Le soir de la fête, l’appartement brillait de mille petites touches élégantes : des guirlandes lumineuses discrètes, des bougies alignées sur la console, une douce musique d’ambiance flottant entre les conversations naissantes. On sentait dans l’air une certaine solennité, comme si quelque chose d’important était sur le point d’arriver.
Thomas virevoltait d’un coin à l’autre de la pièce, visiblement au comble de l’excitation. Il portait un costume flambant neuf, bien coupé, couleur bleu nuit, qui mettait en valeur sa silhouette élancée. Sur le porte-manteau de l’entrée, un autre costume, tout aussi neuf, attendait celui d’Ethan.
Léa, elle, se tenait près du miroir du couloir, ajustant une robe noire qu’elle n’avait plus portée depuis une soirée lointaine. Une coupe sobre, légèrement évasée au niveau des hanches, qui épousait son corps sans exubérance. Elle n’avait rien dit sur l’oubli de Thomas pas un mot sur cette absence de geste, ce manque d’attention si criant. Mais elle l’avait senti. Fort. Et elle l’avait avalé en silence.
Un soupir lui échappa alors qu’elle fixait son reflet. Elle était belle. Même sans robe neuve, elle dégageait une grâce discrète. Pourtant, quelque chose clochait. Elle n’arrivait pas à s’imaginer à sa place, ici, ce soir.
— Léa ! appela Thomas depuis le salon. Viens, tout le monde commence à arriver !
Elle inspira profondément, esquissa un sourire dans la glace, et sortit de l’ombre du couloir.
Les invités arrivaient petit à petit, apportant avec eux une énergie vibrante et effervescente. Des éclats de rire résonnaient déjà dans l’appartement, des verres tintaient doucement, et l’air se remplissait du parfum subtil des plats soigneusement préparés. Léa, debout près de la table garnie, saluait les visages certains familiers, d’autres totalement inconnus avec un sourire poli.
Chaque minute qui passait accentuait son trouble. Elle imaginait mille versions de lui : l’homme libre et audacieux des récits de Thomas, le frère imprévisible qu’on admirait sans jamais vraiment comprendre, le charmeur que les femmes poursuivaient, le battant qui s’était forgé seul. Était-il aussi fascinant que tout le monde le disait, ou seulement un souvenir enjolivé par la nostalgie ?
La soirée battait déjà son plein. Les rires fusaient, les conversations s’entremêlaient dans une joyeuse cacophonie, portées par une musique douce qui enveloppait la pièce comme un voile. Léa, légèrement en retrait, observait. Elle se sentait déconnectée, comme une spectatrice silencieuse d’un film dont elle ne tenait pas le premier rôle.
Soudain, elle aperçut Thomas s’éclipser vers le couloir, son téléphone collé à l’oreille. Elle fronça légèrement les sourcils et tendit l’oreille, tout en restant à sa place.
— Ethan, tu ne vas pas me jouer un sale coup, tu dois vite arriver à la maison, tout le monde t’attend, dit-il d’une voix basse mais tendue.
Un silence de quelques secondes.
— Tout le monde ? rétorqua une voix grave à l’autre bout du fil. Qu’est-ce que tu es en train de fabriquer, Thomas ?
— Je ne fabrique rien ! Le dîner est prêt et on n’attend plus que toi, insista Thomas, un brin agacé.
Puis, sans laisser à son frère le temps de répondre davantage, il raccrocha brusquement.
Il revint vers le salon, le visage crispé d’un sourire nerveux. Son oncle Gérard l’accueillit avec une tape sur l’épaule, devinant immédiatement la source de son trouble.
— J’espère qu’il tiendra sa parole… Je ne veux pas qu’il me joue un sale coup, grogna Thomas à voix basse.
Gérard esquissa un sourire bienveillant.
— Ton jumeau est agaçant, c’est vrai. Mais c’est un homme de parole. Arrête de t’inquiéter pour rien, Thomas. Il viendra.
Thomas hocha la tête sans grande conviction, mais son regard ne quittait plus la porte d’entrée. Léa l’observait de loin, le cœur serré. Ce soir, elle n’avait jamais eu autant conscience d’être une étrangère dans cette histoire qui ne tournait pas autour d’elle.
C’est alors qu’une porte s’ouvrit, dans un souffle presque théâtral, et que Nathan entra dans la pièce.
Il était impossible de le manquer.
Sa silhouette élancée se découpait dans l’encadrement comme celle d’un héros revenu d’un long périple. Il portait une chemise bleu nuit, légèrement ouverte au col, qui laissait deviner un torse athlétique et bronzé. Ses épaules larges imposaient naturellement le respect, mais ce fut surtout son sourire éclatant, désinvolte, comme s’il n’avait jamais douté d’être le centre de l’attention qui électrisa la pièce.
Lorsque Thomas l’aperçut à l’entrée, il traversa la foule d’un pas rapide, son visage illuminé par un sourire sincère, presque enfantin. Il se précipita vers lui et l’enlaça chaleureusement, sans se soucier des regards autour.
— J’avais cru que tu allais me faire un mauvais coup, souffla-t-il en le serrant plus fort que nécessaire.
Nathan rit doucement, son bras autour des épaules de son frère.
— Tu m’exposes là, Thomas... Pourquoi tu ne m’as pas dit que tu avais organisé une fête pour mon retour ? Si j’avais su, j’aurais au moins pris la peine de m’acheter un habit décent.
Thomas recula d’un pas pour mieux le regarder, un éclat amusé dans les yeux.
— Je sais que tu aimes les surprises. Alors je nous ai acheté des costumes identiques… Évidemment, tu arrives trop tard pour le porter.
Nathan secoua la tête, amusé.
— Ah ! J’avais oublié à quel point tu aimes jouer ton rôle à la perfection. Tu ne changes pas.
À cet instant, un raclement de gorge les interrompit. Leur oncle Gérard, grand et droit malgré les années, se tenait derrière eux avec un sourire contenu. Nathan le remarqua aussitôt. Son visage s’illumina d’un éclat sincère.— Tonton Gérard !Il se jeta littéralement dans ses bras, oubliant un instant son image de baroudeur détaché. Les retrouvailles furent bruyantes et touchantes. Une tendresse palpable passa entre les deux hommes.Très vite, ses tantes, ses cousins et cousines accoururent à leur tour, leurs voix se mêlant en un concert joyeux.— Mon Dieu, regarde-moi ce grand garçon !— Tu as encore grandi !— Et plus beau que ton frère jumeau, qui l’eût cru ?— Je reconnaîtrais ce sourire insolent entre mille !Les accolades s’enchaînèrent, les rires aussi. Certains lui prirent les joues, d’autres lui tapotèrent le dos. Nathan, tout à son aise, embrassait chacun avec une aisance fluide. Il semblait glisser dans ces retrouvailles comme un poisson dans l’eau, rattrapant sans effort
Le soir de la fête, l’appartement brillait de mille petites touches élégantes : des guirlandes lumineuses discrètes, des bougies alignées sur la console, une douce musique d’ambiance flottant entre les conversations naissantes. On sentait dans l’air une certaine solennité, comme si quelque chose d’important était sur le point d’arriver.Thomas virevoltait d’un coin à l’autre de la pièce, visiblement au comble de l’excitation. Il portait un costume flambant neuf, bien coupé, couleur bleu nuit, qui mettait en valeur sa silhouette élancée. Sur le porte-manteau de l’entrée, un autre costume, tout aussi neuf, attendait celui d’Ethan.Léa, elle, se tenait près du miroir du couloir, ajustant une robe noire qu’elle n’avait plus portée depuis une soirée lointaine. Une coupe sobre, légèrement évasée au niveau des hanches, qui épousait son corps sans exubérance. Elle n’avait rien dit sur l’oubli de Thomas pas un mot sur cette absence de geste, ce manque d’attention si criant. Mais elle l’avait s
Le matin, Léa fut réveillée par une voix qu’elle n’avait pas entendue depuis longtemps : celle de Thomas, joyeuse, presque euphorique.Il était sur le balcon, téléphone à l’oreille, riant, s’exclamant, parlant vite, animé.Elle resta un instant allongée, figée, les yeux ouverts, écoutant sans bouger. Ce rire-là, elle ne l’entendait plus chez lui.Et certainement pas avec elle.Elle se leva lentement, traversa la chambre dans un silence calculé, et se dirigea vers la salle de bain. L’eau froide du robinet la ramena à elle, comme un électrochoc. Elle se regarda dans le miroir, observa les traces d’une nuit sans repos, ses yeux gonflés et cernés. Elle remit un peu d’ordre dans ses cheveux, attacha rapidement une queue-de-cheval, puis sortit.Thomas était toujours au téléphone.Toujours aussi joyeux.Toujours aussi absent.Elle ne chercha pas à l’interrompre. Il ne l’aurait pas vue.Elle entra dans la cuisine, se fit un thé, lentement, machinalement. Elle prit une gorgée, puis se dirigea
La journée passa dans un flou de réunions et de tâches répétitives. Léa s’efforçait de se concentrer sur ses projets, sur les lignes droites et les courbes qu’elle traçait, sur les plans qu’elle ajustait au millimètre… mais son esprit vagabondait inlassablement. Il s’échappait dès qu’elle relâchait sa vigilance, la projetant dans des paysages inconnus, des villes vibrantes, pleines de vie, où elle pourrait se perdre et renaître. Elle rêvait d’errances dans les ruelles d’une ville étrangère, du goût de l’inconnu, de la chaleur d’un regard nouveau. Elle rêvait de liberté, d’un souffle frais qui balayerait la monotonie devenue étouffante.À mesure que les heures s’écoulaient, elle se sentait s’éloigner d’elle-même. L’écran devant elle n’était qu’un mur opaque, et derrière, se dessinaient les contours flous d’une femme fatiguée de lutter contre une vie trop étroite.Lorsque la fin de la journée arriva, Léa était épuisée. Mais ce n’était pas une fatigue physique. C’était plus profond. Un é
Après avoir englouti une dernière bouchée de tartine, Thomas se leva sans un mot de plus. Il ajusta les manches de sa chemise, attrapa machinalement sa veste sur le dossier de la chaise, puis s’approcha de Léa.Il déposa un baiser rapide sur son front, presque machinal. Un geste devenu routinier, vidé de son sens.— À ce soir, murmura-t-il.Léa ne répondit pas. Elle ferma les yeux un instant, savourant malgré elle la tiédeur fugace de ce contact, en se demandant depuis quand ce baiser ne lui faisait plus rien.La porte d’entrée se referma dans un cliquetis discret, et le silence retomba.Elle resta là, seule à la table, les mains autour de sa tasse désormais tiède. L’odeur du café flottait encore dans l’air, mais elle lui paraissait étrangère.Tout dans cet appartement semblait rangé, propre, organisé… sauf son cœur.Léa se prépara pour la journée. Elle se regarda dans le miroir de la salle de bain, scrutant le reflet qui lui faisait face. Son visage gardait une douceur familière, mai
Le doux chant du matin se mêlait aux premiers rayons de soleil qui filtraient à travers les rideaux légers de l’appartement de Léa. Un filet de lumière caressait les draps blancs, réchauffant l’air encore frais de l’aube. Léa émergea lentement de son sommeil, ses paupières encore lourdes de rêves flous et fuyants. La chambre, décorée de manière minimaliste, reflétait son goût pour la simplicité : des murs blancs, une étagère remplie de livres d’architecture soigneusement classés, et une plante verte, unique touche de vie, qui semblait étrangement prospérer malgré le peu de lumière.À ses côtés, Thomas, son fiancé, dormait paisiblement. Son torse se soulevait à un rythme régulier, presque hypnotique. Léa le contempla un instant. Ses traits détendus auraient pu l’émouvoir, autrefois. Maintenant, elle ne ressentait plus grand-chose. Ou plutôt, elle ressentait trop, mais rien de ce qu'elle aurait souhaité : de la lassitude, un sentiment d’étouffement diffus, une mélancolie silencieuse. El