Seule dans la forêt

Chapitre six : Seule dans la forêt

Point de vue de Saphira

J’ai couru aussi loin que j’ai pu, les jambes tremblantes à chaque pas. L’air froid du matin me mordait la peau, mais n’apaisait en rien la tempête qui faisait rage en moi. Peur. Honte. Solitude. Le goût amer du rejet et de l’humiliation persistait dans ma bouche comme de la cendre.

Je n’avais nulle part où aller. Nulle part où me cacher. Le territoire de la meute, les couloirs, les gardes… tout leur appartenait. À Axel, à Mina, à ce monde où je n’avais pas ma place. Je n’avais ni famille, ni foyer, personne vers qui me tourner. Ma gorge se serra et les larmes brouillèrent ma vue.

Je me suis enfoncée dans la forêt, à l’aveuglette, me laissant engloutir par les arbres. Leurs ombres s’étiraient comme de sombres doigts et je me suis plaquée contre l’écorce rugueuse d’un vieux chêne, essayant de reprendre mon souffle. Mon corps me faisait souffrir – chaque muscle hurlait de stress, d’épuisement, de faim. Ma tête me faisait mal. Mon estomac gargouillait. Je n'avais rien mangé depuis la nuit dernière.

Je cueillis quelques fruits sauvages sur une branche basse, les serrant désespérément dans ma main. Leur saveur douce-acidulée me parvint à peine, mes mains tremblant tandis que je les enfournais dans ma bouche. Chaque bouchée était un mince réconfort, un rappel que j'étais encore en vie, mais rien n'apaisait la peur lancinante qui me tordait la poitrine.

Je m'effondrai au sol, les genoux serrés contre ma poitrine, frissonnante – non pas de froid, mais d'impuissance. Mon esprit repassait sans cesse en boucle le regard froid d'Axel, le sourire cruel de Mina, la bousculade, la peur, l'humiliation. Ma poitrine se serrait si fort que je crus étouffer.

J'avais envie de crier. D'appeler à l'aide.

« Quelqu'un… s'il vous plaît… n'importe qui… » murmurai-je d'une voix rauque dans les arbres dénudés. « Aidez-moi… »

La forêt répondit par le silence. Aucun pas. Aucun bruissement. Aucune voix qui résonnait. Seul le vent, soufflant à travers les branches comme s'il connaissait mon impuissance et l'ignorait.

J'enfouis mon visage dans mes bras, sanglotant. Des sanglots secouaient mon corps, me laissant épuisée et tremblante. Mes larmes trempaient le devant de mes vêtements en lambeaux, et mes mains étaient écorchées à force de m'accrocher à l'écorce rugueuse pour me soutenir.

J'étais si petite. Si seule. Si vulnérable. Pendant des années, j'avais survécu seule, orpheline, mais ça… c'était pire. Ici, je n'avais rien. Pas d'abri, pas de protection, personne pour se soucier de moi. Juste le vide, les arbres, la terre froide sous moi, et mon propre cœur qui battait la chamade, paniqué.

J'essayai de me lever, de continuer à avancer, de survivre un instant de plus, mais mes jambes étaient faibles. Mon corps voulait s'effondrer. Mon estomac me faisait souffrir de la faim. Ma gorge était irritée par les pleurs et les appels, par les supplications, par les prières murmurées que personne ne pouvait entendre.

Je me demandais si Axel me retrouverait un jour. S'en soucierait-il seulement ? Saurait-il que je n'avais personne, aucune sécurité, aucune protection ? Mon cœur battait la chamade à cette pensée. Je ne savais même pas si je voulais qu'il s'intéresse à moi… mais une partie de moi, une petite partie désespérée, aspirait à ce qu'il apparaisse, qu'il me sauve, qu'il me dise que je ne valais rien.

La forêt semblait se refermer sur moi, les ombres s'étirant, chuchotant, m'oppressant. Ma respiration était saccadée, haletante. Mes mains s'enfonçaient dans la terre tandis que je me forçais à avancer. Chaque pas était une torture, chaque bruit – une brindille qui craque, une feuille qui bruisse – me faisait sursauter.

Et puis… j'entendis des voix.

Graves, rauques et cruelles. Pas la voix douce et autoritaire d'Axel. Pas la voix perçante et calculatrice de Mina. Mais quelque chose de dangereux. De prédateur.

Je me figeai. Mon corps se raidit. Mes mains tremblaient si violemment que je pouvais à peine tenir debout. Je tendis l'oreille.

Deux silhouettes émergèrent des ténèbres. Des hommes. Des bandits. Leurs yeux étaient froids, affamés. Leurs mouvements lents, délibérés, assurés. Ils sourirent d'un air narquois, échangèrent un regard, puis s'approchèrent.

Mon cœur se serra de terreur. Mes instincts de loup hurlaient, même si je les comprenais à peine. Danger. Peur. Fuir. Combattre. Protéger.

Je reculai en titubant, trébuchant sur les racines et les feuilles. Mes mains raclaient la terre, la poussière se mêlant à mes larmes. « N-Non… s'il vous plaît… je ne… » balbutiai-je, la voix brisée. Mes mots portèrent à peine dans le vent. « Je ne veux pas d'ennuis. S'il vous plaît… laissez-moi tranquille… »

Ils rirent, d'un rire bas et cruel, et ce son me noua l'estomac. Je reculai précipitamment, les genoux flageolants, le corps secoué de tremblements incontrôlables. La forêt, qui m'avait paru un sanctuaire, était maintenant un piège.

Je me plaquai contre un arbre, essayant de disparaître, de me faire aussi petite que possible, essayant de les faire passer à côté de moi. Mais ils ne le firent pas. Ils se sont approchés, un sourire narquois aux lèvres, sûrs d'eux et cruels.

La panique m'étreignait. Ma respiration était rapide, superficielle, irrégulière. Les larmes coulaient à flots, inondant mes joues. Ma gorge me brûlait à force de sangloter et d'appeler à l'aide.

« Je… je ne veux pas d'ennuis ! » ai-je murmuré d'une voix faible et tremblante. « S'il vous plaît… s'il vous plaît… »