Mag-log in
Clara
La limousine noire glisse dans la nuit new-yorkaise, silencieuse comme un corbillard. Clara observe la pluie qui trace des rigoles sur la vitre teintée, transformant les lumières de la ville en longues stries dorées. Son téléphone émet un bip discret. Un message. Une adresse. C'est tout.
Elle efface le message. Ses doigts, ornés d'une simple bague sigillaire en argent, se serrent imperceptiblement sur le cuir de son siège. Dans moins de dix minutes, elle va rencontrer la personne qui a osé égorger son lieutenant, Viktor, et l'a fait avec une efficacité si terrifiante que cela en était presque artistique. La rumeur dit qu'elle est la meilleure. La plus imprévisible. Un outil dangereux, mais nécessaire.
La voiture s'arrête devant un entrepôt désaffecté du quartier des docks. L'odeur du fleuve et de la rouille envahit l'habitacle quand son garde du corps ouvre la portière.
— Attendez ici, dit-elle d'une voix calme, en posant une main sur le bras de l'homme. Je veux la voir seule.
Son cœur bat un peu plus vite, un tambour sourd contre ses côtes. Ce n'est pas de la peur. C'est de l'anticipation.
Alyss
Alyss est déjà là, juchée sur une caisse en bois, une jambe balançant dans le vide. Elle observe la femme en tailleur noir descendre de la limousine. Clara Morano. L'héritière de l'empire Morano. Elle est encore plus impressionnante en vrai. Froide, précise, comme une lame de scalpel.
Elle laisse traîner son regard sur la silhouette élégante qui s'avance dans la pénombre. Un sourire presque imperceptible flotte sur ses lèvres. Elle a tué pour elle, aujourd'hui. Et maintenant, la princesse de la pègre vient en personne lui rendre visite. C'est flatteur.
Elle saute de la caisse, le bruit de ses boots résonnant dans le vaste espace vide.
— Morano. J'espère que le spectacle vous a plu.
Sa voix est basse, teintée d'une pointe de défi amusé. Elle s'approche, entrant dans le pâle rayon de lumière qui filtre par un vasistas.
Clara
La voix la frappe. Jeune, assurée, avec un grain de défi qui devrait lui valoir une balle. Pourtant, Clara sent un frisson lui parcourir l'échine. Elle lève les yeux vers la femme qui s'avance.
Alyss. Elle est plus jeune qu'elle ne l'imaginait. Des yeux perçants, un visage anguleux marqué par une fine cicatrice sur la pommette gauche. Vêtue d'un jean et d'un blouson de cuir, elle dégage une énergie sauvage, animale, en complet décalage avec le monde aseptisé de Clara.
— Le message est passé, répond Clara, gardant ses mains sagement croisées devant elle. Mais un message n'est rien sans la main qui l'écrit.
Elle l'étudie. L'insolence dans son attitude, la liberté presque provocante dans sa posture. Tout en elle est un contraste violent avec la vie réglée de Clara. C'est dérangeant. Et irrésistiblement excitant.
— J'ai un autre problème. Plus délicat.
Alyss
Elle ricane doucement. Bien sûr. Ils ont toujours un "problème plus délicat".
— Les problèmes délicats, c'est ma spécialité. Mais mon tarif augmente avec les risques.
Elle s'approche encore, assez près pour sentir le parfum discret de Clara. Un mélange de jasmin et de quelque chose de plus âpre, le métal froid d'une arme. Elle voit les pupilles de Clara se dilater légèrement. La peur ? Non. Quelque chose de bien plus intéressant.
— Et puis, travailler pour vous directement… ça présente certains… défis.
Elle laisse ses mots flotter dans l'air, chargés de sous-entendus. Elle voit le léger tressaillement de la mâchoire de Clara. La maitrise craque, déjà, si fragile.
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Clara
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Elle sent le souffle d'Alyss lui effleurer la joue. Trop près. Beaucoup trop près. Et pourtant, elle ne recule pas. Reculer, c'est montrer de la faiblesse. Son esprit crie au danger, mais son corps est étrangement immobile, fasciné.
— Les défis vous excitent, c'est ce qu'on me dit, murmure Clara, soutenant son regard.
Elle sort une enveloppe de la poche intérieure de son manteau.
— Les détails sont là-dessus. La moitié maintenant. L'autre moitié quand c'est fait.
Elle tend l'enveloppe, mais ne la lâche pas tout de suite quand Alyss saisit l'autre bout. Leurs doigts se frôlent. Un contact bref, électrique. Un silence tendu s'installe, chargé de tout ce qui n'est pas dit. De tous les désirs interdits qui viennent de s'éveiller dans la pénombre de l'entrepôt.
— Ne me décevez pas.
— À vos ordres, patronne, répond Alyss avec un sourire qui n'a rien de soumis.
Clara la regarde tourner les talons et disparaître dans l'ombre, l'enveloppe à la main. Elle reste un long moment immobile, la brûlure du contact encore vive sur sa peau. Elle a engagé un fauve. Et elle a terriblement envie de voir jusqu'où elle peut le provoquer avant de se faire dévorer.
ClaraLa victoire sur Kovac et Bianchi a un goût de cendres. Un goût de solitude. Le pouvoir est consolidé, les frontières de son empire redessinées à l'encre de sang et de peur. Pourtant, une nervosité nouvelle habite Clara. Une faille qu'elle ne peut colmater.Alyss. Toujours Alyss.La désobéissance de la tueuse a été un coup de couteau, aussi précis qu'une opération chirurgicale. Elle lui a rappelé une vérité fondamentale : la bête qu'elle a lâchée dans son jardin n'est pas domestiquée. Elle est partenaire, oui. Mais une partenaire qui possède son propre code, sa propre morale tordue, et le pouvoir de la défier.Ce soir, une réception. Une célébration de sa "victoire" contre les corbeaux. Le grand salon de son penthouse fourmille de visages souriants, de rires forcés, de louanges hypocrites. Elle serre des mains, échange des bises, joue son rôle de reine magnanime et invulnérable.Mais ses yeux, sans cesse, cherchent une silhouette dans l'ombre. Une présence qu'elle sait pourtant i
ClaraL'aube trouve Clara de retour dans son penthouse, le corps encore imprégné du parfum d'Alyss, un mélange de cuir, de nuit et de sueur. La rencontre dans l'atelier a été une tempête nécessaire, un rééquilibrage de son âme. Mais à la lumière froide du jour, la réalité se rappelle à elle, plus menaçante que jamais.Sur son bureau, une nouvelle pile de rapports l'attend. Le dernier en date est marqué "URGENT". Elle l'ouvre, et un froid mortel lui parcourt l'échine. Les familles Bianchi et Kovac, deux clans mineurs mais ambitieux, ont scellé une alliance. Ils profitent de la prétendue "traque" d'Alyss et de la prétendue "vulnérabilité" de Clara pour grignoter son territoire. Des livraisons interceptées. Des hommes intimidés. Un message clair : le trône de Clara est vacant, et les corbeaux se rassemblent pour le festin.Sa main se serre sur le papier, le froissant. La fureur est une lame blanche en elle. Elle avait prévu une période de consolidation, pas une guerre ouverte sur plusieu
ClaraLes semaines qui suivent sont un ballet macabre et exquis. Clara orchestre la comédie avec une maestria diabolique. Les funérailles de Marco sont un événement public, un spectacle de deuil et de détermination. Vêtue de noir, le visage voilé d'une résolution de marbre, elle serre des mains, accepte les condoléances, et jure devant tous de venger son oncle bien-aimé.— Je ne connaîtrai pas le repos tant que cette vermine, Alyss, n'aura pas payé pour son crime, prononce-t-elle d'une voix claire et porteuse, devant une foule de dignitaires et de caïds.Le mensonge est un poison doux sur sa langue. Chaque mot est un clou planté dans le cercueil de son ancienne vie, scellant sa nouvelle autorité. En privé, dans le sanctuaire de son bureau, elle règne. Les affaires de la famille n'ont jamais été aussi florissantes. La peur qu'inspire la mort de Marco, combinée à la détermination affichée de Clara, a consolidé son pouvoir d'une main de fer.Mais le pouvoir est un fauteuil solitaire. La
ClaraLe silence qui tombe sur le hangar est plus assourdissant que les coups de feu. Une fumée âcre flotte, mêlée à l'odeur de poudre et de sang. Les corps des hommes de Marco gisent, immobiles, dans des poses grotesques. Au centre, Marco se tord de douleur, geignant, une main pressée sur son épaule déchiquetée.Clara respire à grands coups, les poumons brûlants, les oreilles bourdonnantes. Son cœur bat à tout rompre, mais son esprit est d'un calme glaçial. Elle baisse son arme, le canon encore fumant, et se tourne vers Alyss.Sans un mot, elle traverse la distance qui les sépare. Ses doigts se referment sur le col du sweat-shirt d'Alyss, serrant le tissu, attirant son visage tout près du sien. La fureur et l'adrénaline forment un cocktail explosif dans ses veines.— Tu as osé, souffle-t-elle, sa voix rauque, chargée d'une colère qui pourrait réduire l'acier en poussière. Tu as osé me trahir. Même pour une fraction de seconde.Son autre main se lève, non pas pour gifler, mais pour sa
ClaraL'aube point à peine lorsque Clara se réveille,le corps encore vibrant du souvenir des heures passées. Le lit est vide à côté d'elle, mais la chaleur d'Alyss imprègne encore les draps. Elle se lève, enveloppée dans sa soie, et se dirige vers la fenêtre. La ville s'étire, paisible, ignorant le tremblement de terre qui se prépare dans l'antre de sa reine.Son téléphone vibre. Marco. Elle laisse sonner, comptant les secondes, savourant son angoisse. À la quatrième sonnerie, elle répond, d'une voix traînante, feignant la fatigue.—Allô, oncle ? À cette heure ?La voix de Marco est un râle, déchiré entre la fureur et la panique.—Où est mon fils, Clara ? Où est Lorenzo ?— Lorenzo ? Je l'ai quitté à la réception. Il semblait… pressé. Un problème ?Un silence à l'autre bout du fil, chargé de haine.—Je sais que c'est toi. Rends-le-moi. Et je te promets une mort rapide.Clara ricane, un son bas et dangereux.—Tu n'es plus en position d'exiger quoi que ce soit, Marco. Tu veux ton fils ?
AlyssLe "terrier" de Lorenzo est un entrepôt frigorifique abandonné en bordure des docks. L'air y est glacial, saturé d'une odeur de rouille et de poisson pourri. Alyss s'y est infiltrée par une bouche d'aération, silencieuse et invisible, un spectre dans la nuit.Accroupie dans l'ombre sur une coursive métallique surplombant l'espace principal, elle observe la scène. Lorenzo est là, entouré de quatre hommes lourdement armés. Il parle fort, d'une voix aiguë et nerveuse, plein de l'importance de sa mission.— Elle va sortir de la réception, la voiture l'emmènera par le chemin habituel. Vous l'interceptez au carrefour de la 12ème rue. Vous la prenez vivante. Mon père veut s'en occuper personnellement.Vivante. Le mot résonne dans le crâne d'Alyss. Clara avait raison. Marco veut le plaisir de la tuer lui-même. Une erreur. On ne laisse pas une proie comme Clara en vie.Elle sort son pistolet, le silencieux déjà vissé au canon. Sa mission est de capturer Lorenzo. Mais les hommes autour de







