LOGINAlthéaLe son n'est pas humain. C'est un déchirement de la nuit, long, montant, chargé d'une puissance qui fait vibrer l'air. Un à un, chaque membre de la meute lève le museau ou la tête et répond. La clairière se remplit d'une symphonie de hurlements, discordants et harmonieux à la fois, un cri de défi à la nuit, un hymne à la Lune, une affirmation de puissance collective.Le son entre en moi, résonne dans ma cage thoracique, s'insinue dans mon crâne. La peur s'évapore. Quelque chose d'antique, de bien plus vieux que moi, s'éveille et répond. Ma gorge se serre, mes muscles se tendent. Une envie irrépressible, physique, de joindre ma voix à ce chœur me submerge.Kael me pousse doucement en avant. Je m'avance au centre du cercle, face à Kaan. Tous les hurlements cessent d'un coup. Seul le souffle du vent et le battement de cent cœurs emplissent le silence.Kaan me regarde, ses yeux jaunes brillant d'une lueur surnaturelle.—Louve de sang mêlé, fille de la Lune et du Soleil, la meute te
AlthéaJe tourne les talons, prête à défier son ordre. Mais Kael bouge, se plaçant entre moi et l'entrée. Son expression est dure.—Il a raison, Althéa. C'est un suicide. Ton mafioso a fait son choix. Laisse-le assumer.Je les regarde tous les deux, ces deux mâles dominants, unis pour une fois contre moi. Pour me protéger, certes, mais aussi pour me posséder. La vérité m'éclate en pleine face : je suis passée d'une cage dorée à une cage de pierre et d'instincts. Les barreaux sont différents, mais ils sont bien là.La douleur, la rage, la peur pour Lorenzo se télescopent en moi. La chaleur solaire, cette énergie dorée, explose face à cette impuissance. Elle ne jaillit pas en douceur. Elle gronde, furieuse, frustrée.Les torches vacillent. Les flammes du foyer se courbent comme aspirées vers moi. Une lumière dorée, crue, violente, émane de ma peau. Elle n'éclaire pas, elle brûle l'air. La grotte entière semble retenir son souffle. La carte devant Kaan grésille, ses bords noircissent.Ka
AlthéaLes heures qui suivent sont un glacis.Je reste près du torrent jusqu'à ce que le froid m'envahisse à nouveau, mais cette fois, c'est un froid de l'intérieur. Les paroles de Lorenzo sont des éclats de verre dans mes veines. J'ai mal. D'une douleur qui n'a rien de primal, rien de physique. C'est une déchirure nette et profonde, celle d'un choix impossible qui devient, seconde après seconde, inévitable.Kael ne revient pas. La forêt absorbe le jour, les ombres s'allongent, avalent les couleurs. Je finis par me traîner jusqu'à mon abri rocheux. Les fourrures ne me réchauffent pas. L'odeur du clan m'étouffe. La louve en moi est agitée, confuse, tiraillée entre la réponse charnelle à Kael et la détresse profonde, animale aussi, que me cause la souffrance de Lorenzo. L'animal comprend la perte. Il la craint.La nuit est tombée depuis longtemps quand un pas léger annonce une visite. Ce n'est pas Kael. C'est une femme. Elle entre sans bruit, se tenant à l'entrée. Elle est grande, mince
AlthéaFinalement, il sort de l’eau. Je le suis, le corps lourd, violet par endroits, fumant légèrement dans l’air froid. La sensation de l’air sur ma peau nue est maintenant une caresse brûlante, une libération. Je m’effondre sur la berge, haletante, vivante d’une façon que je n’ai jamais connue. Chaque pore, chaque terminaison nerveuse crie sa présence.Kael s’allonge près de moi, sur le dos, regardant le ciel qui pâlit vers le crépuscule. Il ne se couvre pas. Je ne cherche plus à cacher mon corps. La nudité n’a plus d’importance. Il n’y a plus que deux créatures, épuisées, réveillées, partageant le même frisson primal.— La Pleine Lune Rouge approche, dit-il au bout d’un moment. Son pouvoir amplifiera tout. Tes rêves. Tes sens. Ton… besoin.Le mot « besoin » tombe entre nous, chargé d’une nouvelle signification. La proximité de nos corps nus, l’adrénaline de l’épreuve, la sauvagerie qui couve sous la peau créent une tension différente. Électrique. Animale.— Le besoin ? demandé-je,
AlthéaLe travail sur la douleur commence avec le froid.Kael m’emmène au bord d’un torrent glacé, né de la fonte des neiges des sommets voisins. L’eau est d’un bleu opaque, menaçant, et son rugissement emplit l’air d’un grondement constant.— Ton corps humain craint la douleur, lance-t-il en défaisant les lacets de ses bottes. Il la voit comme un ennemi, une faille. Pour la louve, la douleur n’est qu’une information. Une carte du territoire. Elle dit où sont les limites, où est le danger. Elle affine les sens.Il se déshabille sans la moindre pudeur, et je détourne instinctivement les yeux. Mais pas assez vite. J’ai vu la musculature puissante, les cicatrices en réseau sur sa peau dorée, les lignes de son corps qui évoquent moins un homme qu’une force naturelle sculptée. Il est totalement à l’aise dans sa peau, dans cette nudité qui n’a rien de sexuel, mais tout de l’animal.— Enlève tes vêtements, ordonne-t-il, sa voix portant au-dessus du bruit de l’eau.Je le regarde, interdite.—
AlthéaLa deuxième leçon est la perte de contrôle.— Ton humanité est une armure, dit-il plus tard, alors que nous nous affrontons dans un jeu de pousse-pousse qui ressemble à de la lutte. Elle te permet de mentir, de dissimuler, de calculer. La louve, elle, est vérité. Elle est émotion pure. La rage. La peur. Le désir. Tu dois la laisser monter. Sans qu’elle ne te submerge.Il me pousse, et je tombe à la renverse dans l’herbe humide. La colère monte, rapide et brûlante. Mes ongles s’allongent, griffant la terre. Une onde de chaleur frémit sous ma peau.— Voilà ! Ne la retiens pas ! Canalise-la !Je me relève d’un bond, un grognement dans la gorge. Je me lance sur lui. Il pare mon attaque facilement, mais cette fois, je vois la surprise dans ses yeux. J’étais plus rapide. Plus forte. Il esquive, me saisit par le bras et me projette de nouveau au sol. Mais je roule et me remets sur mes pieds, haletante, les sens en alerte. La colère a cédé la place à une concentration aiguë. Une vigila







