LOGINChapitre 2 : Le Pacte
Anya
La voiture noire glisse dans la nuit, silencieuse comme un cercueil. Je suis assise à côté de lui, les mains serrées sur mon sac. La pluie dessine des traînées lumineuses sur les vitres, transformant la ville en un tableau impressionniste. Tout semble irréel.
Je devrais crier. Je devrais sauter de la voiture à la prochaine intersection. Mais mon corps refuse de bouger, paralysé par une fascination morbide.
· Vous n'avez pas peur ?
—Ma voix est un filet dans l'habitacle feutré.
Dante tourne légèrement la tête vers moi. La lueur des réverbères joue sur ses traits anguleux.
· De quoi devrais-je avoir peur ?
—De moi. De ce que je pourrais faire.
Un sourire fugace effleure ses lèvres.
· C'est plutôt à vous d'avoir peur, Anya.
Il a raison. Je devrais être terrifiée. Et je le suis. Mais cette peur... elle m'excite. C'est comme regarder dans un précipice en ayant envie de sauter.
La voiture s'engage dans une allée discrète et s'arrête devant un immeuble ancien. La façade sombre semble absorber la lumière.
· Nous y sommes.
Son doigt effleure le loquet de la portière. Le simple geste me fait frissonner.
L'ascenseur est en laiton et miroirs. Je me vois reflétée mille fois, pâle, les yeux agrandis. Dante se tient derrière moi, immobile. Je sens sa chaleur dans mon dos sans qu'il me touche.
L'appartement est un choc. Vaste, minimaliste, avec des murs de béton et des œuvres d'art contemporain. Tout est froid, parfait, comme une galerie d'art. Aucune trace de vie personnelle.
· Asseyez-vous.
Il désigne un canapé en cuir noir. Je m'assieds, raide, mes vêtements humides collant à ma peau.
· Le contrat.
Il pose une feuille sur la table en verre entre nous. Les termes sont clairs, brutaux. Une nuit. Cent mille euros. Aucune revendication future. Aucun contact après.
· Vous voulez que je signe ça ?
—Je veux que vous compreniez les termes de notre... arrangement.
Je lis et relis les clauses. Tout est parfaitement légal. Parfaitement immoral.
· Et si je change d'avis ?
Il se lève et vient se tenir devant la baie vitrée. La ville s'étend à ses pieds, comme un jouet.
· Vous pouvez partir maintenant. La porte n'est pas verrouillée.
Je pourrais. Je devrais. Mais mes jambes refusent de me porter. L'image de ma mère dans cet établissement si cher, les dettes qui s'accumulent, la solitude qui m'étouffe...
· Pourquoi moi ? répété-je.
Il se retourne lentement.
· Je vous ai vue au supermarché, il y a trois mois. Vous teniez un pot de confiture en regardant l'étiquette comme si votre vie en dépendait. Vous aviez l'air si... perdue. Si seule.
Le souffle me manque. Je me souviens de ce jour. Le jour où j'ai su que je ne pouvais plus payer les traitements.
· Vous me suivez depuis trois mois à cause d'un pot de confiture ?
Ses doigts effleurent mon cou, si légèrement que je pourrais l'imaginer.
· À cause de ce que j'ai vu dans vos yeux. La même faim que la mienne.
Sa main se referme sur ma nuque. Pas une étreinte violente, mais une prise ferme, possessive.
· Signez le contrat, Anya.
Je prends le stylo. Ma main tremble. Je signe. Le stylo glisse sur le papier comme une condamnation.
· Bien.
Il prend le contrat et le pose sur la table.
· Maintenant, enlevez votre manteau.
Le cœur battant, je défais les boutons. Le tissu humide glisse de mes épaules et tombe sur le sol.
· La robe aussi.
Je ferme les yeux un instant avant d'obéir. La soie glisse le long de mon corps, me laissant nue devant lui, tremblante.
· Ouvrez les yeux. Regardez-moi.
Son regard parcourt mon corps comme celui d'un collectionneur examinant une nouvelle acquisition. Je me sens vulnérable, exposée, mais étrangement... puissante.
· Vous êtes plus belle que dans mes souvenirs.
Ses doigts tracent une ligne brûlante de mon épaule à ma hanche.
· Vous savez pourquoi vous êtes ici ?
· Pour l'argent.
Il secoue la tête, un sourire cruel aux lèvres.
· Non. Vous êtes ici parce que, quelque part au fond de vous, vous en avez envie. Comme moi.
Sa bouche trouve la mienne dans un baiser qui n'a rien de tendre. C'est une prise de possession, une marque. Et le pire, c'est que je réponds. Mes mains s'accrochent à ses épaules, mes lèvres répondent à son assault.
Quand il me soulève dans ses bras, je n'ai pas peur. Quand il me porte vers la chambre, je cache mon visage contre son cou. Quand il me dépose sur le lit, je l'attire vers moi.
La suite est un mélange de douleur et de plaisir, de soumission et de pouvoir. Chaque caresse est une blessure, chaque baiser une punition. Et à travers tout cela, je sens quelque chose se briser en moi, quelque chose se reconstruire, différent, plus sombre, plus vrai.
À l'aube, allongée contre lui, je regarde les premières lueurs du jour éclairer la pièce. Son bras est posé sur ma taille, lourd, possessif.
· L'argent sera sur votre compte à midi, murmure-t-il contre ma nuque.
Je me retourne pour le regarder. Ses yeux sont ouverts, observant chaque détail de mon visage.
· Ce n'était pas pour l'argent.
Le mot est sorti avant que je puisse le retenir. Et je vois dans son regard qu'il le savait déjà.
Sa main se referme sur ma hanche, possessive.
· Je sais.
Et dans ce moment, je comprends que je n'étais pas la seule à être piégée.
Chapitre 29 : La CicatriceAnyaLa douleur est une lance de feu dans mon côté. Chaque respiration est un effort, chaque mouvement un rappel cuisant de la scierie. Dante, pâle mais fonctionnel, a fait de son mieux pour nettoyer et suturer la plaie avec le matériel de la trousse de secours. Ses doigts étaient fermes, mais son regard évitait le mien. Nous n'avons pas parlé pendant qu'il m'opérait. Les grognements étouffés et le grincement de l'aiguille traversant ma peau étaient le seul son entre nous.Maintenant, nous sommes assis dans la pénombre de la maison, une bouteille de whisky local entre nous. La blessure de Dante à l'épaule est bandée sommairement. Nous ressemblons à deux soldats épuisés après une bataille perdue d'avance.— Ils reviendront, dis-je en grimaçant en tendant la main vers mon verre. D'autres viendront. Les fils de Stavros. Ses alliés. La dette est une hydre. On coupe une tête, deux repoussent.Dante avale une grande gorgée de whisky.—Je sais.— On ne peut pas con
Chapitre 28 : Le Poids des ChaînesAnyaLe "loin" promis par Dante se matérialise sous la forme d'une maison de pierre isolée, adossée à une colline dans une région où la langue est étrangère et les regards, méfiants. Les semaines passent, étrangement calmes. Nous apprenons les gestes d'une vie normale : faire les courses au village voisin, entretenir le potager, allumer le feu le soir.La normalité est une peau trop étroite. Je me réveille la nuit, le goût de la poudre et du sang dans la bouche, la main cherchant une arme sous l'oreiller. Dante fait de même. Nos cauchemars s'entremêlent dans la chambre unique, un dialogue silencieux de terreurs partagées.Nous ne parlons pas de ce qui s'est passé. Nous ne parlons pas de l'avenir. Nous existons dans un présent étouffant, une cohabitation forcée où chaque geste est mesuré, chaque regard analysé. La haine couve sous la surface, mêlée à une attraction aussi violente qu'inavouable.Un après-midi, je suis dans le jardin, essayant désespéré
Chapitre 27 : L'Aube IncertaineAnyaLa fuite est un flou sanglant. Dante me guide à travers un dédale de ruelles et de passages souterrains, ses doigts fermement enlacés aux miens. Les sirènes hurlent derrière nous, s'éloignant puis se rapprochant, un jeu du chat et de la la souris dont l'enjeu est notre vie. Je ne pense pas. Je ne ressens plus. Je cours, mon corps fonctionnant sur la seule mémoire musculaire de la survie.Nous émergeons finalement dans un garage souterrain abandonné. L'air y est froid, humide, chargé de l'odeur de l'essence et de la moisissure. Une vieille camionnette banalisée nous y attend. Dante ouvre la portière passager.— Monte.Je obéis, mes membres lourds, engourdis par le choc. Il fait le tour, s'installe au volant, et démarre. Le moteur toussote avant de rugir. Nous sortons du garage par une rampe différente, nous fondant dans le flot naissant de la circulation matinale.La ville se réveille, ignorante. Des gens se rendent au travail, achètent leur café, l
Chapitre 26 : L'Ultime SursisAnyaLa voiture fonce dans la nuit, un projectile d'acier et de rage. Dante est à mes côtés, son profil durci par la lueur des réverbères. Nos mains sont toujours entrelacées, une alliance forgée dans l'urgence et la terreur. Ma mère. Volkov l'a. Les mots résonnent dans mon crâne comme un glas.Marco, au volant, nous jette un regard en coin.—Il veut un échange. Toi, contre elle. Il a donné le lieu : les docks. Le hangar 12.Bien sûr. Là où tout a commencé pour mon père. Volkov a le sens du théâtre.—C'est un piège, dit Dante, sa voix neutre.—Je sais.—Tu n'iras pas.Je me tourne vers lui, un rire amer aux lèvres.—Tu vas m'en empêcher ?Ses doigts se resserrent autour des miens, presque douloureusement.—Non. Mais je vais y aller avec toi.Le hangar 12 est une cathédrale d'ombre et de rouille. La lumière de la lune filtre à travers les vitres brisées, découpant des formes spectrales sur le béton sali. Au centre, sous un halo de projecteur, ma mère est a
Chapitre 25 : L'Ombre du PasséAnyaLa cellule où nous avons enfermé Dante est une pièce nue, aux murs de béton, éclairée par une ampoule nue qui grésille. Quand j'ouvre la lourde porte métallique, il est assis sur une couchette, les bras reposant sur ses genoux. Il lève la tête, son visage est un masque de méfiance.— Alors ? C'est l'exécution ?— La taupe est morte. C'était Carlo.Il ne montre aucune surprise, seulement un léger hochement de tête.— Le vieux loup. Je m'en doutais.— Tu ne sembles pas soulagé.— Pourquoi le serais-je ? Un traître de moins ne change rien au fait que tu m'as fait enfermer ici.Je m'avance dans la cellule, laissant la porte ouverte derrière moi.— C'était nécessaire.— Tout est toujours nécessaire avec toi, n'est-ce pas, Anya ? La fin justifie toujours les moyens.Son ton est acerbe, chargé d'une amertume qui me surprend.— Tu es libre de partir, dis-je. Le piège a fonctionné. Tu n'as plus de rôle à jouer.Il se lève lentement, ses yeux ne me quittent p
Chapitre 24 : La TaupeAnyaL'aube se lève sur la ville, teintant les immeubles de gris et d'orangé. Dans le studio minuscule, l'air est épais de fatigue et de tensions non résolues. Dante et moi évitons nos regards, une trêve fragile pesant entre nous. Le baiser avorté de la nuit dernière plane tel un fantôme, une promesse de damnation suspendue à un fil.Marco arrive avec du café fort et des nouvelles. Son visage est grave.— L'appartement est perdu. Ils ont tout pris. Les documents, les armes, l'argent liquide.Je serre le gobelet en styromousse, la chaleur brûlante à travers le plastique est un antidote bienvenu au froid qui m'habite.— Les pertes ?— Quatre hommes. Des fidèles.Chaque nom est un coup. Des visages que je connaissais. Des hommes qui m'ont suivie par loyauté, ou par peur. Maintenant morts. À cause de moi. À cause de nous.— Volkov se moque de l'argent, dit Dante, adossé au mur près de la fenêtre. Il veut te déstabiliser. Te montrer qu'il peut te toucher partout.— I







