Après douze heures de vol et malgré le confort inimaginable qu’on pouvait trouver dans un jet pour milliardaires, Stan dévala la passerelle pour s’étirer aussi fort que possible.Courbaturé de partout, complètement sonné par l’atterrissage, à la limite de gerber, tous les passagers de l’Entité semblaient comme lui.La cause : un atterrissage un peu olé-olé annoncé quelques secondes avant que l’avion ne touche le sol.— Les jeunes, dit le pilote d’une voix d’un calme totalement malhonnête, la piste étant plus courte que la distance dont nous avons besoin pour atterrir… beaucoup plus courte, je veux dire… nous vous demandons de bien vous caler dans vos sièges, la tête bien droite contre vos appui-têtes. Et de vous accrocher.Effectivement, le jet freina tellement fort après avoir touché la piste presque en chute libre, les roues rebondissant sur elles-mêmes à trois
Une fois fait le tour de l’énorme et longue bâtisse blanche bouillie par le soleil, ils se retrouvèrent sur une rue qui traversait le désert de l’horizon à l’horizon. Le sable recouvrait les plaques d’asphalte qu’on ne devinait qu’à peine.A droite, il y avait quelques baraques cossues, aménagées et verdoyantes, juste derrière une station-service des années cinquante, avec de vieilles pompes à main tellement poussiéreuses qu’on ne pouvait plus rien lire de ce qui était écrit dessus.La station, ouverte aux quatre vents, était abandonnée depuis des dizaines d’années. Les mauvaises herbes avaient fini par grignoter toute cette ruine à moitié fondue par le soleil bouillant. Des carcasses de voitures pourrissaient sous une éolienne qui grinçait par à-coups. Le château d’eau à côté, tellement rouillé, semblait vouloir s’écraser sur le premier crétin qui donnerait un coup de pied dedans.Un pa
—Et voilà, les morveux ! hurla Théophile une fois qu’il eut ouvert un portail grillagé et rouillé. C’est votre terrain de jeux.Ils avaient remonté la rue sur deux cents mètres au-delà du hameau, dans le désert.Face à eux s’étendait, alignés par rangées à l’américaine, en pâtés de maisons rectilignes, plus de soixante mobil-homes, qui faisaient dans les 40 m² au moins chacun. Ils n’étaient ni trop vieux pour être pourris ni trop jeunes pour éviter quelques travaux.Certains Nefilims commençaient déjà à courir dans les travées sillonnant cette mini-ville entourée de grillage lorsque la baroque voix du boss ramena tout le monde dans le rang, à l’entrée.Il monta sur une caisse en bois et leva les bras.—Je veux que tout le monde soit attentif, je ne le dirai pas de
Santoro regarda les codes défiler à une vitesse folle sans y croire.Ida Kalda, de l’autre côté de la table, n’osait pas bouger d’un pouce, tétanisée par l’ambiance ténébreuse qui l’écrasait de partout.Les deux hommes en costume blanc qui encadraient son boss étaient plus qu’étranges. On aurait dit des jumeaux, chauves tous les deux, avec des yeux en amande sans qu’ils ne soient ni chinois, ni japonais, ni rien d’autre. Ils étaient un croisement improbable entre des sous-groupes ethniques de l’espèce humaine : traits aryens ayant une couleur de peau métissée, sans ride aucun – impossible de leur donner un âge –, aux lèvres fines mais au menton fort et renforcé par une fossette identique. Ida n’avait jamais vu d’êtres comme eux. On aurait pu penser qu’ils étaient le produit d’une expérience de laboratoire. Ils semblaient être l’expression exacte du mélange de tout ce que la terre comportait de mieux. Ils n’avaie
Sa mission n’est point de fixer les croyances en formulant les dogmes comme le Pape (arcane V) ; il ne s’adresse pas aux foules et ne se laisse approcher que par les chercheurs de vérité qui osent s’enfoncer jusque dans sa solitude. A eux, il se confie, après s’être assuré qu’ils sont capables de le comprendre, car le sage ne jette pas ses perles aux pourceaux.La clarté dont dispose le solitaire ne se borne pas, du reste, à éclairer les surfaces : elle pénètre, fouille et démasque l’intérieur des choses. (Le Tarot des Imagiers du Moyen- Age, édition Tchou, 1984, par Oswald Wirth, à propos de l’Arcane IX du Tarot : l’Ermite)Théophile monta en premier les marches en parpaing de son mobil-home rouge. Stan découvrit que tout avait déjà été nettoyé, rangé et que les affaires personnelles du chef de l’Entité se trouvaient déjà à leur place. Qui l’avait fait ? Mystère. Probablement avait-il transité dans les rêves de
Stan trouva son chez lui à soixante-dix mètres de chez Théophile, dans un petit recoin ou deux mobil-homes un peu à l’écart se faisaient face, coincés contre le grillage avec le désert nocturne et silencieux au-delà et ses coyotes qui tournaient autour du camp et dont on voyait les yeux briller dans le noir.La porte de sa baraque posée sur des empilements de planches était ouverte. De la lumière en sortait, formant un grand rectangle lumineux sur le sol de sable.Sur la porte, au rouge à lèvres d’un pourpre vif, Annabelle avait inscrit STAN en gros et en majuscule. Impossible de le rater.L’Ermite dans la poche de son jean, encore tout plein d’idées contradictoires après la conversation qu’il venait d’avoir avec le boss, il monta les trois marches de bois. Et trouva Annabelle et Prisca en train de récurer sols et murs en s’éclatant comme des folles.Un poste rad
A six heures, le réveil sonna et tous les deux ronchonnèrent en même temps.Ida était en morceaux, pleine de courbatures. Claude essaya d’ouvrir les yeux sans y parvenir.—Il me faut une douche, ronronna Ida en s’enveloppant du drap pour rejoindre la salle de bain, laissant Santoro à poil sur le lit, encore prêt à l’action.Il l’était toujours, ce salaud !—Tu crois qu’on a vraiment dormi à un moment ? demanda Claude en se retournant pour essayer de gagner quelques minutes de sommeil.—Non, ronchonna Ida. Ça t’arrive parfois d’être… au repos ?—Je serais le pire des crétins de l’être devant toi ! Depuis la première fois où je t’ai vue, je suis comme ça. Ça redescen
Trish Brahms avait commencé les entretiens.L’ordre de passage de chaque agent était affiché sur le mur à la sortie de l’ascenseur. Il avait aussi été envoyé par mail à tout le personnel.Le temps d’interroger tout l’effectif, ils en avaient jusqu’à vingt-trois heures ce soir.Santoro, assis derrière son bureau, ne lui jeta même pas un petit regard et ne la salua pas, comme il le faisait pourtant avec tous les salariés qui débarquaient par l’ascenseur interne.Elle l’entendit juste dire, d’un ton froid :—Capitaine Kalda, vous avez seize minutes de retard. Soyez à l’heure demain et les autres jours.Enfoiré ! Plusieurs visages se tournèrent vers elle, surpris par le comportement de leur colonel envers un cadre supérieur du Bureau.Ida, rouge de fureur, entra dans le Centr