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Chapitre 3 — L’endroit où tout bascule

Author: L'invincible
last update Huling Na-update: 2025-07-23 00:04:00

Nahia

Je ne sais pas pourquoi j’ai répondu.

Peut-être parce que je n’en pouvais plus de penser. De tourner en rond. De sentir l’odeur de sa peau accrochée à la mienne comme une brûlure qu’aucun savon ne sait laver.

Ou peut-être… parce qu’une part de moi voulait entendre sa voix. Une seule fois. Pour être sûre qu’il n’était qu’un cauchemar.

Mais ce n’était pas un cauchemar.

C’était pire. C’était réel.

Quand j’ai décroché, je suis restée muette.

Je pensais avoir le temps de respirer. De poser des mots. De dire non.

Mais il n’a pas attendu.

— Prépare-toi. J’envoie une voiture.

Sa voix a claqué comme un ordre. Sèche, tranchante, impérieuse.

Pas une invitation . Ce n'est pas une demande . C'est une vérité nue. Une décision déjà prise pour moi.

J’ai voulu refuser. Mes lèvres se sont entrouvertes. Mais rien n’est sorti. Rien, sinon ce vide que je traîne depuis cette nuit.

Et maintenant, je suis là.

Piégée dans une bulle de silence feutré, au sommet d’un hôtel qui domine toute la ville.

Un décor trop calme, trop propre, trop cher. Comme si le luxe pouvait masquer la noirceur qu’il abrite.

Je reste debout, immobile, le cœur cognant trop fort, mes paumes moites contre mes cuisses.

Il est là, assis, de dos. Silencieux. Une silhouette noire dans un fauteuil de cuir.

Mais je sens son regard dans le miroir. Une chaleur glaciale dans mon dos.

Je ne bouge pas.

Il finit par se lever. Lentement. D’une lenteur presque théâtrale.

Comme s’il savait que chaque seconde m’écorche un peu plus.

— Tu es là, dit-il, sans surprise.

Sa voix n’a pas changé. Grave. Calme. Contrôlée. Mais il y a autre chose dessous. Quelque chose de plus sombre. Une tension qui pulse.

— J’ai lu votre… proposition, dis-je, le regard droit, même si mes jambes menacent de céder.

Je m’attends à un sourire, un trait d’ironie.

Il n’en est rien. Il reste immobile. Son visage est une énigme sculptée dans la pierre.

— Et tu es venue pour refuser ?

Je hoche la tête.

— Je ne suis pas à vendre.

Il penche légèrement la tête. Ses yeux s’enfoncent dans les miens, et j’ai l’impression de m’y noyer.

— Tu l’étais pourtant cette nuit-là.

— Ce n’était pas moi, dis-je d’une voix plus sèche. Je remplaçais quelqu’un. Ce n’est pas ma vie. Ce n’est pas ce que je fais.

Il s’approche.

Un pas. Puis un autre.

Sa démarche est lente, posée, presque féline. Chaque mouvement semble calculé pour écraser, pour dominer.

Il s’arrête à un souffle de moi , trop près , trop réel.

— Et pourtant, tu as ouvert cette porte. Tu t’es déshabillée. Tu n’as pas dit non.

Je recule d’un pas, mais je sens le mur dans mon dos.

Je ne peux pas fuir.

— Parce que j’avais besoin d’argent, je murmure.

Il sourit enfin. Mais c’est un sourire sans chaleur.

— Et tu en as toujours besoin, non ?

Je baisse les yeux.

Il sait , bien sûr qu’il sait pour ma mère et son cancer , les traitements. Les factures impayées. Les nuits blanches à faire des comptes qui ne s’équilibrent jamais.

Il ne me tend pas la main.

Il me jette une corde. Une corde à laquelle est noué un nœud coulant.

— Cinq millions.

La phrase tombe. Brutale. Irréelle.

— Pour m’acheter, dis-je d’un ton âpre.

Il ne cille pas.

— Pour t’arracher à la noyade.

Un silence.

— Et tu ne seras pas une prostituée, ajoute-t-il. Tu seras à moi. Seulement à moi.

Je relève les yeux.

— Et si je refuse ?

Il ne répond pas tout de suite. Il se détourne, fait un pas vers la fenêtre. Regarde la ville, sans vraiment la voir.

Puis sa voix revient, plus basse.

Plus dangereuse.

— Alors je t’oublie. Et tu retournes à ta réalité. L’hôpital. Les dettes. La peur , le vide.

Il marque une pause.

— Mais tu penseras à moi . Pas parce que tu m’as aimée. Mais parce que j’étais la sortie… et que tu as choisi de t’en détourner.

Je serre les dents.

— Vous êtes un monstre.

Il se retourne.

Son regard est d’un calme terrifiant.

— Non. Je suis un homme à qui tu as appartenu une fois. Et qui a décidé que ce ne serait pas la dernière.

Je détourne le visage.

Je veux hurler , le gifler. M’enfuir.

Mais mon corps ne suit pas.

Et une image me déchire de l’intérieur.

Ma mère. Allongée dans ce lit d’hôpital. Trop faible pour se lever. Trop digne pour se plaindre.

Ses mains dans les miennes. Sa voix rauque.

Et ce mot qui revient toujours :

“Ne t’en fais pas pour moi, ma chérie.”

Mais je m’en fais.

Et je n’ai plus de solution.

Je ferme les yeux.

Je retiens mon souffle.

Et je chute.

— Six mois , pas un jour de plus , je suis là pour six mois .

Ma voix tremble. Ma gorge brûle.

— Et vous ne touchez pas à ma famille. Jamais. Ni de près, ni de loin.

Je sens son sourire avant de l’entendre.

Il s’approche.

Je sens ses doigts frôler mon menton. Je recule, mais il est déjà là. Implacable.

— Bien sûr, gattina. Ta famille ne m’intéresse pas. Toi seule m’intéresses.

Son regard me cloue.

Pas de passion. Pas de tendresse. Juste un feu noir. Une obsession.

— Tu viens de faire le choix le plus intelligent de ta vie.

Je baisse les yeux.

Je me retiens de pleurer.

Pas ici. Pas devant lui.

Mais je sais, au fond de moi, que quelque chose vient de se briser.

Et que ce contrat n’est pas une issue.

C’est une cage.

Et le verrou vient de claquer.

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