La perfection trop tardive

Mon mari dit que je ne suis pas assez douce, mes parents disent que je suis trop égoïste, et ma fille dit qu'elle préfère Éléna. Alors j'ai décidé de tout lui offrir, ma vie, mes biens, mes souvenirs… pendant les 72 dernières heures qui me restent.

Les mots du médecin résonnaient encore dans ma tête : « Cancer en phase terminale. Sans thérapie expérimentale immédiate, il vous reste au mieux trois jours. »

Je m'étais adossée contre le mur de la chambre d'hôpital, le regard tourné vers la fenêtre. En tant qu'épouse d'Adrien Leroux, j'avais tout donné à ce mariage pendant sept ans. Jusqu'à son arrivée à elle.

« Tu vas bien ? » La porte s'est ouverte. C'était mon mari, Adrien, qui est entré. Un soupçon d'agacement flottait sur son visage.

« Je vais bien », ai-je murmuré.

Il a froncé les sourcils : « Le médecin dit que tu as besoin de cette thérapie expérimentale, mais… »

« …mais Éléna en a plus besoin que moi, c'est ça ? » ai-je terminé pour lui, avec un sourire amer.

Éléna, cette orpheline fragile que j'avais convaincu mes parents d'adopter quand j'avais douze ans. Je l'avais aimée comme ma propre sœur… Sans savoir qu'elle me volerait tout.

« Camille, il faut que tu comprennes », a soufflé Adrien, un peu plus doux. « Son état est plus grave. Elle dit que ses reins risquent de lâcher… alors que toi, tu as l'air d'aller bien. »

Oui. J'en avais l'air. Personne ne savait que je masquais la douleur atroce du cancer avec des doses mortelles d'antalgiques. Je ne voulais pas qu'ils s'inquiètent.

« Je comprends », ai-je répondu calmement. « Donne-lui la place. »

Adrien a visiblement été soulagé. « Je savais que tu comprendrais. Tu as tellement changé ces dernières années… Tu n'es plus aussi têtue qu'avant. »

Têtue ? J'ai ri intérieurement. Depuis qu'Éléna est arrivée, tous mes efforts étaient vus comme de la jalousie. Tous mes principes, comme de la mesquinerie.

Ce soir-là, je suis rentrée chez moi en forçant mon corps à tenir.

« Maman ! » Chloé m'a vue, puis s'est réfugiée derrière Éléna.

« Chloé… » ai-je souri difficilement.

« Camille, bon soir », a dit Éléna en s'installant confortablement à MA place, vêtue d'un tailleur Chanel… que je lui avais offert.

« Éléna, j'ai quelque chose pour toi. »

Je suis allée dans le bureau, j'ai sorti un dossier. « C'est l'acte de cession de la galerie d'art à mon nom. Je souhaite te la donner. »

« Quoi ? » Éléna s'est levée, choquée : « Mais c'est ta galerie préférée ! »

Oui. C'était MON œuvre, ma fierté. Mais aujourd'hui, plus rien n'a d'importance.

« Tu la gèreras mieux que moi. Considère-la comme un cadeau de mariage… en avance. »

Son regard a vacillé. Une seconde. Puis elle a repris son air naïf. « Camille… qu'est-ce que tu racontes ? »

Je me suis approchée d'elle. « Je sais tout. Mais ce n'est pas grave. Je vous souhaite beaucoup de bonheur. »

À ce moment-là, Adrien est entré. Il avait l'air tendu en nous voyant ensemble. « De quoi vous parliez ? »

« Camille veut me donner sa galerie… Elle est tellement gentille », a dit Éléna, les larmes aux yeux.

Adrien m'a regardée, une lueur complexe dans le regard. « Camille, tu… »

« Je suis fatiguée », l'ai-je interrompu. « Je vais monter. Chloé, sois sage avec Tante Éléna. »

« D'accord », a-t-elle répondu sans émotion, avant de se tourner vers Éléna : « Maman Éléna, on continue à jouer ? »

Maman Éléna. Mon cœur s'est serré.

Dans ma chambre, je me suis adossée contre la porte. Mon corps ne suivait plus. Les cellules cancéreuses me dévoraient à une vitesse folle. Et les médicaments… accéléraient ce processus.

Je me suis mise à trier ma garde-robe. Toutes ces robes de luxe, ces bijoux, ces sacs… Bientôt, tout cela lui appartiendrait.

« 72 heures. » Je me suis regardée dans le miroir, le teint livide. « Camille Chenal… pendant ces trois derniers jours, montre-leur une version parfaite de toi. »

La vérité finira par éclater. J'ai tout prévu. Les preuves que j'ai rassemblées exposeront enfin le vrai visage d'Éléna. Je sais qu'ils finiront par regretter.

Mais à ce moment-là… Je ne serai plus là.

Et ce sera ça, ma vengeance.