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Chapitre 7 : L’autre côté du miroir

Auteur: Déesse
last update Dernière mise à jour: 2025-04-02 04:00:27

Clara

Je le suis.

À travers le dédale sombre du Corbeau Noir, je marche sur ses traces, retenant mon souffle.

Loin du vacarme de la taverne, il m’entraîne dans un couloir plus étroit, où l’air est plus froid, plus épais. Chaque pas semble m’enfoncer un peu plus dans un territoire interdit.

Mon cœur cogne contre ma poitrine.

Je devrais partir.

Je dois partir.

Mais mes pieds avancent d’eux-mêmes.

Raphaël pousse une porte en bois massif. L’espace derrière est plus grand que je ne l’imaginais. Pas une simple pièce, mais un bureau, un repaire.

Le silence règne ici.

Des étagères croulent sous des livres épais, certains recouverts de poussière, d’autres ouverts comme s’ils avaient été feuilletés la veille. Une grande table trône au centre, envahie de papiers, de cartes. Des documents que je ne devrais pas voir.

Un fauteuil en cuir. Une bouteille de whisky à moitié vide. Une fenêtre, aux rideaux tirés, d’où filtre la lueur diffuse des lanternes de la ville.

Tout ici porte son empreinte.

Un autre Raphaël.

Celui qui règne sur ce lieu.

Celui qui m’effraie et m’attire à la fois.

Il referme la porte derrière moi.

Le loquet claque.

Je me raidis.

Il avance lentement, s’appuyant contre son bureau, bras croisés.

« Tu veux savoir qui je suis, n’est-ce pas ? »

Sa voix est plus grave. Plus posée.

Je déglutis, hochant doucement la tête.

Il laisse passer un silence.

Puis, d’un geste lent, il attrape une liasse de papiers sur son bureau et les fait glisser vers moi.

« Regarde. »

Je fronce les sourcils, hésite, puis avance prudemment.

Mes doigts effleurent les pages. Des noms, des chiffres, des transactions.

Des affaires.

Illégales.

Je relève les yeux vers lui, mais il ne détourne pas le regard.

Il attend.

« C’est ça, ton monde ? » ma voix est un souffle.

Il ne répond pas tout de suite.

Puis, d’un ton calme :

« C’est la seule chose que je connaisse. »

Je ne peux pas m’empêcher de serrer les poings.

« Et ça ne te dérange pas ? De… de vivre dans ça ? »

Un rictus étire ses lèvres.

« Et toi, Clara ? Tu vis dans quoi ? »

Je me fige.

Il s’avance d’un pas.

« Dans un monde de prières ? De règles qu’on t’a imposées ? Tu crois que ta place est là-bas, avec les sœurs ? Ou est-ce juste un refuge ? »

Son regard me transperce.

Comme s’il voyait à travers moi.

Je détourne les yeux.

« Je crois en Dieu. »

Il hoche la tête, lentement.

« Mais est-ce que tu crois en ce que tu es, Clara ? »

Un frisson me parcourt.

Il est trop proche.

Trop intense.

Je fais un pas en arrière, mais il me devance, posant une main sur le dossier du fauteuil derrière moi.

Piégée.

Il murmure, son souffle frôlant ma joue :

« Je peux te montrer mon monde, Clara. Mais es-tu prête à le voir vraiment ? »

Raphaël

Elle tremble.

Pas de peur.

Pas encore.

C’est autre chose.

Une tension fragile. Un équilibre sur le fil du rasoir.

Je pourrais la briser.

La faire fuir.

Mais quelque chose me retient.

Ce n’est pas une femme comme les autres. Elle n’a rien à faire ici. Rien à faire avec moi.

Et pourtant…

Elle est là.

Je tends la main, effleurant le bord de son voile. Elle tressaille, mais ne bouge pas.

Une épreuve silencieuse.

Je pourrais le retirer. Voir ce qu’elle cache.

Mais je ne le fais pas.

Pas encore.

Je me contente de murmurer :

« Rentre chez toi, Clara. Avant qu’il ne soit trop tard. »

Elle relève enfin les yeux.

Une lueur de défi.

Et cette fois, je sais qu’elle ne partira pas.

Clara

Je devrais partir.

L’ombre de Raphaël s’étire sous la lueur vacillante de la lampe à huile. Sa silhouette est un piège, son regard une lame qui effleure ma peau. Tout en lui est une frontière que je ne devrais pas franchir.

Et pourtant…

Je suis encore là.

Sa main repose sur le dossier du fauteuil derrière moi, m’empêchant de reculer davantage. Il ne me touche pas, mais la chaleur de son corps me brûle comme une braise sous la peau.

Son regard s’attarde sur moi, cherchant… quoi ? Une faiblesse ? Un aveu ?

Je veux parler, dire quelque chose qui nous ramènerait à la raison, mais ma gorge est sèche.

C’est lui qui rompt le silence.

« Tu devrais partir. »

Je ne bouge pas.

Il penche légèrement la tête, un sourire imperceptible aux lèvres.

« Tu es têtue. »

Je serre les poings.

« Je veux comprendre. »

« Comprendre quoi ? »

« Toi. Ce lieu. Pourquoi tu es ici. »

Son sourire disparaît.

Il se redresse, prenant un peu de distance, et je respire enfin.

« Ce n’est pas un endroit pour toi. »

« Mais c’est le tien. »

Il passe une main dans ses cheveux, visiblement agacé.

Puis, d’un ton plus grave :

« Je gère les affaires du Corbeau Noir. »

Je fronce les sourcils.

« Lesquelles ? »

Il s’appuie contre son bureau, les bras croisés.

« Les paris. La protection. Les transactions qui ne doivent pas exister. »

Mon cœur rate un battement.

« Tu es un criminel. »

Il rit doucement.

« C’est ce qu’on dit, oui. »

Je secoue la tête.

« Et ça ne te dérange pas ? »

Son regard s’assombrit.

« Pourquoi ça me dérangerait ? »

Je cherche une réponse, mais je ne la trouve pas.

Il se penche légèrement vers moi.

« Et toi, Clara ? Ça te dérange vraiment… ou c’est autre chose qui te trouble ? »

Je détourne les yeux.

Il soupire, puis attrape un cigare posé sur son bureau. Il l’allume, tire une bouffée, puis souffle la fumée lentement.

« Pourquoi es-tu ici, Clara ? »

Je le fixe, les doigts crispés sur le tissu de ma robe.

« Parce que je veux comprendre. »

Il secoue la tête.

« Non. Tu veux autre chose. »

Un silence.

Puis, d’une voix plus basse :

« Tu veux voir jusqu’où tu peux aller. »

Un frisson me parcourt.

Il ne me touche toujours pas, mais il est trop près, trop présent.

Je me force à respirer lentement.

« Tu te trompes. »

Son sourire est froid.

« Alors prouve-le. Pars. »

Raphaël

Elle ne bouge pas.

Je vois son hésitation, ce combat intérieur qu’elle pense cacher.

Elle ne devrait pas être là.

Et moi, je devrais la laisser partir.

Mais au lieu de ça, je me surprends à attendre.

À espérer qu’elle reste.

Je l’observe, cherchant une faille dans ses certitudes.

Puis, doucement, je pose mon cigare sur le bord du bureau et me rapproche.

Elle recule d’un pas.

Enfin.

Mais elle ne fuit pas.

« Tu ne devrais pas jouer à ce jeu, Clara. »

Elle relève le menton.

« Ce n’est pas un jeu. »

Je souris.

« Alors qu’est-ce que c’est ? »

Elle ouvre la bouche, puis se ravise.

Je laisse planer un silence.

Puis, à voix basse :

« Tu veux voir l’envers du décor ? Très bien. Viens avec moi. »

Elle hésite, mais je vois la curiosité briller dans ses yeux.

Alors, sans attendre sa réponse, je me détourne et ouvre une porte cachée derrière la bibliothèque.

Un escalier de pierre s’enfonce dans l’obscurité.

Sans un mot, je descends.

J’entends son souffle s’accélérer.

Puis…

Ses pas qui me suivent.

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