Chapitre 9

Après quelques secondes d'hésitation, j'ai accepté la connexion.

« Tu vas bien ? »

Sa voix m'a tirée presque un rire amer : « Quel rôle joues-tu cette fois ? La compassion ? Je t'ai déjà dit que je ne retirerai pas ma plainte. »

Contre toute attente, Kade n'a pas contesté. Son ton s'est même fait étrangement sincère : « Je suis désolé. »

Son attitude m'a déstabilisée. À vrai dire, je ne l'avais jamais vu adopté une posture presque humble.

« Si tes excuses sont réelles, rétablis la vérité. Tu es l'Alpha, tu ne peux ignorer les rumeurs qui circulent dans la meute. »

Après un silence, sa voix grave a résonné à nouveau : « Anya, le mal est fait. Des explications ne changeront pas ce que tous ont vu de leurs yeux, et ne feront qu'impliquer Solène dans cette boue. »

« Mieux vaut limiter les dégâts plutôt qu'envenimer la situation... »

Je l'ai interrompu : « Donc selon toi, ma vie privée violée et mon honneur souillé importent peu, tant que ta précieuse Solène reste épargnée ? »

« C'est pour le bien de la meute. En tant que guerrière, tu dois comprendre les priorités... »

Quelle noble excuse ! Il voulait que j'avale l'affront pour préserver une paix hypocrite.

« Kade », mes larmes ont coulé malgré moi, « tu rêves ! »

J'ai rompu brutalement le lien. Mais en moins d'une minute, une présence d'Alpha plus intrusive encore a forcé mes défenses psychiques.

« Tu oses me couper ? » Sa voix était chargée de menace.

« Je ne veux plus t'entendre. »

« Anya, ne me force pas à employer les grands moyens », son ton est devenu dangereux, « tu connais l'état de ton père. Il a besoin d'énergie Alpha pure pour survivre. »

Mon cœur s'est glacé : « Tu me menaces ? »

« Je constate des faits », a-t-il répondu d'une voix neutre et froide, « si je coupe l'approvisionnement, combien de temps crois-tu qu'il tiendra ? »

Je suis restée silencieuse.

Toute la meute savait que les anciennes blessures de mon père nécessitaient un traitement à l'énergie Alpha. Et Kade le finançait effectivement depuis des années.

« Si tu retires ta plainte, tout continuera comme avant », a-t-il déclaré sans laisser place à la négociation, « c'est un ultimatum. »

J'ai fermé les yeux, sentant mon cœur se déchirer.

Pour mon père, je n'avais pas le choix.

« D'accord… Je… je retire ma plainte. »

« Bien », sa voix s'est faite légèrement plus douce, « un jour, tu me remercieras. Solène est ta sœur. Inutile d'aller trop loin. »

La nausée m'est montée à la gorge, et j'ai coupé brutalement la connexion.

Effondrée au sol depuis longtemps déjà, j'ai fini par craquer, sanglotant sans retenue.

Je ne pouvais et n'osais jouer la vie de mon père contre mon propre honneur...

Peu après le retrait de ma plainte, Solène est apparue à ma porte, le visage rayonnant de satisfaction.

« J'ai appris que tu avais abandonné les poursuites », a-t-elle dit avec un sourire mielleux, « je savais que tu finirais par entendre raison. »

Ma réponse était glaciale : « Sors ! »

« Ne sois pas fâchée », est-elle entrée sans invitation, inspectant ma chambre spartiate de guerrière, « c'est dur, non, de vivre dans un endroit pareil ? »

« Cela ne te regarde pas. »

« Je m'inquiète pour toi », a-t-elle affirmé en s'asseyant sur l'unique chaise, « après tout, nous sommes de la même famille. »

« PAS DU TOUT. »

« Comment ça ? » Elle a battu des cils, jouant l'innocence outragée, « Nous avons la même mère. Même si ton bon à rien de père ne t'a pas transmis un sang bien prestigieux. »

J'ai levé la main pour la gifler. Mais alors que j'attrapais son poignet, elle s'est effondrée à genoux dans une posture théâtrale, la voix tremblante de peur : « Je reconnais mes torts, ne me frappe pas… Je porte l'enfant de Kade… »

Elle a croisé les mains sur son ventre, jouant à la perfection la scène où je l'aurais agressée.

En effet, c'était exactement la scène qui s'est offerte à Kade lorsqu'il est arrivé. Son instinct de protection a écrasé toute raison.

« Anya, tu as perdu la tête ? »

« Je ne l'ai pas touchée ! » ai-je tenté d'expliquer.

Mais avant que je puisse poursuivre, il m'a repoussée violemment. Sous la force du choc, ma tête a heurté le mur avec un bruit sourd, s'ouvrant sur une entaille béante d'où le sang s'est immédiatement mis à ruisseler.

Les yeux écarlates, Kade a grondé : « Je t'avais prévenue de ne pas lui faire de mal ! Elle porte mon sang ! »

Il a soulevé Solène avec une précaution extrême, et lorsqu'il s'est tourné vers moi, sa voix était tranchante comme glace : « Au nom de l'Alpha de la Lune Noire, je dissous officiellement notre lien de couple. »

Alors qu'il prononçait ces mots, lui-même a craché du sang, chancelant sous la douleur déchirante de la rupture.

Je n'étais guère mieux. J'ai senti mon cœur se déchirer en deux, littéralement.

Ainsi s'achevait le lien qui nous avait unis pendant quatre années.

Une douleur fulgurante dans la poitrine m'a fait m'effondrer à genoux, un filet de sang coulant au coin de mes lèvres.

« Très... bien... » Bien que cette phrase soit brève, je l'ai prononcée comme si j'avalais des éclats de verre.

Sans un regard pour moi, Kade est parti en serrant Solène contre lui.

Parfait. À partir de maintenant, plus rien ne me lierait à lui.

La veille de mon départ, j'ai supporté la brûlure de la rupture pour partager un dernier repas avec mon père. Rien sur mon chagrin, je me suis contentée de lui dire mon affectation à la Crête d'Argent.

Cette nuit-là, avec mes bagages, j'ai franchi la frontière de la Lune Noire avant l'aube. Au moment de passer la borne frontalière, j'ai coupé définitivement tout lien restant avec Kade.

La douleur était si intense que j'ai failli m'évanouir, mais quand elle s'est estompée, une sensation inattendue a émergé : le soulagement.

Oui, j'étais libre !

Désormais, je resterais loin de lui, pour toujours !