Chapitre 1

Au troisième mois de la disparition de Valentin, alors que je le cherchais désespérément à travers le monde, je l'ai aperçu dans un bar, en train de faire boire son premier amour bouche-à-bouche.

« La mort de notre Alpha est confirmée. Nous devons organiser l'élection de son successeur », ai-je annoncé d'une voix blanche au téléphone.

« Vraiment ? Nous abandonnons les recherches ? » s'est étonné le membre du Conseil des affaires de la meute à l'autre bout du fil.

À travers l'entrebâillement de la porte, j'ai vu mon compagnon enlacer Mélodie tout en lui pinçant les joues avec tendresse.

Une douleur aiguë m'a transpercé la poitrine. « Trois mois... Les équipes de secours n'ont rien trouvé. La meute a besoin d'un Alpha », ai-je répondu, la voix étranglée.

À quoi bon retrouver un Alpha qui avait abandonné sa meute et sa campagne ?

Après avoir donné des instructions pour l'élection, j'ai raccroché et suis retournée dans une salle privé.

Mon amie, voyant mes yeux rougis, m'a tendu un cocktail fruité : « Béatrice, je sais que c'est dur... Mais après trois mois, il faut faire ton deuil. »

Mes mains tremblaient si fort en saisissant le verre que l'alcool a failli se renverser. J'ai bu d'un trait, noyant ma peine dans cet amer breuvage.

L'alcool était âpre, mais mon cœur l'était bien davantage.

Les larmes aux yeux, j'ai demandé à mon amie : « Est-ce que... quelqu'un pourrait feindre sa disparition pour tromper sa compagne ? »

Elle a cru que le chagrin me faisait divaguer et m'a rassurée : « Allons, personne n'est assez vil pour ça. Autant mourir pour de bon. »

J'ai hoché la tête, vacillante : « Oui... Considérons-le comme mort. »

Puis je suis partie sans me retourner. Le trajet jusqu'à la maison m'a paru interminable.

Chez nous, chaque recoin gardait l'empreinte de Valentin et de nos souvenirs. Les deux couverts sur la table témoignaient de notre dernière discussion passionnée à la veille de sa disparition, quand nous avions encore planifié la fête de la Pleine Lune pour nous unir sous les rayons de la Déesse Lunaire.

Puis... le lendemain, l'annonce de sa disparition.

Assise sur le canapé, j'ai serré contre moi la peluche qu'il avait confectionnée avec les poils de sa mue. « Quand je te manquerai, ce doudou te tiendra compagnie », avait-il disait.

Ses paroles tendres résonnaient en dissonance avec son indifférence actuelle.

Les mots écœurants de Valentin me sont revenus en mémoire :

« Béatrice était si douce et compréhensive avant le mariage... Depuis, elle devient étouffante. Je lui ai donné le titre de Luna pour gérer la meute, pas pour me contrôler ! »

« Elle a abusé de son pouvoir. Cette disparition lui apprendra ses limites », avait-il ricané tandis que Mélodie, blottie contre lui, lui faisait passer un shot bouche-à-bouche. Il avait accepté le liquide sans hésitation.

« Tu vois comme je suis une meilleure amie ? » avait gloussé Mélodie, « Je ne te bride jamais. Je t'ai même procuré la potion de métamorphose chez la sorcière ! »

« Évidemment, personne ne te remplace », avait-il répondu en l'enlaçant, « Dommage que l'effet soit si court... »

« Sois tranquille, j'en ai assez pour plusieurs jours de liberté », avait-elle murmuré en traçant des cercles sur sa poitrine.

Ils se proclamaient « meilleurs amis » tout en s'enlaçant avec une intimité équivoque, leurs corps entrelacés comme des amants.

Ce souvenir m'a soulevé le cœur. D'un geste vif, j'ai déchiré la peluche et l'ai jetée au sol.

Pourquoi cette mascarade ? S'il était mécontent, pourquoi ne pas avoir rompu notre lien de couple au lieu de simuler cette disparition ?

...

Le lendemain, j'ai convoqué l'assemblée. D'une voix claire, j'ai annoncé : « En tant que votre Luna, je déclare que notre Alpha Valentin est mort. Ses funérailles auront lieu avant l'élection du nouvel Alpha. »

À ces annonce, les frères de Valentin ont bondi de leurs sièges, protestant avec véhémence :

« Attends ! Il n'y a aucune preuve de sa mort ! C'est trop précipité, les funérailles ! »

« Béatrice, tu perds la tête ou quoi ? Valentin est toujours en vie ! »

« Tu oses déchoir un Alpha ? Il va t'écorcher vive à son retour ! »

Un sourire glacé a étiré mes lèvres : « Un mort peut-il se fâcher ? »

Ignorant les protestations, j'ai poursuivi : « En tant que sa compagne, j'ai l'autorité pour prononcer son décès. Désormais, c'est moi qui dirige la meute. La semaine prochaine, le jour de ses funérailles, le Conseil des affaires et moi désigneront son successeur. »

Sur ces mots, j'ai clôturé la réunion sous les grondements des frères et les chuchotements intrigués de la meute.