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CHAPITRE 95

Author: sonia yayock
last update Last Updated: 2025-10-24 01:39:23

Isma partit à l’aube, sans tambour ni au revoir. Elle n’avait pas pris d’or, pas de cartes : seulement un petit sac de toile, la pierre blonde serrée contre son cœur, et le mot d’Idriss replié six fois, comme une prière. La pluie de la veille avait lavé la route ; le ciel, bas et net, dessinait une ligne dure entre la terre et la mer. On eût dit que le monde la bénissait d’un silence pur.

À la Maison du Vent, la porte restée ouverte laissait entrer une brise tiède qui ramenait encore l’odeur des braises. Farah la regarda s’éloigner sans un geste, ni plainte ni joie ; une reconnaissance grave passa dans ses yeux. Soraya lui avait touché la joue tout juste avant qu’elle ne franchisse le seuil, comme on marque un passage. Alma avait plié un essuie-main et l’avait glissé dans son sac, sans rien dire. Les gestes valaient désormais plus que les lois écrites.

— Va, dit Farah doucement. Mais souviens-toi : on peut chercher un homme et se perdre de soi. Ne confonds jamais la route avec l’exil.
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  • Le Cercle des Maîtresses   CHAPITRE 95

    Isma partit à l’aube, sans tambour ni au revoir. Elle n’avait pas pris d’or, pas de cartes : seulement un petit sac de toile, la pierre blonde serrée contre son cœur, et le mot d’Idriss replié six fois, comme une prière. La pluie de la veille avait lavé la route ; le ciel, bas et net, dessinait une ligne dure entre la terre et la mer. On eût dit que le monde la bénissait d’un silence pur.À la Maison du Vent, la porte restée ouverte laissait entrer une brise tiède qui ramenait encore l’odeur des braises. Farah la regarda s’éloigner sans un geste, ni plainte ni joie ; une reconnaissance grave passa dans ses yeux. Soraya lui avait touché la joue tout juste avant qu’elle ne franchisse le seuil, comme on marque un passage. Alma avait plié un essuie-main et l’avait glissé dans son sac, sans rien dire. Les gestes valaient désormais plus que les lois écrites.— Va, dit Farah doucement. Mais souviens-toi : on peut chercher un homme et se perdre de soi. Ne confonds jamais la route avec l’exil.

  • Le Cercle des Maîtresses   CHAPITRE 94

    Les nuits d’Isma prenaient la couleur des souvenirs.Sous la lune pâle, les anciennes pierres du monastère semblaient respirer encore la prière silencieuse des femmes disparues. Les flammes des bougies vacillaient, dessinant sur les murs des silhouettes qui dansaient, comme si Noor et Farah s’étaient glissées dans la chambre à travers le vent.Isma leva les yeux vers la fenêtre entrouverte. Le parfum du jasmin entrait, mêlé à celui plus âcre de la pluie. Tout en elle frémissait d’un pressentiment qu’elle ne parvenait pas à nommer — une caresse du passé, ou un avertissement.Depuis la rupture du Cercle, les liens entre les sœurs s’étaient recomposés, mais fragiles, tendus de secrets et de blessures à peine refermées. Soraya parlait moins, Alma priait davantage, et Isma… Isma aimait en silence.Cet amour, elle l’avait trouvé là où elle ne devait pas.Dans le regard d’un homme qui portait les cicatrices du même combat.Il s’appelait Idriss.Un voyageur, un ancien disciple de Farah avant

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    Le jour s’ouvrit sans cérémonie, mais la lumière semblait hésiter à entrer. La Maison du Vent portait encore l’empreinte de la nuit précédente : une brûlure fine, comme un parfum qu’on n’ose plus nommer. Dans la grande salle, les objets sacrés attendaient, immobiles ; la corde brûlée pendait en un demi-cercle, souvenir visible d’une douleur recentre. Autour de la table, l’air vibrait d’indécision.Les visages étaient divisés. À une extrémité, celles qui restaient fidèles au Cercle — Farah, la jeune fille aux cheveux emmêlés, la femme au foulard rouge — parlaient bas, cherchant des mots qui n’avaleraient pas la blessure. À l’autre, des novices échangeaient des regards pleins d’un feu neuf, une lumière qui n’était plus seulement héritage mais revendication. Entre les deux, un espace se formait, large comme une mer.— Nous devons nous rassembler, dit Farah, la voix contenue mais ferme. Le Cercle n’a jamais été un refuge parfait, mais il tient parce que nous acceptons la lumière et l’ombr

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    La mer s’étendait devant elle, vaste, argentée, indifférente. Ylena marchait sur le sable froid, le vent soulevant ses cheveux comme un voile de rébellion. Depuis qu’elle avait quitté la Maison du Vent, elle n’avait plus entendu la voix des anciennes ni senti la vibration du Cercle. Pourtant, quelque chose d’autre, plus ancien et plus sauvage, l’appelait depuis l’horizon.Elle posa la main sur la pierre qu’elle portait toujours au cou, vestige de son initiation. Elle était tiède, presque vivante. Chaque battement de son cœur faisait naître une pulsation dans la pierre — comme si le Cercle refusait de l’oublier.Dans la Maison du Vent, la jeune fille aux cheveux emmêlés s’éveilla en sursaut. Une douleur brûlante lui traversait la poitrine, comme si un fil invisible la liait encore à Ylena. Elle savait, sans comprendre comment, qu’elle n’était pas morte. Mais elle savait aussi que Ylena avait franchi une frontière que personne n’avait jamais osé traverser.— Elle n’est plus des nôtres,

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    Le silence tomba sur la Maison du Vent comme une couverture de cendre. Depuis le dernier rituel, les novices ne se parlaient presque plus. Quelque chose d’invisible, de brûlant, s’était glissé entre elles. Les regards étaient plus lourds, les gestes plus mesurés, et les flammes du désir, qu’elles pensaient avoir apprivoisées, revenaient comme des bêtes sauvages cherchant à mordre la chair de leurs promesses.La jeune fille aux cheveux emmêlés observait tout cela du haut de la galerie. Elle sentait la fracture venir, lente et profonde. Les anciens signes revenaient — les murmures dans les couloirs, les rituels faits en secret, les alliances formées dans l’ombre.Farah l’avait prévenue :— Le feu que vous avez allumé dans leurs cœurs, si vous ne le gardez pas pur, consumera le Cercle avant qu’il ne mûrisse.Une nuit, sous la pleine lune, une réunion clandestine eut lieu. Trois novices s’étaient retrouvées dans la cour des pierres. L’une d’elles, Ylena, portait une expression d’orgueil b

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    Le jour s’éleva sur la Maison du Vent comme un souffle chaud et lourd, chargé des murmures et des secrets de la veille. La lumière filtrait à travers les rideaux, dessinant sur le sol des ombres mouvantes qui semblaient danser avec les pensées et les désirs des novices. Chaque héritière de la première génération sentait le poids de sa responsabilité : guider la nouvelle génération tout en veillant à ce que les flammes de la passion et de la trahison ne consument pas le Cercle naissant.La jeune fille aux cheveux emmêlés posa ses mains sur la pierre noire. La vibration était différente aujourd’hui : plus intense, plus vivante, comme si les désirs et les secrets des novices s’étaient déposés en elle et sur le Cercle. Elle comprit que la leçon d’hier n’était qu’un prélude à ce que chaque héritière devrait traverser.— Aujourd’hui, dit Farah d’une voix grave, vous apprendrez que la loyauté et le désir sont des flammes qui se nourrissent l’une de l’autre. Si vous ne savez pas les tenir, el

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