Quand on me vole la vie pour elle

Théo a vu que je ne pleurais ni ne criais et il a poussé un soupir de soulagement.

Après tout, chaque fois que je voyais Théo seul avec Nina, je me mettais en colère et je devenais jalouse. Nous nous étions disputés de nombreuses fois, et une fois, j'étais même partie de la maison juste pour qu'il garde ses distances avec elle.

Mais cette fois, j'étais étrangement calme.

Il a sorti le contrat de rupture du lien et me l'a tendu.

« Juliette, signe. Je ne pourrai célébrer la cérémonie avec elle qu'après avoir rompu notre lien. »

J'ai pris le contrat et je l'ai lu attentivement.

Sur ce contrat, on avait écrit en lettres claires : « Juliette Sorel, en raison d'une rupture sentimentale avec l'Alpha Théo, accepte volontairement de dissoudre leur lien. »

En lisant cette phrase, j'ai senti mon cœur se serrer.

La raison de notre séparation était qualifiée de rupture sentimentale.

Mais notre amour n'avait aucun problème.

Le modèle officiel du contrat de dissolution du lien ne mentionnait jamais de raison, celui-ci avait donc été modifié.

Je savais que ce contrat avait été rédigé par Nina. Elle l'avait écrit ainsi exprès, pour que, lors de sa cérémonie avec Théo, personne ne puisse la traiter de maîtresse.

Après tout, Théo et moi étions le couple le plus amoureux du clan, et notre histoire faisait rêver bien des loups.

Sans ce motif de « rupture sentimentale », Nina aurait été vue comme une voleuse d'amour.

J'ai essuyé mes larmes, j'ai retenu ma douleur et j'ai signé le document.

Théo a pris le contrat et a soupiré de soulagement.

« Juliette, je savais que tu étais la Luna la plus douce et la plus compréhensive du clan. Les nôtres sont fiers d'avoir une Luna aussi noble que toi. Ne t'inquiète pas, je fais cela seulement pour que Nina ne parte pas avec des regrets. La seule que j'aime, c'est toi. »

Théo a déposé un baiser sur mon front, puis il est parti sans se retourner.

En entendant la porte se refermer, je n'ai plus pu me retenir et j'ai craché une gorgée de sang.

J'ai essuyé le sang au coin de mes lèvres et j'ai esquissé un sourire plus douloureux que des larmes.

Théo, moi aussi il ne me restait que trois jours à vivre. N'as-tu pas senti que notre lien s'affaiblissait de plus en plus ?

Peut-être étais-tu trop occupé pour le remarquer.

Je me suis demandé : s'il savaist que c'était moi qui vais mourir, et non Nina…

Regretterait-t-il la décision qu'il a prise aujourd'hui ?

Ce n'était qu'au milieu de la nuit que Théo est rentré.

Sur la table, le repas que je lui avais préparé était depuis longtemps froid.

Et moi, je m'étais endormie, la tête posée sur la table.

En me voyant ainsi, Théo a laissé passer une lueur de culpabilité.

« Juliette, que fais-tu encore ici ? Pourquoi n'es-tu pas allée te coucher ? »

Je me suis frotté les yeux et je me suis redressée.

« Je t'attendais pour dîner. »

Théo m'a regardée, mais son regard a fui le mien.

Depuis notre union, c'était la première fois qu'il rentrait si tard. D'habitude, il revenait toujours tôt pour être avec moi.

Même lorsqu'il avait beaucoup de travail, il rentrait d'abord à la maison, et ne reprenait ses dossiers qu'après m'avoir vue m'endormir.

« Juliette, je… »

Théo s'est passé la main sur le nez, gêné.

« La maladie de Nina a rechuté, j'étais à l'hôpital avec elle. Tu sais qu'elle est orpheline, elle n'a personne d'autre que moi. Désolé de t'avoir fait attendre. »

Théo s'est approché de moi et a voulu me prendre dans ses bras.

Je me suis levée et j'ai reculé d'un pas, évitant juste sa main.

« Je vais te réchauffer le repas, attends un peu. »

Théo a hoché la tête, l'air coupable.

« Merci, Juliette. Dans une semaine, je te dédommagerai, je te le promets. »

J'ai baissé la tête sans répondre.

Me dédommager ?

Il n'y aurait plus de l'avenir entre lui et moi.

Il ne me restait plus que quarante-huit heures à vivre.

Le lendemain, je me suis levée tôt pour préparer le petit-déjeuner.

Quand Théo est descendu, une ombre de remords a traversé son visage.

« Juliette, pourquoi es-tu déjà levée ? »

« J'ai préparé le petit-déjeuner, mange avant de partir. »

J'ai désigné la table du doigt en parlant doucement.

Théo s'est assis en face de moi, mais à peine avait-il pris les couverts que son téléphone a sonné.

C'était un appel de Nina.

Dès qu'il a décroché, la voix douce et plaintive de Nina a résonné.

« Théo, tu m'avais promis de venir avec moi pour le contrôle, tu es où ? »

« C'est encore Juliette qui te retient ? »

Théo m'a regardée, « Non, j'arrive dès que j'ai fini de déjeuner. »

« D'accord », a répondu Nina d'une voix mielleuse, « Sinon, fais venir Juliette avec nous. »

« Sinon, on aurait l'air de deux amants cachés, ce serait injuste pour elle. »

« Avec Juliette à nos côtés, personne ne pensera que je suis une maîtresse. »

Théo m'a regardée, visiblement embarrassé.

« Nina aimerait que tu viennes aussi. »

Un pincement m'a serré le cœur, puis j'ai levé la tête avec un sourire.

« D'accord, j'irai avec vous. »