Se connecterChapitre 2 — Les Chaînes invisibles
MÉLISSA
Les jours s’étirent lentement, comme un voile d’angoisse suspendu au-dessus de la maison. Chaque matin, je me lève avec la même torpeur, le même nœud d’impuissance au fond du ventre. Je n’ai plus besoin de regarder ma mère pour savoir qu’elle est tendue. Et lui… Hug . Il est toujours là, d’une manière ou d’une autre. Même quand il n’est pas présent, sa présence pèse, comme une ombre accrochée aux murs.
Ce n’est pas seulement sa silhouette, ni sa voix grave qui me hantent. C’est la promesse qu’il a laissée derrière lui , cette dette silencieuse dont je suis devenue la monnaie d’échange. Je sais que je n’échapperai pas à ce qu’il attend de moi. Je me sens prise au piège, étranglée par des chaînes invisibles que je n’ai pas choisies. Mes rêves d’une vie meilleure se dissipent peu à peu, avalés par cette réalité froide et implacable.
Les premiers jours après sa venue sont étranges. Nous ne parlons pas, lui et moi. Mais chaque fois que nos regards se croisent, je sens cette menace muette, cette promesse d’un avenir que je n’ai pas voulu. Hug semble avoir pris possession de tout : de la maison, de ma mère, de moi. Il vient quand il veut, sans prévenir. Il n’a pas besoin de frapper. Il entre. Il s’impose.
Il ne parle pas souvent. Mais quand il le fait, chaque mot est une lame.
— Tu sais ce que je veux, Mélissa, me dit-il un soir, la voix glaciale. Je ne suis pas un homme patient. Et ma patience a des limites.
Je reste là, immobile, incapable de répondre. Je hoche la tête sans même comprendre pourquoi. Que pourrais-je dire ? J’ai peur, mais plus encore, je suis vide. Une part de moi meurt à chaque fois qu’il pose les yeux sur moi. Pourtant, je ne parviens pas à me révolter.
Les journées passent, identiques, mornes, étouffantes. Ma mère m’évite, comme si mon regard la brûlait. Elle se contente de m’ordonner des choses banales — préparer le repas, ranger, obéir. Sa voix est devenue mécanique, détachée. Parfois, je me demande si elle ressent encore quelque chose. Peut-être qu’elle s’est déjà résignée à l’idée d’avoir vendu sa fille pour quelques billets, pour retarder un désastre qu’elle n’a jamais su affronter.
Je sais qu’elle n’est pas innocente. Elle a choisi. Elle m’a sacrifiée, sciemment. Et c’est cela, le plus douloureux. Ma propre mère a préféré sauver sa peau plutôt que la mienne. Cette vérité me hante, me détruit à petit feu.
Les jours deviennent des semaines. L’étau se resserre. Je sens que tout est calculé, surveillé. Chaque geste que je fais semble observé, pesé, noté. Il ne m’a encore rien demandé , pas clairement , mais je sens que ce moment approche. Il y a dans son regard quelque chose d’inévitable, une promesse glacée : bientôt.
Une nuit, alors que le silence recouvre la maison, je reste assise près de la fenêtre de ma chambre. La bougie vacille, projetant une lumière tremblante sur les murs. J’observe les étoiles, cherchant un signe, un espoir. Mais il n’y en a pas. Le ciel lui-même paraît s’être vidé de toute clarté.
Je murmure, la voix brisée :
— Pourquoi ? Pourquoi m’as-tu donnée ? Pourquoi m’as-tu laissée à lui ?
Aucune réponse. Seulement le silence, ce silence qui me ronge et me rappelle que je suis seule.
Mais au fond de cette solitude, quelque chose s’allume. Une flamme. Minuscule, fragile, mais bien là. Je ne veux pas être cette chose qu’il croit posséder. Je refuse de devenir un objet dans ses mains. Je ne sais pas comment, ni quand, mais je trouverai un moyen.
Cette nuit-là, je me fais une promesse : je ne me soumettrai pas. Peu importe le prix.
Au matin, je me lève avant l’aube, comme chaque jour. Mais cette fois, la peur n’est plus la seule à m’habiter. Il y a une autre force, plus vive, plus brûlante. La détermination.
Je ne sais pas encore par où commencer. Peut-être faut-il d’abord comprendre ce qu’il veut vraiment. Peut-être faut-il découvrir pourquoi ma mère a accepté l’inacceptable.
Une chose est certaine : tant que je vivrai sous le joug de Hug, je ne connaîtrai jamais la liberté.
Et je compte bien la reprendre, coûte que coûte.
Chapitre 8 — L'Inévitable ChoixMÉLISSALe matin suivant, je me lève tôt, mes pensées encore un tourbillon incontrôlable. Les paroles de Claire, celles de Hug, tout se bouscule dans mon crâne, sans ordre ni logique. Je sais maintenant que ma vie n’est pas ce simple fil que je croyais tenir, mais une toile dont je ne vois pas encore toutes les ramifications. Pourquoi moi ? Pourquoi a-t-il décidé de me protéger, ou de m’enfermer ? Les deux semblent se confondre en lui.Je me dirige vers la cuisine, où l’odeur du café se mêle à celle du pain grillé. Les employés du casino et de la maison close s’y affairent, évitant mon regard. C’est alors que je le croise dans le couloir. Immobile, il semble m’attendre. Son regard, intense et froid comme l’acier, se pose sur moi.— Mélissa, viens avec moi.L’ordre est lancé, sans appel. Il se retourne et marche vers la sortie, certain que je vais le suivre. Je le fais, mes pas résonnant dans le silence du couloir. Mon cœur bat plus vite, un tambour d’ap
Chapitre 7 : Le Poids des SecretsMélissaLa conversation avec Hug tourne en boucle dans mon esprit. La tension dans le couloir, ses paroles cryptiques, son regard impénétrable… tout me laisse bouleversée. Je me sens prise au piège, comme si chaque mouvement me rapprochait un peu plus de ce destin inévitable. Mais je refuse d’accepter les règles du jeu qu’il a imposées. Une part de moi refuse de rester passive.Cette nuit-là, je ne dors pas. Je tourne et retourne dans mon lit, mon esprit saturé de questions sans réponses. Une chose est sûre : je ne peux pas attendre que les choses se passent. Si Hug veut me protéger, je dois découvrir pourquoi.Tôt le lendemain, la maison est encore silencieuse quand je me rends dans la bibliothèque, un endroit que j’évite habituellement. Les livres de Hug s’alignent sur les étagères, imposants, silencieux. Certains coins renferment des dossiers et documents qu’il ne montre à personne. Des journaux, des notes… peut-être que derrière tout ça se cache u
Chapitre 6 — Les Secrets de HugMÉLISSALe lendemain matin, le soleil perce à peine à travers les rideaux épais de la maison close, mais je ne parviens pas à trouver le sommeil. Chaque pensée me ramène à Hug et à la vie qu’il mène à l’extérieur. Je me demande pourquoi il est si mystérieux, pourquoi il ne m’a jamais laissé entrevoir un seul fragment de la vérité sur lui. Mais surtout, je me demande ce qu’il attend de moi.Je repasse des draps dans la pièce commune, mes mains abîmées par le tissu rugueux, quand la porte s’ouvre soudainement. Hug se tient sur le seuil, son regard sombre posé sur moi. Comme d’habitude, il est impeccablement vêtu, une aura de pouvoir qui semble l’envelopper.— Viens avec moiJe lève les yeux, mélange de confusion et de crainte. Il ne m’a jamais parlé ainsi. Je dépose les draps et me lève lentement, me demandant si je dois vraiment suivre ses ordres. Je n’ai pas le choix. Sans un mot, je m’avance vers lui.Dans le couloir sombre, Hug m’entraîne vers la port
Chapitre 5 — La Vie de Hug Hors du CasinoMÉLISSALa vie de Hug, en dehors de la maison close, est un monde totalement différent, presque inconcevable pour moi qui ne le connais que comme l’homme impitoyable qui dirige cet endroit. Je n’ai qu’une idée vague de ce qu’il peut être à l’extérieur, mais parfois, je ne peux m’empêcher d’imaginer la vie qu’il mène loin des murs austères où je suis retenue.Hug n’est pas seulement le propriétaire de ce lieu, il est un homme d’affaires influent, respecté dans les cercles de pouvoir. Il est maître du jeu, pas seulement dans les casinos, mais aussi dans les relations humaines. En dehors de la maison close, il se montre charmant, raffiné, toujours impeccable dans ses costumes sombres et élégants, l’image d’un homme de prestige et de classe.Il a un cercle d’amis et de collaborateurs, des figures importantes. Chaque rencontre avec lui semble un événement. Là où il apparaît, il est écouté, respecté. Mais ce que je ne sais pas encore, c’est l’aspect
Chapitre 4 — L’InterdictionMÉLISSALes semaines qui suivent mon arrivée dans la maison close passent dans une lente routine. L’endroit est austère, un peu sinistre, et une tristesse semble se fondre dans ses murs. Chaque jour ressemble au précédent. Les autres femmes qui travaillent ici ressemblent à des ombres, des spectres ayant abandonné tout désir, tout espoir. Elles se lèvent, accomplissent leurs tâches sans un mot, et disparaissent dans le silence.Moi, je me sens perdue. Je ne comprends pas pourquoi je suis ici, ni ce que la vie attend encore de moi. Je me force à suivre les règles de la maison, mais un malaise profond ne me quitte pas. Chaque recoin me paraît hostile, chaque bruit de pas me fait frissonner. Et puis il y a cette règle que je n’arrive pas à ignorer : Hug, mon « patron », ne veut pas qu’on me touche.C’est étrange, presque absurde. Dans un lieu où le corps est au centre de tout, pourquoi me protéger ainsi ? Pourtant, c’est la règle : les clients ne doivent pas m
Chapitre 3 — Les Ombres du PasséMÉLISSALes jours s’enchaînent dans un mélange de tension et de solitude. Chaque instant passé dans cette maison pèse plus lourd que le précédent, comme si je me retrouvais enfermée dans une cage invisible, les murs se refermant lentement autour de moi. Les bruits de la ville me parviennent lointains, étouffés par la peur qui m’étreint. Je n’ai plus la sensation du temps qui passe ; tout semble s’étirer à l’infini, prisonnier d’un espace où je n’ai aucun contrôle.Hug , vient chaque semaine. À chaque visite, il apporte avec lui cette pression silencieuse qui s’infiltre dans chaque recoin de la maison. Ses mots sont rares, glacials, précis. Ses attentes, claires, sans discussion possible. Il n’a pas besoin de parler inutilement. Sa présence suffit, ses yeux sombres scrutent chacun de mes gestes. Ma mère, elle, semble chaque jour un peu plus spectatrice, épuisée, résignée. Cela me révolte et me fait sentir encore plus seule. Je n’ai pas d’amis, personne







