Chapitre 5– Pacte avec les ombres

Éléonore

L’obscurité m’engloutit, me fait chavirer dans un gouffre sans fin. L’air est glacé, lourd d’une présence oppressante. Je lutte pour garder pied, mais mes membres sont engourdis, mon esprit vacille sous la pression d’une force invisible.

Puis, tout s’arrête.

Un frisson me traverse lorsque j’ouvre les yeux.

Je ne suis plus dans les ruines du château.

Autour de moi s’étend une vaste salle aux colonnes sculptées, recouvertes de symboles anciens qui semblent vibrer d’une lumière spectrale. Le sol est de marbre noir, lisse et froid sous mes doigts.

Un temple.

Un autel trône au centre de la pièce, baigné d’une lueur pâle.

Et face à moi…

Léandre.

Drapé dans son manteau d’ombre, il se tient immobile, m’observant avec un amusement cruel.

— Bienvenue dans l’entre-monde, Éléonore.

Je me redresse lentement, tentant de masquer ma faiblesse.

— Qu’as-tu fait ?

Son sourire s’agrandit.

— Je t’ai offert une opportunité.

Il fait un pas vers moi, ses yeux rougeoyants transperçant mon âme.

— Tu veux sauver Andréas, n’est-ce pas ?

Je serre les poings.

— Oui.

— Alors écoute-moi bien.

Il tend la main, et l’espace entre nous se distord.

Une scène se forme dans l’air.

Je vois Andréas, son corps toujours allongé sur le sol des ruines, son souffle erratique, comme si chaque seconde l’éloignait un peu plus de ce monde.

Je ressens son agonie.

Sa faiblesse.

Mon cœur se serre.

Léandre ricane doucement.

— Il est enchaîné à toi, Éléonore. Mais son âme s’effrite. Si tu ne fais rien… il disparaîtra pour de bon.

Un froid mordant me traverse.

— Que veux-tu en échange ?

Léandre s’approche encore, si près que je peux sentir l’énergie sombre qui l’entoure.

— Un lien.

Je fronce les sourcils.

— Un lien ?

Il incline la tête.

— Le nôtre.

Son regard s’intensifie, et soudain, une vague de souvenirs me frappe.

Une nuit lointaine.

Un serment murmuré dans l’ombre d’un château illuminé par la lueur des chandelles.

Une promesse oubliée.

Je recule d’un pas, horrifiée.

— Toi et moi…

Léandre acquiesce lentement.

— Tu n’as jamais été seulement liée à Andréas, Éléonore.

Mon souffle se bloque.

— Tu étais aussi liée à moi.

Le monde semble vaciller autour de moi.

Des fragments de mon passé me reviennent, brisés, flous, mais terriblement réels.

Léandre, se tenant à mes côtés, ses doigts frôlant ma peau avec une douceur interdite.

Andréas, son rire éclatant résonnant dans les couloirs du château, ignorant le regard brûlant que son frère posait sur moi.

Et moi…

Déchirée entre eux.

— Tu l’as oublié, n’est-ce pas ?

La voix de Léandre est douce, presque tendre.

— Notre lien. Notre histoire.

Je ferme les yeux, cherchant à rejeter ces souvenirs.

Mais ils sont là.

Vivants.

— C’est impossible…

— C’est la vérité.

Un silence pesant s’installe.

Puis, il murmure :

— Donne-moi ce que tu me dois, Éléonore.

Je rouvre les yeux, mon cœur battant à tout rompre.

— Et si je refuse ?

Léandre sourit, mais cette fois, il n’y a aucune moquerie.

Seulement une tristesse ancienne.

— Alors Andréas mourra. Définitivement.

Je frémis.

Il joue avec moi, mais il ne ment pas.

Je sens la vie s’échapper d’Andréas.

Il ne me reste plus de choix.

D’une voix tremblante, je murmure :

— Que dois-je faire ?

Léandre lève la main.

— Renouvelle notre pacte.

Un cercle de runes s’illumine autour de nous, vibrant d’une énergie surnaturelle.

— Répète après moi.

Je serre les dents, sentant les fils du destin se resserrer autour de moi.

Mais si c’est le seul moyen de sauver Andréas…

Alors je n’ai pas d’autre choix.

— Je te le promets.

Les mots quittent mes lèvres, et instantanément, une douleur fulgurante traverse mon corps.

Quelque chose en moi se brise.

Et une chaîne invisible m’enlace à Léandre.

Son sourire s’élargit.

— Bien.

Il claque des doigts.

L’espace se déchire.

Et je suis projetée dans un tourbillon de lumière.

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Andréas

Un battement sourd.

Une chaleur familière.

Mes yeux s’ouvrent brusquement.

Je suis de retour dans les ruines du château, étendu sur le sol froid.

Mon souffle est saccadé, mon corps douloureux, mais…

Je suis vivant.

Ma tête tourne légèrement.

Et alors, je la vois.

Éléonore, agenouillée à mes côtés, ses cheveux défaits, ses yeux embués de larmes.

Elle me touche le visage, ses doigts tremblants.

— Tu es revenu… murmure-t-elle.

Je fronce les sourcils.

— Que s’est-il passé ?

Elle détourne le regard.

— Je t’ai sauvé.

Un silence.

Puis, une ombre se matérialise derrière elle.

Léandre.

Son sourire satisfait me glace le sang.

— C’est exact, mon frère. Elle t’a sauvé.

Un malaise me ronge lorsque je capte l’éclat étrange dans les yeux d’Éléonore.

— Qu’est-ce que tu as fait ?

Elle ne répond pas immédiatement.

Puis, à voix basse, elle murmure :

— J’ai fait un choix.

Je sens un frisson me parcourir.

Léandre s’approche, posant une main possessive sur son épaule.

— Elle m’appartient, maintenant.

Les mots me percutent comme un coup de poignard.

Je serre les poings, luttant contre la rage qui monte en moi.

— Non…

Léandre sourit.

— Oh si, Andréas.

Il penche légèrement la

tête, murmurant :

— Et cette fois… Tu ne pourras rien y faire.

Un vent froid souffle dans les ruines.

Et pour la première fois, je ressens une peur profonde.

Car je sais que Léandre a raison.

Cette fois…

J’ai peut-être perdu Éléonore pour de bon .