Alpha. »

« Pas étonnant que Kade ne l'ait jamais officialisée. Qui voudrait d'une Luna pareille ? »

Le dos contre la porte, je me suis effondrée au sol.

Mon cristal de communication pulsait d'une lumière rouge agressive. Je l'ai ignoré.

Je n'ai allumé aucune lampe, me laissant engloutir par les ténèbres.

Ma louve a hurlé de détresse. Pour elle, la trahison du compagnon faisait bien plus mal que n'importe quelle blessure physique.

Je ne savais combien de temps s'était écoulé avant qu'un message impératif ne vibre à travers mon cristal : « Réponds, ou je monte. À toi de choisir. »

Presque aussitôt, une présence mentale familière et dominante a forcé son passage à travers mes défenses psychiques. C'était Kade, utilisant notre lien mental.