Chapitre 4

« Maman. »

J'ai baissé les yeux. Chloé se tenait devant moi dans une petite robe rose, telle une petite princesse.

« Maman Éléna m'a demandé de venir te dire », dit-elle d'un ton froid, presque comme si elle s'adressait à une étrangère, « qu'on va couper le gâteau. »

« Merci de m'avoir prévenue », ai-je dit en m'accroupissant, espérant me rapprocher un peu d'elle.

Elle a aussitôt reculé d'un pas.

« Maman Éléna a dit que tu devrais rester à l'écart, pour ne pas gâcher l'ambiance. »

Mon cœur s'est déchiré. Ma fille de cinq ans me répétait les mots méchants d'une autre femme.

« Chloé », ai-je soufflé, « Maman voudrait te dire que… »

« Je veux pas écouter ! » Elle m'a coupée, le visage fermé. « Tu rends toujours Maman Éléna triste. Je te déteste ! »

Puis elle s'est retournée et s'est mise à courir, criant : « Maman Éléna ! Maman Éléna ! »

« Pauvre femme », a murmuré quelqu'un à côté de moi, « même sa propre fille ne veut plus d'elle. »

« Elle est toujours au travail, tandis qu'Éléna passe tout son temps avec l'enfant. »

Ma main tremblait légèrement autour de ma coupe de champagne. Ce n'étaient pas leurs jugements qui me blessaient le plus… C'était ce « je te déteste ».

Ma fille. Celle que j'ai portée pendant neuf mois. Elle m'a dit qu'elle me détestait.

Je me tenais au milieu des invités, comme une étrangère.

Mon mari, ma fille, ma famille… tous gravitaient autour d'Éléna. Et moi, j'étais en trop, l'étrangère.

« Quelle scène émouvante », a dit ma mère en s'approchant. « Regarde comme Chloé aime Éléna. Tu vois, Camille, tu devrais réfléchir à ton comportement. »

« Oui », a ajouté mon père. « Les enfants sentent la vérité. Si elle choisit Éléna, c'est qu'elle est une meilleure mère que toi. »

Je n'ai rien répondu. Qu'aurais-je pu dire ? À leurs yeux, j'ai toujours eu tort.

Après la fête, je suis partie seule. Personne n'a remarqué mon départ. Ils étaient tous trop occupés à féliciter les 'heureux futurs mariés'.

De retour à la maison, je suis allée directement dans mon bureau.

« Madame Carrel », ai-je appelé doucement. C'était cette infirmière qui m'accompagnait depuis tout ce temps.

« Madame, je vous écoute. »

Je lui ai tendu une clé USB.

« Il y a des vidéos et des enregistrements là-dedans. Demain matin, à huit heures, envoie-les à Adrien. »

« C'est… »

« Des vérités », ai-je souri faiblement. « Les paroles d'une morte méritent d'être entendues. »

Puis j'ai sorti quelques lettres.

« Celle-ci pour mes parents. Et celle-là pour Chloé… quand elle aura dix-huit ans. »

« Madame… »

Madame Carrel pleurait silencieusement.

« Il reste une dernière chose. » J'ai ouvert le coffre-fort, sorti un petit écrin. « C'est la vraie bague de ma mère. Donne-la à Chloé, et dis-lui… que je l'aimerai toujours. »

Quand tout était prêt, je me suis laissée tomber dans le fauteuil, épuisée.

Dehors, les feux d'artifice éclataient. On célébrait les fiançailles d'Adrien et d'Éléna. Quelle ironie… La dernière nuit de ma vie coïncidait avec leur bonheur éclatant.

« Encore quelques heures », me suis-je dit, « tiens bon. »

Je savais que demain, quand la vérité éclaterait, tout changerait. Mais moi… je ne serais plus là.

C'est ça, ma vengeance. Mettre ma vie sur la table, pour les condamner à vivre avec le remords.

« Bonne nuit, mes amours », ai-je murmuré en fermant les yeux. « Que vous vous souveniez toujours… qu'une idiote vous a aimés plus que sa propre vie. »

À six heures du matin, le cœur de Camille Chenal a cessé de battre.

Madame Carrel était assise à son chevet, les larmes coulant sans fin.

Elle tenait la main glacée de cette femme autrefois si fière, aujourd'hui paisible, un léger sourire aux lèvres.

À huit heures pile, elle a composé le numéro d'Adrien.

« Allô ? » La voix à l'autre bout était lasse.

« Monsieur Leroux, ici l'infirmière Carrel. Madame Chenal... elle est décédée. »

Un long silence.

Puis sa voix, brusquement tendue : « Qu'est-ce que vous venez de dire ?! Ce n'est pas possible ! Elle était encore là hier soir, à la fête ! »