Chapitre 6: Lueur d'espoir
LE POINT DE D'ALAYA
Une douce lumière filtrait à travers les fentes de la vieille fenêtre, caressant mon visage encore marqué par la fatigue. Je m’étais à peine endormie, secouée par la peur d’être retrouvée, et tiraillée entre l’inconnu de demain et la violence d’hier. Je n’étais pas encore sortie de ce cauchemar, mais au moins, je respirais encore.
J’étais toujours assise dans ce lit grinçant, recouverte d’une vieille couverture qui sentait la lavande et le bois humide. Le silence était seulement troublé par le craquement du plancher quand la vieille femme entra. Elle portait un plateau avec du pain sec et une tasse fumante. Ses gestes étaient lents mais pleins de bonté.
— J’ai quelque chose pour toi, dit-elle d’une voix rauque, adoucie par un sourire sincère. Ce sont les vêtements de ma fille… Ils devraient t’aller.
Elle déposa sur le bord du lit une robe soigneusement pliée. Je tendis les mains, curieuse, un peu nerveuse. Mes doigts effleurèrent le tissu : une robe en coton bleu nuit, à manches longues, simple mais élégante. Elle portait une odeur familière, presque réconfortante. Il y avait aussi une ceinture en cuir souple, un petit gilet en laine gris, et des chaussures plates usées mais solides.
— Merci… vraiment, murmurai-je en relevant les yeux vers elle.
Elle détourna le regard, gênée par ma gratitude. Peut-être voulait-elle que je parte vite, ou bien ne supportait-elle pas de s’attacher à quelqu’un de passage.
Je me levai, le sol froid sous mes pieds nus, puis me déshabillai lentement. Ma robe de mariée... ou du moins, ce qu’il en restait… était froissée, sale, et portait encore les traces de ma fuite. J’en avais honte. Ce vêtement qui devait symboliser une union sacrée n’était plus qu’un tissu souillé par la peur et la désillusion. Je l’enroulai sur elle-même et le posai dans un coin de la pièce.
En enfilant la nouvelle robe, je me sentis un peu moins vulnérable. Elle m’allait étonnamment bien. Pas trop serrée, pas trop large. La ceinture soulignait ma taille et le tissu retombait juste au-dessus de mes chevilles. Je mis les chaussures, les lacets râpés me rappelant que tout cela n’était que temporaire, mais précieux.
Je me retournai vers la vieille pour lui faire mes adieux quand elle s’abaissa devant une vieille malle en bois. Elle fouilla quelques secondes, puis en ressortit une boîte en fer cabossée. Elle l’ouvrit et me tendit une liasse de quelques billets.
— Tiens, dit-elle, en me les mettant dans la main. Tu en auras besoin. C’est pas grand-chose, mais… de quoi manger et prendre un bus. Tu peux pas continuer à marcher comme ça.
Je la regardai, bouche bée. Ce geste me serra la gorge. Je n’étais rien pour elle. Elle aurait pu me dénoncer, ou pire, mais à la place… elle m’offrait un espoir.
— Je ne sais pas quoi dire… Vous… vous avez déjà fait tellement pour moi.
Je rangeai les billets dans un vieux sac à main qu’elle m’avait aussi donné la veille. Il était brun, un peu éraflé, mais solide. Je pris une grande inspiration. Le froid du matin piquait mes joues, et le vent s’engouffrait déjà par la porte entrouverte.
— Bonne chance, ma fille. Que Dieu veille sur toi. Si c’était pas pour ces foutues conditions, je t’aurais gardée encore un peu. Mais j’ai déjà deux petits-enfants à nourrir. Et les voisins sont trop curieux…
— Je comprends. Et je vous remercie. De tout mon cœur.
Elle posa une main calleuse sur mon épaule. Un simple geste, mais il valait plus qu’un discours. Je baissai les yeux une dernière fois, puis sortis dans la rue, le sac sur l’épaule, le cœur lourd et les jambes tremblantes.
Je n’avais aucune idée d’où j’allais.
Je marche sans but, le cœur battant, les idées embrouillées. Chaque pas me semble incertain. Où vais-je ? Je n’en ai aucune idée. Tout ce que je sais, c’est que je dois m’éloigner, fuir le plus loin possible de cette ville, de Santino… de tout.
« Si je vais chez maman… il finira par me retrouver là-bas aussi. »
Je soupire profondément. Non, impossible. Il faut que je parte ailleurs. N’importe où. Juste… loin. Loin de lui, loin de cette vie qu’on veut m’imposer. Je n’ai même pas de destination précise, mais je suis décidée. Dès que je trouve une gare, j’achèterai un ticket, peu importe pour où. Et une fois là-bas… je chercherai un travail. Je n’ai pas le choix.
Je continue de marcher, pressant le pas. Le vent matinal est encore frais, et je resserre instinctivement ma veste trop grande autour de moi. C’était celle de la fille de la vieille dame. Une veste beige en laine bouclée, un peu élimée aux manches, mais chaude. Je serre aussi très fort le petit sac en bandoulière qui contient les billets qu’elle m’a donnés. C’est tout ce que j’ai. Mon seul espoir.
Je tourne dans une ruelle, pensant couper vers la grande avenue. Elle est un peu sombre, étroite, mais je n’ai pas envie de faire de détours. L’odeur de l’humidité se mêle soudain à celle, plus forte, plus âcre, d’herbe brûlée.
Ils sont trois. Trois hommes, adossés au mur, en train de fumer, visiblement défoncés. L’un d’eux rigole bruyamment, l’autre a les yeux rouges comme la braise, et le troisième me fixe dès que j’apparais.
Mon cœur rate un battement. Je baisse les yeux, je serre mon sac contre moi.
« Garde la tête baissée… Marche vite… Ne dis rien… »
Mais il est trop tard. Le troisième gars s’écarte du mur.
— Hé, beauté… T’as pas peur de te balader toute seule dans ce coin ? dit-il avec un sourire tordu.
Je ne réponds pas. Je tente d’accélérer, mais ma jambe blessée me lance violemment. Le bandage, déjà humide et sale, colle à ma peau et me brûle.
Je grimace. Mon pas ralentit malgré moi.
— Attends ! continue-t-il en s’approchant. Tu vas où comme ça ? T’as pas l’air d’ici.
Les deux autres me regardent maintenant aussi. Ils s’avancent lentement. Je recule d’un pas, les doigts crispés sur la lanière de mon sac.
— J’ai rien pour vous, murmuré-je. Laissez-moi tranquille.
— Ah ouais ? Pourtant t’as un joli petit sac, là… Il doit bien y avoir quelque chose d’intéressant dedans.
— Non ! Ce n’est que… que des affaires personnelles. Laissez-moi, s’il vous plaît.
Je sens la panique monter. Mes mains tremblent. J’essaie de contourner l’un d’eux, mais il me bloque. Puis, tout va très vite.
— File-lui un coup, dit l’un d’eux à l’autre. Elle fait trop la maligne.
Je tente de m’enfuir, mais ma jambe me lâche. Je trébuche et tombe à genoux. Ils en profitent. Un des gars m’arrache brutalement le sac.
— NON ! hurle-je en me relevant avec peine. Rendez-moi ça ! Rendez-le-moi !
Ils rient. Des rires secs, moqueurs, cruels.
— Merci, princesse. Bon voyage, hein !
Et ils s’en vont, en courant presque, riant toujours, me laissant là, vidée, humiliée, perdue.
Je reste debout un instant, figée. Puis je m’effondre.
Les larmes coulent sans que je puisse les retenir. C’est trop. Beaucoup trop.
— Non… non, non, non… pas ça… je souffle entre deux sanglots. C’était tout ce que j’avais…
Je me couvre le visage de mes mains. Ma respiration est courte. Je me sens vide, impuissante, désespérée.
Je n’ai plus rien. Plus un sou. Même pas de quoi prendre un bus pour m’enfuir. Tout s’écroule.
— Et maintenant ? Qu’est-ce que je vais faire ? Je peux même plus fuir… Je suis coincée…
Je reste là un long moment, seule dans la ruelle sale, les vêtements sales et le cœur en miettes, à pleurer sur le peu d’espoir qu’il me restait.
Chapitre 12 : La maison du silenceDu point de vue d’AlayaCe manoir est magnifique… et pourtant, jamais je ne me suis sentie aussi étrangère quelque part.Le silence qui y règne n’est pas celui du repos, ni même du respect. C’est un silence tendu, glacial, suspendu. Un silence de prison.Chaque couloir semble m’observer. Chaque pièce me juge. Tout ici est trop propre, trop parfait. Le marbre des escaliers est si poli que j’y vois mon reflet, mais il ne me ressemble pas.Les murs sont habillés de tableaux anciens, de dorures, de souvenirs qui ne m’appartiennent pas.Je suis une étrangère dans cette cage dorée.Depuis mon arrivée, je sens leurs regards. Invisibles, mais constants. Quelqu’un, quelque part, m’observe.Je l’ai compris très vite : rien ici n’est laissé au hasard.J’ai découvert les caméras dissimulées dans les angles des murs, les plafonds, parfois même derrière les plantes. Certaines ont ce petit clignotement rouge à peine visible… comme si elles me faisaient un clin d’œi
Chapitre 11 : La Menace LE POINT DE VUE D'alaya Quand on est arrivés à la maison, ses hommes m’ont fait descendre avec respect, mais fermeté. Santino ouvrait la marche, tel un roi froid, impassible, comme si je n’étais qu’une ombre derrière lui. Il ne m’a même pas adressé un regard.Je suis entrée, les pieds traînants, le cœur encore embourbé dans l’angoisse que j’avais ressentie en cellule. Même maintenant que j’étais libre, je ne me sentais pas délivrée. J’avais l’impression d’être passée d’une cage à une prison plus vaste, plus luxueuse, mais tout aussi étouffante.La maison était calme. Trop calme. Je reconnaissais chaque coin, chaque recoin, et pourtant j’avais l’impression d’être une étrangère dans un lieu qui me connaissait trop bien.— Alaya ? appela une voix douce.Je levai la tête. C’était Marisa. Elle s’approchait de moi avec cette bienveillance dans les yeux que je n’avais vue que chez très peu de gens ici.Elle me prit la main et me guida jusqu’au petit salon privé où
Chapitre 10 : Le jour où j’ai compris qu’on ne s’échappe pas de l’ombre d’un homme comme luiLE POINT DE VUE D'ALAYA Je suis restée silencieuse sur le siège arrière de la voiture, figée comme une statue, les doigts crispés sur le cuir froid. Santino était juste à côté de moi, mais il ne disait rien. Rien du tout. Il fixait la route devant lui, le regard impassible, les traits parfaitement figés comme sculptés dans le marbre. Ce silence… ce foutu silence me glaçait le sang plus que s’il m’avait hurlé dessus. Il était calme. Trop calme. Et je savais que ce calme-là, chez lui, annonçait toujours une tempête. Une vraie.Je l’ai observé discrètement du coin de l’œil, priant presque pour qu’il dise quelque chose, même une insulte. Mais non. Il restait muet, le visage dur, fermé. J’avais l’impression qu’il ne respirait même plus. C’est à ce moment-là que j’ai compris qu’il ne voulait pas discuter. Il allait attendre qu’on soit à la maison. Et là… là, il allait exploser. Il allait me faire p
Chapitre 9 : La prison doréeDu point de vue d'AlayaJe n'arrivais toujours pas à croire ce qui m'arrivait. J’étais là, assise à l’arrière d’un véhicule de police, les poignets encore engourdis par les menottes qu’ils venaient de me retirer. J’avais les yeux rivés sur la vitre, regardant les rues défiler à toute vitesse, comme si chaque seconde m’emportait plus loin de ma liberté. Mon cœur battait si fort que je l’entendais cogner dans mes oreilles. Je n’avais rien fait. Rien. Pourquoi est-ce que tout semblait toujours s’effondrer autour de moi au moment même où j’avais enfin un peu d’espoir ?Quand on est arrivés devant le poste de police, une bâtisse grise, austère, presque étouffante, j’ai ressenti un frisson me parcourir l’échine. L’endroit dégageait une froideur qui m’a glacée jusqu’à l’os. Deux policiers m’ont fait descendre. Je voulais parler, leur expliquer, mais l’un d’eux m’a fait signe de me taire d’un geste sec.Ils ont échangé quelques mots en italien. Des murmures. Des r
Chapitre 8: La reconnaissance facialePOINT DE VUE DE SANTINO RICCI— « Monsieur Ricci ! »La voix haletante du jeune informaticien coupa net le silence tendu qui régnait dans la salle de surveillance. Santino releva lentement la tête de ses pensées, assis en bout de table, ses doigts tapotant nerveusement l’accoudoir du fauteuil en cuir noir. Il n’avait pas dormi depuis deux jours. Deux jours depuis qu’Alaya avait disparu. Deux jours à fouiller toute l’Italie, à menacer, corrompre, soudoyer. Deux jours de frustration. Mais maintenant, l’impossible semblait s’effriter.— « On vient de la localiser. Reconnaissance faciale positive. Elle est entrée dans une bijouterie haut de gamme dans le centre-ville de Parme. »Le regard de Santino s’enflamma. Un éclair de satisfaction traversa ses yeux sombres. Il se leva d’un bond, jetant violemment sa chaise contre le mur.— « Il était temps, cazzo ! Je vous paie des fortunes pour que vous me rameniez des résultats, pas des suppositions à la con !
Chapitre 7 : Chasse à la louveLE POINT DE VUE DE SANTINO RICCI Le cuir noir de mon fauteuil grince sous mon poids alors que je me redresse brusquement. La salle est plongée dans une lumière tamisée, seules les lueurs bleutées des écrans de surveillance découpent les visages crispés des techniciens réunis devant moi. Ils ont peur. Et ils ont bien raison.— Alors ? demandai-je d’une voix froide, glaçante. Où est-elle ?Un silence pesant, lourd comme du plomb, me répondit. Puis un homme au crâne dégarnie, lunettes épaisses sur le nez, se racle la gorge.— Monsieur Ricci... Nous avons pu suivre mademoiselle Alaya depuis le quartier Est, juste après son évasion. Elle a été repérée par une caméra municipale à 17h16... elle marchait rapidement, pieds nus, et portait encore sa robe blanche. Elle a tourné dans une ruelle puis...Il s’arrêta. Mes doigts pianotent nerveusement sur l’accoudoir. Je sens la colère bouillonner dans mes veines.— Continuez, ordonnai-je d’un ton sec.— ... Puis elle