BibiBar. Il faisait nuit. Le troquet sur le toit était plein à craquer.Des filles en mini-jupe ou en robe du soir dansaient entres elles en regardant d’un œil enflammé les grappes de mecs qui buvaient leur verre d’un œil vicieux sur ce que pourrait être le reste de leur nuit.Sur l’estrade, Old Boy faisait monter la pression avec son jazz vieux d’un siècle, mais ça marchait.Plusieurs planches supplémentaires avaient été installées pour gérer l’afflux nocturne entre les échafaudages et l’entrée du bar.Ça n’empêchait pas quelques gorets bourrés à mort de basculer dans le vide.Les plus chanceux s’écroulaient un ou deux étages en dessous en faisant rire tout le monde, un bras ou une jambe de cassé tout au plus, les malchanceux visitaient les neuf étages qui les séparaient du vieux bitume de l’ancien monde sans jamais se relever.Blon
—si, si…Stan avait oublié ce qu’il voulait dire.Il ouvrit les yeux, une moitié encore perdue dans les limbes brumeuses de son rêve d’un Paris déchu faisant la fête au BibiBar avec des OVNI ; et l’autre moitié prenant conscience de la réalité de ce lundi matin.Il était dix heures passées.Sa chambre était vaste, la double porte-fenêtre sans rideaux donnait sur une terrasse. Encore en caleçon et en tee-shirt, il s’y rendit. Il faisait frais. Partout, des bois aux feuilles toutes jaunes s’étalaient en collines autour de lui.A un ou deux kilomètres d’ici, un clocher indiquait la position d’un village.Dans le jardin de la villa, un homme en costume noir armé d’une Kalachnikov passa en longeant la piscine vide, surveillant les alentours. Il lui lança un bonjour de la tête.
Ida Kalda arriva au Bureau 09 le lundi vers 10 heures. Ça faisait vingt neuf heures qu’elle n’avait pas dormi ni changé de fringues. Elle passa rapidement à son appartement prendre une douche et enfiler des affaires qui sentaient le frais avant de rejoindre Claude Santoro qui, debout au milieu du Centac, visionnait et revisionnait les centaines d’heures d’images dont le service disposait.—Colonel.—Capitaine.Depuis la veille à 5h10, c’était la panique au bureau : trois agents étaient morts. Prax, dans le coma, était sous surveillance permanente à l’Hôpital Américain de Neuilly sans que personne ne sache s’il allait s’en sortir ou pas, ni avec quelles séquelles physiques ou mentales.Et toutes les cibles prioritaires s’étaient volatilisées.Et pour couronner le tout, le jeune Stanis
Quand Stan rejoignit l’équipe dans la cuisine, au moins vingt minutes plus tard – étant resté indécis dans le jardin, marchant à droite et à gauche jusqu’à ce qu’il comprenne qu’un retour chez lui mettrait sûrement en danger ses parents, Bibi et tous les gens qu’il aimait –, l’effervescence les animait tous.Au moins vingt téléphones jetables posés sur le bar étaient utilisés à la chaîne pour passer des appels courts et codés. Comme tous ceux qui ne voulaient pas être repérés, les téléphones étaient brisés après un seul appel et jetés dans un sac-poubelle spécial qui démagnétisait les puces, les circuits électroniques et les batteries.Chacun semblait connaître son rôle.On parlait de Jersey, de jet privé, du Nevada, des frontières, de Transits.—Ils vont localiser la borne d’appel 4G qu’on utilise dans peu de temps, dit Théo
Ida Kalda décida pour ne pas tourner folle dingue d’alterner une heure d’étude d’un dossier d’un employé du Bureau 09, suivie d’une heure consacrée à la recherche d’infos sur Stanislas Kross, en réservant son heure de déjeuner pour dicter depuis le salon de son appartement son rapport sur l’enquête de la ruelle.Elle avait tellement peu dormi que parfois, sur la table tactile du Centrac, dont la salle entière lui était totalement réservée, il lui arrivait de voir les caractères se dédoubler.Elle s’enfila sa dose de café hebdomadaire en une seule heure et tout en épluchant le passé des experts en tous genres qui bossaient dans l’énorme bureau derrière la vitre polarisée, elle élabora un questionnaire destiné à détecter les mensonges lors des entretiens qu’elle allait faire passer à tout le monde dès le lendemain matin.A midi, sur les rotules, elle commanda par l’interphone interne une p
Après douze heures de vol et malgré le confort inimaginable qu’on pouvait trouver dans un jet pour milliardaires, Stan dévala la passerelle pour s’étirer aussi fort que possible.Courbaturé de partout, complètement sonné par l’atterrissage, à la limite de gerber, tous les passagers de l’Entité semblaient comme lui.La cause : un atterrissage un peu olé-olé annoncé quelques secondes avant que l’avion ne touche le sol.— Les jeunes, dit le pilote d’une voix d’un calme totalement malhonnête, la piste étant plus courte que la distance dont nous avons besoin pour atterrir… beaucoup plus courte, je veux dire… nous vous demandons de bien vous caler dans vos sièges, la tête bien droite contre vos appui-têtes. Et de vous accrocher.Effectivement, le jet freina tellement fort après avoir touché la piste presque en chute libre, les roues rebondissant sur elles-mêmes à trois
Une fois fait le tour de l’énorme et longue bâtisse blanche bouillie par le soleil, ils se retrouvèrent sur une rue qui traversait le désert de l’horizon à l’horizon. Le sable recouvrait les plaques d’asphalte qu’on ne devinait qu’à peine.A droite, il y avait quelques baraques cossues, aménagées et verdoyantes, juste derrière une station-service des années cinquante, avec de vieilles pompes à main tellement poussiéreuses qu’on ne pouvait plus rien lire de ce qui était écrit dessus.La station, ouverte aux quatre vents, était abandonnée depuis des dizaines d’années. Les mauvaises herbes avaient fini par grignoter toute cette ruine à moitié fondue par le soleil bouillant. Des carcasses de voitures pourrissaient sous une éolienne qui grinçait par à-coups. Le château d’eau à côté, tellement rouillé, semblait vouloir s’écraser sur le premier crétin qui donnerait un coup de pied dedans.Un pa
—Et voilà, les morveux ! hurla Théophile une fois qu’il eut ouvert un portail grillagé et rouillé. C’est votre terrain de jeux.Ils avaient remonté la rue sur deux cents mètres au-delà du hameau, dans le désert.Face à eux s’étendait, alignés par rangées à l’américaine, en pâtés de maisons rectilignes, plus de soixante mobil-homes, qui faisaient dans les 40 m² au moins chacun. Ils n’étaient ni trop vieux pour être pourris ni trop jeunes pour éviter quelques travaux.Certains Nefilims commençaient déjà à courir dans les travées sillonnant cette mini-ville entourée de grillage lorsque la baroque voix du boss ramena tout le monde dans le rang, à l’entrée.Il monta sur une caisse en bois et leva les bras.—Je veux que tout le monde soit attentif, je ne le dirai pas de