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Chapitre 2 — Le goût du vertige

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-07-23 00:03:18

Nahia

Parce que je ne me sentais pas héroïque.

Je me sentais comme un silence trop lourd. Un vide trop profond.

Mais j’ai hoché la tête. Et j’ai gardé le silence.

Trois jours plus tard.

Les murs de l’hôpital sont devenus familiers. Trop blancs. Trop froids. L’odeur de désinfectant colle à ma peau. Je marche entre les couloirs avec mes plateaux, les yeux brûlés de fatigue.

Maman ne respire plus bien. Ses poumons lâchent. Le médecin m’a parlé d’un transfert en soins intensifs , urgent , inévitable.

Mais je n’ai pas l’argent.

Je n’ai plus rien , plus de force. Plus de dignité. Juste ce vide en moi que la nuit d’hôtel n’a pas su combler.

Alors quand l’homme en costume entre dans le service, j’ai l’impression que le temps s’arrête.

Je sais que c’est lui.

Pas parce que je le reconnais.

Mais parce que l’air change autour de lui. Parce que le silence s’installe comme une chape de plomb.

Il s’approche.

Et me tend une enveloppe.

Je la prends. Mes doigts tremblent malgré moi.

À l’intérieur : une carte, une adresse, un numéro.

Et ces deux mots, tracés à l’encre noire.

— Il vous attend.

Je sens mon ventre se tordre. Ma gorge se refermer.

Mais je sais déjà que j’irai.

Parce que ma mère n’a plus le temps.

Et que moi… je n’ai plus d’autre issue.

Je n’ai rien mangé depuis la veille.

Pas parce que je n’ai pas faim. Mais parce que tout a un goût de cendre, depuis cette nuit-là. Même l’eau me brûle la gorge.

Je suis rentrée. J’ai lavé mes vêtements deux fois. Puis mes cheveux. Puis ma peau. Mais l’odeur est restée. Ou peut-être que c’est dans ma tête , dans mon ventre , dans mes os.

Je l’ai laissé me prendre. Je l’ai laissé entrer en moi alors que personne ne l’avait jamais fait.

Et je ne peux pas m’empêcher de me demander si ça aurait été différent… s’il avait été quelqu’un d’autre.

Quelqu’un de doux.

Quelqu’un qui m’aurait regardée.

Parce que lui, il ne m’a jamais regardée vraiment. Pas comme une personne. Pas comme une fille. Il m’a prise comme on s’approprie une chose. Et pourtant, je n’ai pas dit non. Je n’ai pas crié. Je n’ai pas fui. Pourquoi ?

Je suis allée là-bas de mon plein gré. J’ai attendu. J’ai ouvert la porte. J’ai défait ma robe. Est-ce que ça fait de moi une pute ?

Je ne suis pas comme Camila. Je ne l’ai jamais été. Et pourtant, pour un instant… j’ai pris sa place. Et ça me colle à la peau comme une étiquette que je n’arrive pas à arracher.

Je tourne en rond dans l’appartement. Le téléphone est posé sur la table. L’enveloppe aussi.

Son nom n’était pas écrit. Mais je sais qu’il s’agit de lui. Cet homme. Ce monstre. Ce dieu. Je ne sais plus.

Pourquoi il me veut encore ? Il aurait pu appeler Camila. Il aurait pu choisir une autre. Pourquoi moi ?

Je passe devant le miroir. Je m’arrête.

Je me regarde, longtemps.

Et soudain, l’image me frappe : ce n’est pas une victime que je vois.

C’est une fille que je ne reconnais plus. Les lèvres serrées. Les yeux secs. Les mains crispées.

Je déteste ce qu’il a réveillé en moi.

Mais je déteste encore plus le fait que… j’ai pensé à lui.

Pas à ce qu’il m’a fait.

À lui.

À ses mains.

À sa voix.

Et à cette façon qu’il a eue de prendre sans demander, sans trembler, sans hésiter.

Je secoue la tête.

Non. Je ne peux pas replonger là-dedans. Je dois me concentrer sur maman. Sur ses soins. Sur l’hôpital.

Et pourtant, mes doigts effleurent l’enveloppe.

Une fois. Deux fois.

Je n’ai qu’à l’appeler.

Juste une fois.

Mais si je le fais, je bascule.

Et je sens déjà le vertige me happer.

Chapitre 3 — Le goût du manque

Salvatore

Elle n’aurait jamais dû rester dans mon esprit.

Je n’ai ni son nom, ni son histoire. Seulement une odeur. Une peau. Une voix à peine audible, glissée entre deux silences.

Et ce regard. Ce regard qui ne suppliait pas. Qui ne fuyait pas.

Un regard vide. Trop vide.

Je déteste les imprévus.

Je ne supporte pas qu’on trouble mes certitudes.

Et pourtant, depuis cette nuit-là, tout a perdu sa saveur. Même le whisky. Même la vengeance.

Elle n’était rien qu'une erreur de dernière minute , qu'une remplaçante , une fille de passage.

Mais jamais encore je n’avais ressenti ce manque. Cette tension sous la peau, comme un poison qui refuse de s’éteindre.

Je l’ai prise pour faire taire ce que je devinais en elle.

Cette flamme , ce défi muet , cette faille qu’elle camouflait mal.

Mais elle s’est offerte sans un mot. Sans résistance.

Et c’est cela qui m’a désarmé.

Ce n’était pas de la docilité. Ni de la résignation.

C’était autre chose.

Une forme de silence plus dangereuse que tous les cris.

Un vide dans lequel je suis tombé tête la première.

Depuis, je ne dors plus.

Je travaille. Je tranche. Je dicte mes lois à des hommes qui tremblent en souriant.

Mais elle…

Elle s’impose.

Présente jusque dans l’absence.

Nue dans mes pensées.

Inexplicable.

Et puis, il y a eu la révélation.

Elle n’était pas une prostituée.

Elle ne faisait pas ce métier.

Elle a revêtu un rôle qu’elle ne maîtrisait pas. Elle a joué un personnage avec la maladresse de l’urgence. Et moi, je l’ai marquée. Comme un animal marque ce qu’il refuse de perdre.

Elle est à moi.

Même si elle l’ignore encore.

J’ai demandé qu’on la retrouve.

Discrètement. Sans fracas.

Un prénom, un numéro, une adresse. Je n’avais besoin de rien d’autre. Je ne veux pas la connaître. Je veux la posséder.

Je suis Salvatore Caruso.

Et ce que je décide, je l’obtiens.

L’enveloppe est partie ce matin. L’offre est claire.

Cinq millions.

Six mois.

Son corps.

Son silence.

J’y ai ajouté une clause que mes hommes n’ont même pas osé questionner :

Aucune échappatoire.

Aucune fuite.

Je ne lui demande pas d’aimer ça.

Je ne lui laisse pas le choix.

Les faibles mendient. Les autres marchandent.

Mais elle… elle n’a rien dit.

Rien.

Et c’est précisément pour cela que je veux la briser.

Ou peut-être… la comprendre.

Mais non. Je refuse d’aller jusque-là , je ne ressens pas.

Je conquiers , je consume.

Et pourtant, elle a réveillé en moi quelque chose que je croyais éteint.

Je ne peux pas la laisser s’évanouir dans l’oubli.

Pas maintenant , pas après ça.

Je fixe les écrans. Les caméras. Les rapports tombent.

Elle n’a pas appelé.

Mais elle a touché l’enveloppe.

Trois fois , elle lutte , je souris.

Je connais ce frisson , ce doute , ce vertige.

Ce n’est pas l’argent qui la fera céder.

C’est l’appel du vide.

Et moi…..Moi, je suis la chute.

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