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Le retour au royaume

Author: Adek
last update Last Updated: 2025-08-12 06:10:43

Le taxi s’arrêta devant les grandes grilles noires surmontées de dorures. Même dans la nuit, la villa des Bakary imposait son luxe. Des lumières discrètes éclairaient l’allée bordée de palmiers taillés au millimètre.

Alia resta immobile quelques secondes, le front collé contre la vitre. Ce portail, elle ne l’avait pas franchi depuis six ans.

— Tu es prête ? demanda sa tante Cécile en posant une main sur son bras.

— Pas vraiment… mais on n’a pas le choix.

Elles descendirent. Un vigile les dévisagea avec un mélange d’embarras et d’hésitation, comme s’il ne savait pas s’il devait ouvrir ou prévenir quelqu’un. Finalement, il appuya sur le bouton. Les lourdes grilles s’écartèrent lentement dans un grincement discret.

L’air sentait le jasmin et la pierre mouillée. Les talons de Cécile résonnaient sur le pavé, tandis qu’Alia avançait d’un pas plus mesuré, observant les ombres des colonnes, la façade blanche immaculée, les baies vitrées qui reflétaient la lumière chaude de l’intérieur.

---

Dès qu’elles entrèrent dans le vaste hall, le parfum entêtant de lys blancs et de cire d’ameublement les enveloppa. Les murs étaient ornés de tableaux, les lustres en cristal jetaient des éclats au plafond.

Et là, sur un grand canapé crème, la nouvelle épouse de son père, habillée d’une robe de soie ivoire, se leva. Belle, comme toujours, mais glaciale. Ses yeux clairs glissèrent sur Alia comme sur un meuble déplacé.

— Alia… murmura-t-elle, sans chaleur.

— Madame, répondit Alia, la voix neutre.

À côté d’elle, une jeune femme de vingt ans, mince, peau claire comme celle de sa mère, les cheveux lissés impeccablement. Demi-sœur d’Alia. Même absence d’expression.

— Mes condoléances, dit Cécile, d’un ton ferme.

— Merci… répondit la belle-mère. Asseyez-vous.

---

Sur la table basse, trônait un cadre argenté : une photo récente du père d’Alia, le sourire franc. Mais l’homme qui reposait sur le canapé à l’autre bout du salon n’avait plus ce sourire.

Le corps, étendu et recouvert d’un drap blanc jusqu’à la poitrine, semblait minuscule au milieu des coussins. Son visage était pâle, les traits détendus. Alia sentit ses genoux trembler.

— Tu veux… t’approcher ? souffla sa tante.

Elle s’avança, chaque pas plus lourd que le précédent. Sa gorge se serrait, ses mains étaient froides. Elle s’agenouilla près de lui, chercha dans ce visage inerte l’écho du père qui, autrefois, la portait sur ses épaules.

Rien. Juste un silence qui hurlait.

— Je suis venue, papa… dit-elle presque sans voix.

---

— Nous ne pensions pas que tu viendrais, lança la voix tranchante de sa belle-mère derrière elle.

Alia se redressa lentement.

— Pourquoi ?

— Eh bien… Tu sais, tu n’étais pas… très présente dans sa vie ces dernières années.

Un sourire presque imperceptible étira les lèvres de la demi-sœur.

— Peut-être parce qu’on m’en a tenue à l’écart, répondit Alia calmement, mais avec un éclat d’acier dans les yeux.

Sa belle-mère haussa légèrement les sourcils, comme si la répartie l’avait surprise.

— Ce n’est pas le moment pour ce genre de remarques. Nous sommes en deuil.

Cécile, qui jusque-là avait observé en silence, intervint d’un ton sec :

— Justement, Madame Bakary. Ce n’est pas le moment de diviser, mais de respecter les liens du sang.

Un silence tendu suivit, seulement troublé par le tic-tac lointain d’une horloge ancienne.

---

Un homme en costume sombre entra alors. Il avait une cinquantaine d’années, des lunettes rectangulaires et une mallette noire.

— Mesdames… je suis Maître Djibril, le notaire de Monsieur Bakary. Je suis désolé pour votre perte.

La belle-mère s’avança, comme pour reprendre le contrôle de la scène.

— Maître, ce n’est peut-être pas le moment…

— Je comprends, Madame. Mais conformément aux volontés du défunt, la lecture du testament aura lieu demain matin à neuf heures précises, dans mon cabinet.

Il se tourna alors vers Alia, comme si la pièce entière venait de disparaître autour d’eux.

— Mademoiselle Bakary… il est impératif que vous soyez présente.

Un murmure presque imperceptible se fit entendre : la demi-sœur.

— Pourquoi elle ?

La belle-mère, elle, perdit un instant son masque lisse.

— Pardon ? fit-elle, un ton plus haut.

— Oui, répéta le notaire calmement. C’est une clause expresse de votre défunt mari : la lecture ne peut se faire qu’en présence de ses deux filles… et plus particulièrement, de son aînée.

Le mot aînée claqua comme une gifle invisible. Les yeux de la belle-mère se rétrécirent, un éclat d’hostilité y dansant.

— Soit, dit-elle enfin, la voix froide. Mais inutile de nourrir de faux espoirs.

Alia, elle, ne dit rien. Elle se contenta de soutenir son regard, jusqu’à ce que sa belle-mère détourne les yeux.

---

Le notaire referma doucement sa mallette.

— Je vous laisse vous recueillir. Mais, encore une fois, Mademoiselle… soyez à l’heure demain. C’est… important.

Il marqua une courte pause, comme s’il s’apprêtait à en dire plus, puis se ravisa.

Cécile posa une main discrète sur l’épaule de sa nièce.

— On y sera, dit-elle simplement.

---

Elles quittèrent la villa une heure plus tard. Derrière elles, les grilles se refermèrent dans un claquement lourd, comme si elles tentaient de retenir quelque chose à l’intérieur.

Dans le taxi, Alia resta silencieuse, le regard fixé sur les lumières de la ville qui défilaient.

Demain, elle saurait.

Ou peut-être… qu’elle ne voudrait pas savoir.

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