LOGINÉlodie
Il lève enfin les yeux. Et là, je le vois. La lutte est terminée. Ou plutôt, elle a changé de nature. La politesse, la retenue du beau-frère ont été balayées. Dans ses yeux gris-vert, il n’y a plus de voile. Il y a une tempête. Un aveu brut, désespéré, furieux.
— Ça, dit-il d’une voix sourde, raclée. Ce… truc. Ce truc entre nous. Je le sens depuis des mois. Et depuis l’autre soir sur le balcon… je ne pense plus qu’à ça.
Le mot « ça » est plus cru, plus direct que n’importe quelle description. Il désigne l’attraction animale, l’électricité pure, le besoin.
— Moi non plus, lâché-je, et c’est un soulagement de le dire, un vertige terrible. Je ne pense qu’à ça. Je rêve de ça.
Un muscle tressaute dans sa joue. Ses narines frémissent. Il est comme un animal tenu en laisse, et la laisse est sur le point de céder.
— Clara…, commence-t-il.
—Ne parle pas d’elle, l’interromps-je, plus sèche que je ne le voudrais. Pas ici. Pas maintenant.
Il hoche la tête, un bref mouvement. Le sujet est écarté, non résolu, mais mis de côté. Un crime se prépare, et nous en sommes les complices silencieux, acceptant de ne pas nommer la victime pour pouvoir passer à l’acte.
— Je te veux, dit-il alors, et les mots tombent comme des pierres, lourds, définitifs. Je te veux d’une façon qui me rend fou. Je regarde tes mains, ta bouche, la façon dont tu bouges… et je veux te prendre. Je veux te sentir contre moi, sous moi. Je veux t’entendre crier mon nom.
La crudité de ses paroles me fait couler. Littéralement. Je sens un flot de chaleur humide entre mes cuisses, si intense que je dois serrer les muscles pour ne pas gémir. Mon pull semble soudain trop lourd, trop chaud. Je vois ses yeux se poser sur mon décolleté, deviner la pointe de mes seins qui durcissent sous le tissu. Il le voit. Il le sait.
— Alors fais-le, murmuré-je. Ma voix n’est plus qu’un souffle rauque. Prends-moi.
Il ne se fait pas prier deux fois. Il lance quelques billets sur la table, se lève d’un mouvement fluide et puissant. Sa main se referme autour de mon poignet. Le contact est électrique, brûlant, possessif. Il ne me tire pas, il m’entraîne. Je me lève, mes jambes sont de coton. Nous sortons du café. La pluie fine nous enveloppe. Il ne dit rien. Il marche vite, tirant toujours mon poignet, comme s’il craignait que je ne change d’avis, que je ne m’enfuye.
Nous ne parlons pas dans le taxi. Nous sommes assis loin l’un de l’autre, mais l’espace est vivant de tension. Son regard, fixé droit devant, est dur, déterminé. Le mien se pose sur son profil, sur la ligne tendue de sa mâchoire. Je vois le pouls battre follement à la base de son cou. Mes propres mains tremblent sur mes genoux.
Il ne me conduit pas chez lui, bien sûr. Ni chez moi. C’est un hôtel discret, près de la gare. Une chambre payée en espèces, sans regard. L’ascenseur est une boîte étouffante. Dès que les portes se referment, il se tourne vers moi. Il ne m’embrasse pas. Il plaque ses mains de chaque côté de ma tête contre le miroir, penchant son visage vers le mien. Son souffle est chaud, rapide.
— Dernière chance, Élodie, gronde-t-il, ses yeux fouillant les miens. Dis non. Dis-moi de te ramener chez toi.
Je réponds en m’avançant, en collant tout mon corps contre le sien. Je frotte mon ventre contre l’évidence dure, puissante, qui bombe sous son jean. Un grognement sourd monte de sa poitrine.
— Tu as ta réponse.
La porte de la chambre claque derrière nous. C’est une chambre anonyme, avec un grand lit. Avant même que la lumière ne soit allumée, il est sur moi. Enfin.
Son baiser n’a rien à voir avec ceux de mon rêve. Il est plus sauvage, plus désespéré, plus réel. C’est une prise de possession. Sa langue force l’entrée de ma bouche, profonde, dominatrice. Je réponds avec la même férocité, mes doigts s’enfonçant dans ses cheveux, l’attirant plus près. Nous luttons bouche contre bouche, dents qui s’entrechoquent, souffles mêlés, grognements étouffés.
Ses mains parcourent mon corps avec une avidité brutale. Elles arrachent mon pull, le font passer par-dessus ma tête. Le froid de la pièce sur ma peau nue est un choc, vite effacé par la brûlure de ses paumes sur mes seins. Il les pétrit, les serre, fait rouler mes mamelons durcis entre ses doigts avec une précision qui me fait crier dans sa bouche. Je dégrafe frénétiquement son jean, cherchant à libérer cette dureté qui me brûle à travers les tissus. Quand enfin ma main l’enserre, chaude, vivante, palpitante, il rompt le baiser avec un juron étouffé.
— Putain, Élodie…
ÉlodieLa semaine qui suit le barbecue est une agonie feutrée. Chaque jour est une épreuve de résistance, une lutte contre le souvenir des doigts de Louis dans l’ombre, contre l’odeur de transgression qui semble encore imprégner ma peau. Je vis en automate, répondant aux sourires par des sourires, aux conversations par des banalités. À l’intérieur, une bête tourne en rond, affamée, obsédée.Il m’envoie un message, trois jours après. Un seul mot, tombé sur mon écran comme une pierre dans un puits.—Samedi.Pas de lieu, pas d’heure. Juste une date. Une évidence. Clara doit accompagner sa mère à un salon de déco pour la future chambre. La maison sera vide.J’arrive avant lui. Je n’ai pas les clés, mais je connais le code de l’alarme, un détail offert un jour par Clara, un geste de confiance qui me brûle maintenant les doigts. Je pousse la porte et j’entre dans le silence de leur foyer. L’odeur m’assomme. Ce n’est pas son parfum à lui, ni celui de Clara. C’est leur odeur mélangée : le caf
Élodie — Louis.Il se retourne d’un bloc.Dans la pénombre, ses yeux brillent d’un éclat sauvage.— Qu’est-ce que tu fais ? Tu es folle ? Ils peuvent…—Je ne peux plus, l’interromps-je. Je ne peux plus te regarder la toucher. Te sourire et faire semblant.Je m’avance. Il ne recule pas. L’espace entre nous se réduit, chargé de tout ce qui n’a pas été dit sur la pelouse.— Tu crois que c’est facile pour moi ? Sa voix est un râle. La voir, chaque jour, et penser à toi. À ton goût. Au son que tu faisais.C’est la dernière étincelle. Je ferme la distance, plaque mes mains sur son torse. Le contact est électrique, réveillant chaque cellule endormie. Il grogne, une sorte de plainte animale, et ses mains s’abattent sur mes hanches, me serrant à travers le jean, m’attirant contre lui. Je sens son érection, dure, pressante, contre mon ventre. Ici, dans l’obscurité poussiéreuse, à quelques mètres de notre famille, c’est encore plus défendu, encore plus excitant.— Tu veux me faire du mal ? murmu
Élodie Ma voix est rauque.Il avance, pose une bouteille sur le plan de travail près de moi. Il ne part pas. Il reste là, à moins d’un mètre. Le silence est un étau qui se resserre. Je regarde ses mains, ces mains qui m’ont tenue, ouverte, possédée. Elles sont calmes, mais je vois la tension dans les jointures.— Ça va ? demande-t-il enfin, sans me regarder, fixant sa propre bouteille.—Non.La réponse sort,nue, honnête. Je ne peux plus faire semblant. Pas avec lui. Pas ici.Il lève les yeux. Dans la lumière tamisée de la cuisine, je vois les cernes sous les siens, la même fatigue que la mienne, la même guerre intérieure. Il a l’air plus vieux, plus dur.— Moi non plus, avoue-t-il dans un souffle.Ces deux mots brisent quelque chose en moi.Un début de complicité dans la culpabilité, plus intime encore que l’acte sexuel. Nous sommes deux naufragés sur le même radeau pourri, à regarder le bateau de ceux que nous aimons s’éloigner.— Clara…—Ne parle pas d’elle ici, coupe-t-il, répétant
Élodie Les jours suivants sont une chute lente, un écho assourdi de la violence de l’hôtel. Mon corps est une carte de géographie de notre crime. La marque sur mon cou a viré au bleu violacé, un halo d’orgueil et de honte que je dissimule sous des cols roulés et du fond de teint. Une douleur sourde, persistante, me rappelle à chaque pas l’étirement brutal, la plénitude déchirante. Je la cultive secrètement, passant mes doigts sur ma peau meurtrie, revivant dans la douce brûlure le souvenir de son poids sur moi. Mon propre parfum me semble désormais mêlé au sien, à l’odeur musquée et sucrée du sexe et de la sueur qui imprégnait la chambre.Il n’appelle pas. Il n’écrit pas. Le silence est une torture plus raffinée que toute parole. Je scrute mon téléphone jusqu’à en avoir les yeux qui brûlent, espérant et redoutant à la fois son nom à l’écran. Je revis chaque seconde : ses mains sur mes hanches, la pression de ses doigts dans mes cheveux, le grognement qu’il a poussé quand il a éclaté
Élodie Il me soulève comme si je ne pesais rien et me jette sur le lit. La violence du geste est excitante. Je me redresse sur les coudes, haletante, le regardant se débarrasser de ses vêtements. Son corps se révèle dans la pénombre : large, sculpté, puissant. Des muscles tendus sous la peau, un torse parsemé d’un fin duvet sombre qui descend en une ligne tentante jusqu’à son sexe, dur, dressé, impressionnant. Mon rêve n’avait rien imaginé d’aussi réel, d’aussi magnifique.Il se penche sur moi, m’enveloppe. Sa peau contre la mienne est une révélation. Chaude, lisse, musclée. Je me cambre, offrant mon cou à sa bouche. Il mord, lèche, suce, laissant une marque qui sera un stigmate demain. Ses mains parcourent mes flancs, remontent, s’emparent de mes seins de nouveau, avant de descendre, d’un mouvement impatient, vers mon jean. Il dégrafe, tire, arrache. L’air frais sur mon sexe offert, trempé, me fait frissonner. Il écarte mes cuisses avec ses genoux, sa main vient se poser sur mon ven
Élodie Il lève enfin les yeux. Et là, je le vois. La lutte est terminée. Ou plutôt, elle a changé de nature. La politesse, la retenue du beau-frère ont été balayées. Dans ses yeux gris-vert, il n’y a plus de voile. Il y a une tempête. Un aveu brut, désespéré, furieux.— Ça, dit-il d’une voix sourde, raclée. Ce… truc. Ce truc entre nous. Je le sens depuis des mois. Et depuis l’autre soir sur le balcon… je ne pense plus qu’à ça.Le mot « ça » est plus cru, plus direct que n’importe quelle description. Il désigne l’attraction animale, l’électricité pure, le besoin.— Moi non plus, lâché-je, et c’est un soulagement de le dire, un vertige terrible. Je ne pense qu’à ça. Je rêve de ça.Un muscle tressaute dans sa joue. Ses narines frémissent. Il est comme un animal tenu en laisse, et la laisse est sur le point de céder.— Clara…, commence-t-il.—Ne parle pas d’elle, l’interromps-je, plus sèche que je ne le voudrais. Pas ici. Pas maintenant.Il hoche la tête, un bref mouvement. Le sujet est







