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Chapitre 4 — La Chute 1

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-12-08 20:53:39

Élodie 

La semaine qui suit est une longue agonie. Mon corps, une fois réveillé, refuse de se rendormir. Il est devenu un traître, un instrument trop sensible accordé à la seule fréquence de Louis. Les nuits sont des défilés d’images brûlantes, des répétitions du rêve originel qui se modifient, s’enrichissent de détails volés lors du dîner : la veine saillante sur son avant-bras, l’ombre de ses cils sur sa joue, le grain de sa voix lorsqu’il a murmuré « Pars ». Je me réveille trempée, le souffle court, la main enfouie entre mes cuisses dans une tentative désespérée et vaine d’apaiser le feu. Mon propre toucher est une insulte, une pâle imitation. C’est le sien qu’il me faut. Sa brutalité. Sa précision.

Je fuirais. Je devrais fuir. Clara me parle du baby shower, des cours de préparation à l’accouchement. Sa voix, pleine d’une joie douce et maternelle, est le fouet qui me châtie. Je prononce des mots d’encouragement, je souris sur les photos des mobiles qu’elle m’envoie, et pendant ce temps, mon esprit est un bourbier obscène où je vois son mari, mon beau-frère, m’agenouiller devant lui, sentir ses mains s’enfoncer dans mes cheveux, goûter son sexe dans ma bouche.

La culpabilité ronge, mais le désir est plus fort. Il est une rivière souterraine qui a creusé son lit trop profondément. Il ne peut plus être détourné. Il coule, noir et brûlant, vers la seule issue possible : lui.

Le déclic survient un jeudi après-midi pluvieux. Un message. Pas de Clara. De lui.

Louis : Il faut qu’on parle. Pas au téléphone. En personne. 18h, café de la Paix, rue des Archers. Viens s’il te plaît.

Le monde s’arrête. Puis il repart, à une vitesse folle. Mon cœur bat une chamade sauvage. Il faut qu’on parle. Ces mots pourraient tout dire. Une remontrance. Une mise à distance définitive. Ou… autre chose. L’espoir, interdit, monte comme une marée acide dans ma gorge. Je regarde le message cent fois. Son ton est neutre, impératif. Il ne demande pas, il constate. Viens s’il te plaît. C’est la seule douceur, et elle me brûle.

Je passe l’après-midi dans un état second. Je choisis mes vêtements avec une attention de coupable : un jean sombre qui moule mes hanches, des bottes, un pull en cachemire fin couleur crème qui tombe doucement sur une épaule. Rien de provocant. Tout de suggestif. Je veux qu’il voie les courbes sous le tissu. Qu’il se souvienne. Je me parfume à des endroits précis : le creux des poignets, derrière les genoux, entre les seins. Un message secret pour lui seul.

Le café de la Paix est discret, presque vide à cette heure. Des boiseries sombres, une odeur de café fort et de pierre humide. Je le vois tout de suite, assis au fond, tourné vers la porte. Il me voit entrer. Son regard m’atteint comme un projectile. Il ne sourit pas. Il m’observe avancer, et chaque pas est un défi, chaque mouvement de mes hanches sous le jean est délibéré, offert.

Je m’assois en face de lui. Un petit carré de table en cuivre nous sépare. Un abîme. Un pont.

— Tu es venue.

—Tu m’as demandé de venir.

Nos voix sont basses, étranglées par la tension. Un serveur s’approche, rompt le sortilège. Louis commande deux cafés sans me consulter. L’autorité du geste, cette prise de décision pour moi, fait frémir quelque chose de primitif en moi. Je croise les jambes lentement, sachant que son regard suit le mouvement. Le silence s’installe, épais, chargé de tout ce qui n’est pas dit.

— Ça ne peut plus durer, Élodie.

Il parle le premier,les yeux fixés sur ses mains enroulées autour de la tasse. Ses doigts sont longs, forts. Je les imagine sur ma peau, s’enfonçant dans ma chair.

— Quoi ? dis-je, sachant parfaitement de quoi il parle. Jouer à l’innocente est inutile. L’air entre nous est déjà trop chargé de vérité.

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