ValeriaJe suis arrivée à la clinique bien avant l’aube.Le ciel était encore noir, et la ville silencieuse, comme suspendue dans un souffle.Pas parce que j’avais mal, ni par faiblesse. Non.Je suis venue parce que je devais.Parce qu’il fallait que je l’oblige à venir. Que je le tire hors de ce silence, de cette indifférence.Tout était prévu. Calculé.J’ai envoyé ce message, simple et froid :« J’ai des douleurs. Je suis seule. »Pas un mot de plus. Pas un détail.Juste ce qu’il fallait pour provoquer la fissure.Je voulais qu’il s’inquiète. Qu’il panique. Qu’il abandonne tout pour moi.Qu’il choisisse.Je me suis installée dans cette chambre blanche, où chaque surface réfléchit la lumière crue des néons.L’air est froid, aseptisé, sans vie.Je me suis allongée, les mains croisées sur le ventre plat, et j’ai attendu.J’ai pensé à lui.Je l’ai imaginé déchirer la nuit pour venir, ses pas rapides dans les couloirs, sa voix pressée qui me chercherait.J’ai même redressé un peu les dra
AlessiaJe ne sais pas ce qui m’a poussée à sortir.Peut-être que j’avais juste besoin d’air. De silence. De quelque chose de plus simple que cette chambre, que sa voix, que ses promesses à moitié faites.Mais très vite, je comprends que ce n’est pas de l’air que je respire dehors.C’est une atmosphère trop dense, trop lourde.Comme si le ciel voulait m’écraser.Comme si quelque chose ou quelqu’un allait craquer.Je marche droit devant, les bras croisés contre ma poitrine, comme si ça pouvait me protéger de tout.Mais ça ne protège pas de soi. Pas de ce qu’on sent venir. Pas de cette foutue douleur qui s’annonce.Elle commence doucement. Un pincement. Un signal.Je m’arrête. Respire un coup. Je regarde autour de moi. Rien d’inquiétant. Juste la ville qui vit sans moi.Mais mon ventre serre. Se contracte. Et cette fois, c’est pas juste une alerte.C’est plus profond. Plus vrai.J’accélère le pas.Je me dis que je vais trouver un taxi. Ou un café. M’asseoir. Boire de l’eau.Faire passer
LorenzoLe silence qui suit nos aveux n’est pas doux.Il est lourd. Dense. Suspendu comme une goutte de sang au bord d’une lame.Une paix illusoire, trop belle pour durer, trop silencieuse pour ne pas cacher un cri.Alessia dort . Je sens son souffle lent contre ma peau. Sa main, toujours posée sur ma poitrine, ne bouge pas. Mais moi, je ne dors pas. Je ne suis plus là.Je fixe le plafond. Et derrière le plafond, les souvenirs. Les chaînes invisibles. La dette que je traîne comme une ombre.Une vibration. Faible, insistante. Le téléphone vibre lentement sur la table basse.Je tourne la tête.Valérie.Le nom suffit à me figer.Je ne décroche pas. Mon cœur cogne dans mes côtes comme un prisonnier qui sent l’heure de l’exécution.Le message apparaît une seconde plus tard, brutal dans sa simplicité : « J’ai des douleurs. Ce n’est pas normal. Je suis seule. Tu dois venir. »Je ferme les yeux. Le poids me tombe sur les épaules. Pas seulement celui de l’enfant qu’elle porte. Le poids de mes
LorenzoJe ne peux plus différer.Pas après cette nuit.Pas après ce regard.Elle a franchi toutes les lignes, donné ce qu’on ne réclame jamais, même sous la torture : la vulnérabilité. Et moi, je suis encore là, à retenir le poison derrière mes dents.Je me déteste pour ça.Mais je ne veux pas la salir.Je veux lui laisser une chance de s’enfuir, maintenant, pendant qu’il reste encore une sortie.Je prends une inspiration. Une lente, douloureuse. Mes poumons s’emplissent comme sous l’eau. Elle me regarde sans détourner les yeux. Pas un clignement. Pas une esquive. Comme on regarde une mer en furie. Avec le vertige, l'attirance, et une certitude sourde qu'on va se laisser happer.— Alessia... tu crois connaître une part de moi. Et peut-être que c’est vrai. Mais ce que tu ne sais pas… pourrait te faire fuir.Ses doigts se referment lentement sur le drap, mais son regard ne flanche pas.— Alors dis-le. Que je sache ce contre quoi je dois me battre. Que je sache pour qui je brûle.Ce qu’
AlessiaLa nuit est une couverture épaisse, qui enveloppe tout nos corps, nos souffles, nos secrets.Le silence est lourd, presque palpable, comme un espace entre deux mondes, entre ce que nous sommes et ce que nous allons devenir.Je sens encore la trace de ses doigts sur ma peau, chaque caresse gravée au creux de mes nerfs, chaque frisson un écho sourd.Je ne veux pas briser ce moment, cette bulle fragile où rien ne peut m’atteindre.Pourtant, une ombre glisse sur la surface lisse de cette nuit.Une ombre faite de non-dits, de peurs enfouies, de blessures qu’on ne guérit jamais complètement.Je le regarde, son visage allongé dans la pénombre, les traits tirés, fatigués mais encore empreints de cette force sauvage qui m’a toujours attirée.Ses yeux sont fermés, mais je sais qu’il est là, présent, à lutter contre ses démons intérieurs.Je passe la main dans ses cheveux, caresse la nuque qui se tend sous mon toucher.— Lorenzo ?Il ouvre lentement les yeux, ces prunelles sombres qui pe
AlessiaIl n’a pas reculé.Et moi non plus.Nous sommes là, dans ce moment suspendu, cet instant presque irréel, où les interdits tombent un à un, comme des chaînes qu’on brise dans le noir.Plus rien n’existe.Ni les lois.Ni les peurs.Ni les échos du passé.Juste nous.Deux corps.Deux vérités.Deux silences qui se frôlent enfin sans fuir.Lorenzo m’a regardée longtemps.Comme s’il voulait mémoriser chaque détail, chaque frémissement.Comme s’il n’était pas sûr d’avoir le droit de me toucher, même maintenant.Mais je le vois…Ce n’est plus la peur qui l’habite.C’est la faim.La vraie.Celle qu’on ne dit pas.Celle qui a grandi dans l’ombre, nourrie d’absence, de retenue, de nuits silencieuses à brûler dans le noir sans jamais céder.Sa main remonte lentement sur ma joue.Son pouce effleure ma bouche.Ma lèvre tremble sous le contact.Il ne me demande rien.Il ne parle pas.Il sait.Et moi, j’ai envie de le dévorer.Je tire doucement sur sa chemise, une pression à peine perceptible