La maison semblait plus calme depuis quelques jours. Un calme trompeur. Le silence s'était installé partout, si épais qu'il me donnait l'impression d'être prisonnière d'une bulle étouffante. Même Victoria, d'ordinaire rassurante, parlait moins. Comme si elle craignait que ses mots suffisent à réveiller ce que nous tentions d'oublier.
Mais il y avait une vérité à laquelle je ne pouvais plus échapper : nous n'avions pas rêvé. Pas inventé. Pas exagéré. Quelque chose vivait ici, et nous en faisions désormais partie.
Cet après-midi-là, nous allions monter au grenier pour ranger le troisième grimoire. Ni elle ni moi n'osions le laisser traîner. Ce livre avait une présence trop forte, trop lourde, pour qu'on le considère comme un simple objet.
"On le cache dans la vielle malle de mamie?" Proposa Victoria.
J'acquiesçai en silence et attrapai le grimoire, qui était encore sur la table basse. Mais à peine mes doigts effleurèrent-ils sa couverture que je sentis une chaleur soudaine se répandre dans ma paume. Je baissai les yeux.
La marque.
Elle était revenue. Un croissant de lune noir, net, parfaitement dessiné sur ma main. Mon cœur se mit à battre plus vite.
"Vic, regarde." Elle se figea. Ses yeux glissèrent sur ma main, s'écarquillant d'effroi. Lentement, elle tendit la sienne, hésitante, jusqu'à toucher le grimoire à son tour.
Et sous nos yeux, une lumière dorée se dessina dans sa paume. Un soleil, éclatant mais froid, comme gravé sous sa peau. Nous restâmes figées, incapables de parler.
"C'est pas possible...," souffla Victoria.
"Pourquoi, pourquoi ça fait ça ?"
Nos marques brûlaient doucement, mais sans douleur. Comme une présence, vivante, consciente. Comme si elles nous rappelaient que ce n'était pas nous qui les possédions, mais elles qui nous avaient choisies.
Nous posâmes enfin le grimoire dans la malle. Je m'attendais à ce que tout s'arrête. Mais ce fut l'inverse.
Nos symboles se mirent à pulser, comme s'ils répondaient à quelque chose d'invisible autour de nous. Une brise glaciale, irréelle, traversa le grenier, soulevant la poussière.
Puis le grimoire s'ouvrit. Tout seul. Les pages tournèrent à toute vitesse, s'arrêtant net sur une feuille au centre.
Un symbole y était tracé. Étrange, compliqué, mêlant soleil et lune dans une même forme, comme deux forces opposées enfermées dans un cercle. À côté, quelques lignes écrites dans une langue que nous ne connaissions pas. Je sentis ma gorge se nouer.
"C'est comme si, il nous appelait," murmurai-je. Victoria ne répondit pas. Ses yeux restaient fixés sur les mots illisibles, fascinés et effrayés à la fois. Nous fermons la malle et redescendons. Le reste de la journée passa dans une tension sourde.
En fin d'après-midi, une amie passa nous voir. C'était Emma une fille de notre classe, la meilleur amie de Victoria. Une visite banale, presque réconfortante. On décida d'avoir une soirée film entre filles. Le genre de soirée où on parle plus que l'on ne regarde de film.
Mais au bord de la nuit l'ambiance changea, devenant plus oppressante de nouveau. Quand tout d'un coup un bruit retentit.
"Vous avez entendu ça ?" demanda Emma, tremblante. Victoria et moi échangeâmes un regard.
"Oui, euh, tu te souviens on avait déjà parlé des choses étranges dans la maison la dernière fois." Lui répond Victoria.
"Oui mais je pensais que vous aviez fait un ouija et que les esprits étaient partis? Tu me l'avais dit par message, Vic."
"Je sais mais apparemment nos ennuis surnaturels sont loin d'être terminés." Et comme pour confirmer ses dires un nouveau bruit se manifesta, mais cette fois-ci dans la cuisine juste derrière nous.
"Je vois." Dit Emma. "Enfin j'entends," ajouta-t-elle un sourire en coin. On se mit à rire toutes les trois.
Pour une fois depuis le début de tout ça, l'ambiance lourde sembla s'atténuer un peu. Emma qui prend toujours tout avec légèreté aida pour ça.
Puis elle est la seule de nos amis à qui nous avions parlé de tout ça, sa mère est une médium, on savait qu'elle ne nous jugerait jamais pour ça. Elle avait déjà vécu son lot d'expériences surnaturelles. Emma quitta la maison peu après, sans rien dire de plus. Mais nous savions que, cette fois, quelqu'un d'extérieur l'avait vécue aussi.
La nuit venue, alors que je m'étais allongée en espérant dormir, je vis une faible lueur apparaître dans l'obscurité.
Ma main.
La lune brillait faiblement sous ma peau.
Je ne touchais rien. Je ne faisais rien. Et pourtant, ma marque s'était réveillée d'elle-même, comme si elle attendait quelque chose.
Je détournai les yeux, incapable de soutenir plus longtemps son éclat.
Au fond de moi, je le savais.
Ce n'était plus la maison qui était hantée.
C'était nous.
.....
(766 mots)
Mardi:Ce matin-là commençait de manière ordinaire. La lumière du soleil matinale se frayait un chemin à travers les rideaux, et l'odeur du café fraîchement préparé par Vic était omniprésente dans la cuisine. Emma était déjà à table, tartinant du pain avec de la confiture."Bon, sérieux, tu veux du pain avec ta confiture ou c’est le contraire?" dis-je, amusée.Elle haussait les épaules. "On est en vacances, il faut en profiter."Vic leva les yeux au ciel en déposant les tasses fumantes sur la table.Alors que j’approchai ma main de la table pour prendre le sucre, mon symbole, le croissant de lune, réapparut tout à coup, l’espace d’un instant. J’enlevai ma main rapidement, priant pour qu’Emma n’ait rien vu.Mais elle plissa les sourcils. "Vous avez vu ça?" demanda-t-elle, les yeux rivés à la table."Vu quoi?" répondis-je, un peu trop vite sans doute.
On passa une bonne journée toutes les trois. Je ne dis rien à Victoria pour la dispute avec maman. Ça ne sert à rien de toute façon, puis Rose a accepté de m'aider pour payer les courses de cette semaine. Le soir, on décida de regarder un film. On s'est installées sur le canapé, Victoria au milieu, Emma d'un côté et moi de l'autre. Le film était un drame romantique.Soudain, le film s'est mis à saccader. Les images se sont figées, le son a disparu, et l'écran est devenu gris. "Le film est tellement ennuyeux qu'il a cassé la télé ?" lança Emma, en riant."Ha ha, très drôle," répondit Victoria, sarcastiquement. On a essayé d'éteindre et de rallumer, de débrancher, mais rien à faire. La télévision est restée éteinte."Peut-être qu'il est temps d'aller dormir," ai-je
PDV de VictoriaJe me suis réveillée avec la sensation d'un doux sable chaud sous mes pieds. C'était l'aube, et le soleil qui se levait inondait la plage d'une lueur dorée. Un homme était assis devant moi, le dos tourné, regardant l'horizon. Ses épaules larges et la façon dont ses cheveux blonds, illuminés par le soleil, tombaient sur sa nuque me donnaient un sentiment de sécurité et de paix. Je me suis avancée, mon cœur battant doucement, comme le bruit des vagues. Quand il s'est tourné, il a souri. Il avait des yeux d'un bleu clair et un sourire rassurant."On se revoit," a-t-il dit."On se connaît?" ai-je demandé, surprise."Pas encore. Mais on se connaîtra. Notre lien est en train de se
Je finis par m'endormir, juste pour tomber dans un nouveau rêve, ou peut-être plus un cauchemar. J'étais dans une sorte de forêt. Tout y était si sombre que l'ambiance était presque suffocante. Je ne savais pas où j'allais, je marchais juste tout droit. De toute façon, il faisait trop noir pour savoir où j'étais, et encore moins où j'allais.Au bout de quelques minutes à marcher sans but, j'arrive dans une clairière. Bizarrement, elle est parsemée de fleurs rouges, et ces fleurs semblent éclairer l'endroit. Pour une raison inconnue, je m'arrête net au milieu de cette clairière. C'est comme si je ne contrôlais pas mon propre corps. Une lumière rouge apparaît d'un coup devant moi. Plus elle s'approche, plus je remarque que ce n'est pas une simple lumière : ce sont des yeux.Ils se rapprochent lentement de moi. Les yeux q
La maison semblait plus calme depuis quelques jours. Un calme trompeur. Le silence s'était installé partout, si épais qu'il me donnait l'impression d'être prisonnière d'une bulle étouffante. Même Victoria, d'ordinaire rassurante, parlait moins. Comme si elle craignait que ses mots suffisent à réveiller ce que nous tentions d'oublier.Mais il y avait une vérité à laquelle je ne pouvais plus échapper : nous n'avions pas rêvé. Pas inventé. Pas exagéré. Quelque chose vivait ici, et nous en faisions désormais partie.Cet après-midi-là, nous allions monter au grenier pour ranger le troisième grimoire. Ni elle ni moi n'osions le laisser traîner. Ce livre avait une présence trop forte, trop lourde, pour qu'on le considère comme un simple objet."On le cache dans la viell
L'odeur du café flottait dans la cuisine, mêlée à celle du pain grillé. Victoria était déjà installée à la table, les cheveux en bataille, emmitouflée dans une couverture trop grande. Elle tournait doucement sa cuillère dans sa tasse, l'air ailleurs. Je suis entrée quelques instants plus tard, encore en pyjama, les yeux mi-clos."C'est quoi ce silence ? T'as tué la cafetière ou tu médites sur l'existence ?""Je réfléchis," répondit Vic en haussant à peine les épaules. "C'est pas interdit."J'ai esquissé un sourire en coin et me suis installée en face d'elle. Notre mère était partie la veille chez mon frère aîné pour la semaine. Elle avait dit vouloir "aider un peu avec les enfants". Une excuse simple, mais qui nous donnait l'espace dont nous avions besoin."Tu penses à tout ce bazar ? Les bruits, les rêves ?""Ouais. Et aussi au fait qu'on ne peut pas juste être normales deux secondes. J'ai envie d'un jour sans fantômes. Tu crois que c'est trop demander ?"J'ai ri doucement. "Viens, o