Chapitre 7 : Chasse à la louve
LE POINT DE VUE DE SANTINO RICCI
Le cuir noir de mon fauteuil grince sous mon poids alors que je me redresse brusquement. La salle est plongée dans une lumière tamisée, seules les lueurs bleutées des écrans de surveillance découpent les visages crispés des techniciens réunis devant moi. Ils ont peur. Et ils ont bien raison.
— Alors ? demandai-je d’une voix froide, glaçante. Où est-elle ?
Un silence pesant, lourd comme du plomb, me répondit. Puis un homme au crâne dégarnie, lunettes épaisses sur le nez, se racle la gorge.
— Monsieur Ricci... Nous avons pu suivre mademoiselle Alaya depuis le quartier Est, juste après son évasion. Elle a été repérée par une caméra municipale à 17h16... elle marchait rapidement, pieds nus, et portait encore sa robe blanche. Elle a tourné dans une ruelle puis...
Il s’arrêta. Mes doigts pianotent nerveusement sur l’accoudoir. Je sens la colère bouillonner dans mes veines.
— Continuez, ordonnai-je d’un ton sec.
— ... Puis elle a disparu du champ des caméras. La zone est partiellement couverte. On pense qu’elle est entrée dans un immeuble abandonné du quartier des faubourgs... mais elle n’en est pas ressortie. Ou du moins pas par la sortie qu’on surveillait.
Je me lève lentement. Le silence se fait plus oppressant encore.
— Vous pensez ? Vous êtes payés pour penser maintenant ? Ma voix explose. Je vous paie des fortunes pour que vous me donniez des résultats, pas des suppositions vagues !
Je frappe la table du plat de la main. Tout le monde sursaute.
— Cette fille... Elle est à moi. Elle ne devrait jamais avoir quitté cette chambre. Vous réalisez ce que ça implique ?
Un autre technicien, plus jeune, se lève précipitamment, espérant calmer ma colère.
— Monsieur Ricci, nous avons synchronisé les systèmes de reconnaissance faciale de la police avec les caméras de la ville entière. Le logiciel est programmé pour détecter le visage d’Alaya dès qu’il apparaît, dans n’importe quel lieu public. Dès qu’elle entre dans une gare, une station de bus, une pharmacie, même un supermarché... nous la repérerons.
Je me détourne légèrement, fixe l’immense carte de la ville projetée sur l’écran. Chaque secteur, chaque artère, chaque point de sortie est surveillé. Elle ne peut pas s’échapper. Pas de cette ville. Pas de mon emprise.
— Bien..., dis-je, d’une voix redevenue plus calme mais toujours vibrante de tension. Utilisez toutes les ressources nécessaires. Si vous devez pirater les satellites privés, faites-le. Appelez les hommes à Vérone, Florence et Milan. Faites circuler sa photo. Et mettez une prime sur sa tête.
Je me retourne, les regardant un à un.
— Elle ne va pas loin. Je veux qu’on me prévienne dès qu’elle respire hors de l’ombre. Et si un seul d’entre vous me fait perdre encore une minute… je vous jure que vous ne respirerez plus.
Ils acquiescent tous rapidement, blêmes.
Je sors de la salle de surveillance, la mâchoire crispée, les poings serrés. La pensée d’Alaya me hante. Ce regard de défi. Ce corps frêle mais indomptable. Et maintenant, elle est là-dehors, à se croire libre. Elle s’imagine qu’elle peut m’échapper.
Elle se trompe.
Je suis Santino Ricci.
Et ce que je désire, je l’obtiens. Toujours.
LE POINT DE VUE D'ALAYA
J’avais les mains moites en franchissant la porte vitrée de la bijouterie. L’intérieur brillait comme un palais de verre et d’or. Le genre d’endroit que je regardais de loin, d’habitude. Le genre d’endroit où je n’avais jamais mis les pieds autrement qu’en rêve.
Mes yeux parcouraient la pièce, fascinés. Des vitrines illuminées, des colliers étincelants, des bagues enfermées sous verre comme des trésors de reine… Et surtout, des caméras. Des dizaines. Installées dans chaque angle. Mon cœur se serra. je n’avais pas le choix. C’était ça, ou errer encore sans rien manger, sans savoir où aller, sans un sou pour prendre un bus. Et puis, ces boucles d’oreilles…
Je les retirai doucement, comme si elles pouvaient se briser. Je les avais portées lors du mariage, et malgré tout ce que j’avais traversé, elles étaient restées là, accrochées à moi, intactes. Les voleurs de la ruelle n’y avaient pas prêté attention. Eux, ils n’avaient vu que le sac. Eux, ils ne savaient pas que j’avais encore une dernière carte à jouer.
Je m’avançai jusqu’au comptoir. Une femme bien apprêtée me jeta un regard poli, quoique un peu suspicieux.
— Bonjour, mademoiselle, dit-elle d’un ton professionnel. Je peux vous aider ?
Je déposai les boucles d’oreilles sur le comptoir, essayant de ne pas paraître nerveuse.
— Je… j’aimerais les vendre.
Elle les prit avec précaution, comme si elle savait qu’elle tenait quelque chose de précieux. Ses yeux s’élargirent légèrement en les observant sous une petite loupe.
— Ces pièces sont sublimes… Vous les avez depuis longtemps ?
Je haussai les épaules.
— C’était un… cadeau de famille.
Mensonge. Mais je ne pouvais pas dire que c’était un souvenir de mon propre mariage forcé avec le diable.
Elle hocha la tête, puis tapota sur son clavier, lançant une recherche. Pendant ce temps, je laissai mon regard se perdre à nouveau dans la boutique. Chaque coin de ce lieu respirait le luxe et la réussite. Je me demandais à quoi ressemblerait ma vie si j’étais propriétaire d’un endroit pareil. Peut-être que les gens me respecteraient. Peut-être que je pourrais enfin respirer sans avoir peur. Peut-être que je serais libre.
— Mademoiselle ? me dit la caissière, me ramenant brutalement sur terre.
Je clignai des yeux, confuse.
— Oui ?
— Le prix de rachat que nous pouvons vous proposer est de 4 500 euros.
Je n’osais pas parler. Mon cœur battait fort. C’était beaucoup plus que ce que la vieille dame m’avait donné. Bien plus. Je n’avais même pas prévu de négocier. À quoi bon ? Je hochai juste la tête.
— D’accord, répondis-je, la voix tremblante.
La femme me lança un regard intrigué, sans commenter. Elle s’éloigna pour préparer le paiement. Moi, je restai là, debout, dans cette bijouterie pleine de lumière et d’opulence, serrant les poings pour ne pas pleurer. J’avais l’impression d’avoir gagné une bataille. Pas la guerre, non. Mais une bataille.
Je soufflai longuement. Peut-être que tout espoir n’était pas encore perdu.
Chapitre 99LE POINT DE VUE D'ELIASJe reposais contre l’oreiller, encore faible, les bras branchés à des perfusions, une douleur sourde me traversant l’abdomen à chaque respiration. Pourtant, malgré cette souffrance, il y avait une chaleur dans ma poitrine : Alaya, assise juste à côté de moi, me tenait la main, comme si elle refusait de me lâcher, comme si sa présence seule me gardait en vie.La porte s’ouvrit et Malick entra avec Amenda. Je levai difficilement les yeux vers eux.— Mon grand, comment tu te sens ? demanda Malick d’une voix grave mais adoucie.Un petit sourire se dessina sur mes lèvres malgré tout.— J’ai connu mieux…Malick éclata de rire, puis lança :— Franchement, c’est la plus belle lune de miel de tous les temps entre toi et Alaya !Je me surpris à rire aussi, même si chaque vibration de ma poitrine me rappelait que mon corps était encore meurtri. Amenda aussi riait doucement, et même Alaya esquissa un sourire timide, malgré les larmes encore fraîches qui marquai
Chapitre 98LE POINT DE D'ALAYATout s’est passé si vite. La police est entrée dans la pièce comme un éclair. Les hommes ont crié des ordres, et j’ai vu Santino, toujours debout, le regard fou de rage, se faire menotter. Je n’arrivais pas à y croire. Il lisait ses droits, et il était enfin hors d’état de nuire. Mon corps entier tremblait de soulagement et de peur mêlées.Malick s’est précipité vers moi et a commencé à desserrer les cordes qui retenaient mes bras. Une fois les liens tombés, je me suis précipitée vers Elias, mes jambes me portant malgré l’épuisement et la peur.— Tiens bon, mon amour ! Tiens bon ! ai-je crié, ma voix tremblante, brisée par l’angoisse.Mais en le voyant, mon cœur s’est arrêté. Il se vidait de son sang si rapidement… sa peau était pâle, ses lèvres bleuies, et ses yeux me cherchaient, lourds et fatigués. J’avais peur, une peur viscérale, profonde, que je n’avais jamais ressentie.— Elias… oh mon dieu… ne me laisse pas… reste avec moi…Il m’a souri faibleme
Chapitre 97LE POINT DE VUE D'ELIASJe crus que mon cœur allait s’arrêter.Un cri rauque m’avait échappé un cri d’homme arraché à ses entrailles. Je n’osais pas rouvrir les yeux. Si je les ouvrais… je la verrais gisant à terre.Mais alors, un autre bruit m’a ramené. Pas son corps qui tombe. Pas son souffle qui s’éteint. Non… des rafales. Des coups de feu. Les balles pleuvaient autour de nous, sifflant dans l’air, ricochant sur les murs. Et comme par miracle, j’ai osé rouvrir les yeux.— Alaya !Elle était toujours là. Debout. Vivante. Haletante, tremblante, mais debout. Mon souffle s’est brisé. J’ai cru voir un ange arraché à la mort.Puis mon regard s’est tourné. Et ce que j’ai vu m’a glacé. Les hommes de Santino… s’effondraient un à un, transpercés par les balles venues d’ailleurs. Quelqu’un nous couvrait, quelqu’un d’invisible dans l’ombre. Ce n’était pas Santino qui avait tiré sur elle. Non. Ce démon avait eu l’intention, mais le destin avait brouillé son jeu.Alors, dans un derni
Chapitre 96LE POINT DE VUE D'ELIASLa douleur me vrillait les entrailles. Chaque coup de Santino était comme une explosion dans mon corps. Le goût métallique du sang emplissait ma bouche, et je crachai un filet rouge sur le sol poussiéreux. Mes jambes pliaient, mais je me forçais à tenir, à rester debout. Il ne devait pas voir ma faiblesse.Je relevai mes yeux vers lui, vers cet homme que je croyais mort. Santino… debout, vivant, un sourire cruel accroché aux lèvres. J’avais vu son corps. Je l’avais vu descendre en terre. J’avais assisté à l’enterrement. Et pourtant… il était là.— Comment… comment c’est possible ? soufflai-je d’une voix brisée par la douleur. Nous t’avons enterré. J’ai vu ton corps.Santino éclata d’un rire sec, tranchant, qui résonna comme une gifle.— Merde… Elias, j’ai juste hâte de voir la tête d’Alaya quand elle se réveillera. Putain, pourquoi elle s’est évanouie, hein ? J’aurais voulu qu’elle profite du spectacle.Mon cœur se serra. Alaya… Je priai intérieurem
Chapitre 95LE POINT DE VUE DE D'ALAYA Je n’avais jamais ressenti une douleur pareille. Chaque coup de fouet s’abattait sur ma peau comme une lame brûlante, arrachant un cri que je ne pouvais retenir. Mon dos me brûlait, mes larmes se mêlaient à la sueur qui inondait mon visage, et mes poignets liés derrière moi me faisaient atrocement mal à force de tirer, de résister, de vouloir me libérer.— Aaaah !… s’il vous plaît… arrêtez !Ma voix était étranglée, déchirée, presque méconnaissable. Mais rien n’y faisait. Le bruit sec du cuir fendait encore l’air avant de frapper ma chair, me volant à chaque fois un peu de souffle, un peu de force, un peu d’espoir.Dans ma tête, une seule pensée tournait en boucle : mon bébé. J’avais peur qu’avec chaque coup, chaque secousse, je perde cette vie fragile qui grandissait en moi. Je serrais les dents, je priais en silence, je suppliais Dieu, le ciel, n’importe qui d’épargner mon enfant, même si moi je devais mourir ici.Je n’arrivais plus à sentir o
Chapitre 94LE POINT DE VUE D'ELIASJe me réveillai en sursaut, le souffle coupé, la gorge sèche. Tout était confus, douloureux. Une brûlure intense me vrillait la nuque et mes poignets me lançaient atrocement. Je sentais mes mains suspendues au-dessus de ma tête, liées par une corde épaisse qui me sciait la peau. Mes pieds touchaient presque le sol, oscillant à peine, comme un pantin désarticulé.Un sac noir étouffait ma vision, collé à mon visage, et je peinais à respirer. Un souvenir brutal me frappa : le camion, l’impact violent, le cri d’Alaya, puis le néant. Mon cœur s’emballa. Non… ce n’était pas un accident. C’était un piège, une attaque préméditée. Et il n’y avait qu’un seul enfoiré assez lâche et cruel pour m’infliger ça : Luca.La panique monta d’un coup. Mon premier réflexe fut de secouer ma tête, frénétiquement, pour essayer de faire tomber ce sac. Je me balançai, cognant mon corps contre les chaînes qui grinçaient dans l’air moite. Mais rien. J’étais coincé. Prisonnier.