LOGINChapitre 4 : Le hasard n'existe pas
LE POINT DE VUE DE Élise
Trois jours passent sans nouvelles de lui.
Trois jours pendant lesquels je me convaincs que c'était juste une rencontre sans importance. Que Nathan Rivière a probablement déjà oublié mon existence. Qu'il devait avoir des dizaines de femmes bien plus intéressantes que moi dans sa vie. Des femmes belles, confiantes, sophistiquées.
Pas une petite éditrice transparente qui passe ses soirées seule avec des livres.
Je devrais être soulagée. Je le suis, d'ailleurs. Enfin, je crois.
Alors pourquoi est-ce que je vérifie mon téléphone toutes les dix minutes? Pourquoi est-ce que mon cœur fait un bond à chaque notification? Pourquoi est-ce que je scrute chaque visage dans la rue, espérant secrètement reconnaître le sien?
C'est pathétique. Je le sais. Et pourtant, je ne peux pas m'en empêcher.
Le mercredi soir, épuisée par cette semaine chaotique, je décide de m'accorder un moment de répit. Ma librairie préférée, La Page Tournée, a organisé une lecture d'un auteur que j'admire depuis des années. Un événement intimiste, avec une trentaine de personnes maximum, dans la petite salle arrière de la boutique.
C'est exactement le genre d'endroit où je me sens à l'aise. Discret. Culturel. Loin du monde superficiel des galeries et des mondanités.
J'arrive en avance, comme toujours, et je choisis une place au fond de la salle. Mon refuge habituel. L'endroit d'où je peux observer sans être vue.
Les gens commencent à affluer. Des habitués que je reconnais de vue, quelques nouveaux visages. L'ambiance est feutrée, chaleureuse. Je me détends pour la première fois depuis vendredi dernier.
Et puis, il entre.
Mon sang se glace.
Nathan Rivière franchit la porte de la librairie comme s'il possédait les lieux. Il porte un pull noir à col roulé et un pantalon sombre, une tenue plus décontractée que son costume de l'autre soir, mais qui n'enlève rien à sa présence magnétique. Au contraire. Ça le rend plus dangereux encore, plus accessible.
Qu'est-ce qu'il fait là?
Il balaie la salle du regard, et ses yeux trouvent les miens instantanément. Comme s'il savait exactement où j'étais. Comme s'il m'avait cherchée.
Un sourire lent étire ses lèvres.
Mon cœur s'emballe. Non. Non, non, non. C'est mon espace. Mon refuge. Il n'est pas censé être ici.
Il traverse la salle, ignorant les regards curieux qu'il suscite, et s'arrête devant ma rangée.
"Cette place est prise?" demande-t-il en désignant le siège vide à côté de moi.
Il y a au moins quinze autres places disponibles dans la salle.
"Je... non," je bégaie.
Il s'assoit, son épaule frôlant la mienne dans cet espace étroit. Je peux sentir la chaleur de son corps, son parfum boisé qui envahit mes sens.
"Élise," dit-il simplement, comme un bonjour.
"Nathan." Ma voix est à peine audible. "Qu'est-ce que vous faites ici?"
Il se penche légèrement vers moi, et je sens son souffle effleurer mon oreille.
"Je pourrais vous poser la même question."
"J'aime les livres. Les lectures."
"Moi aussi."
Je tourne la tête vers lui, incrédule. "Vraiment?"
Son sourire s'élargit. "Vous semblez surprise."
"Vous ne me donnez pas l'impression d'être le genre d'homme qui passe ses soirées à écouter de la poésie dans une petite librairie."
"Et quel genre d'homme vous donnez-je l'impression d'être?"
Dangereux. Prédateur. Le genre qui dévore les femmes avant de les jeter.
"Je... je ne sais pas."
"Menteuse." Le mot est doux, presque affectueux, mais il me transperce comme une lame. "Vous savez exactement quel genre d'homme je suis. Je vous l'ai dit vendredi soir."
La lecture commence, nous épargnant de continuer cette conversation. Mais je suis incapable de me concentrer sur les mots de l'auteur. Toute mon attention est focalisée sur l'homme à côté de moi.
Nathan, lui, semble parfaitement à l'aise. Il écoute avec une attention apparente, de temps en temps il penche la tête, comme s'il réfléchissait aux mots prononcés. Mais je sens son regard dériver vers moi régulièrement. Pas de manière évidente. Juste des coups d'œil furtifs qui me font frissonner.
À un moment, sa main bouge sur l'accoudoir entre nous. Ses doigts effleurent les miens, si légèrement que ça pourrait être un accident.
Mais ce n'en est pas un. Je le sais.
Je retire ma main comme si je m'étais brûlée.
Il ne dit rien. Ne réagit pas. Mais je vois son sourire s'élargir imperceptiblement.
La lecture dure une heure qui me semble être une éternité. Quand elle se termine enfin, les gens commencent à se lever, à discuter entre eux, à se diriger vers la table où l'auteur signe ses livres.
Je me lève précipitamment, prête à fuir.
"Élise." Sa main se referme sur mon poignet. Pas fort. Mais fermement. "Ne partez pas tout de suite."
"Je dois..."
"Rester." Ce n'est pas une demande. C'est un ordre déguisé en suggestion.
Je me rassieds, incapable de lui résister. Incapable de comprendre pourquoi mon corps obéit à ses injonctions comme s'il avait autorité sur moi.
La salle se vide progressivement. Bientôt, il ne reste plus que quelques personnes, et Nathan et moi, assis côte à côte dans un silence tendu.
"Pourquoi êtes-vous vraiment ici?" je demande finalement, trouvant le courage de le regarder dans les yeux.
"Je vous l'ai dit. J'aime les livres."
"Je ne vous crois pas."
"Bien." Il se tourne complètement vers moi, son regard gris plongeant dans le mien. "Vous apprenez."
"Vous me suivez?"
"Non." Il marque une pause. "Je me suis juste renseigné sur vos habitudes."
Mon sang se glace. "Vous... quoi?"
"Vous êtes éditrice chez Verlaine Publications. Vous travaillez principalement sur de la fiction littéraire. Vous venez ici tous les mercredis soir, soit pour acheter des livres, soit pour assister aux lectures. Vous prenez toujours le métro ligne 4 pour rentrer chez vous. Vous vivez seule dans un studio du 11ème arrondissement. Vous n'avez pas d'animal de compagnie. Et vous êtes célibataire depuis trois ans."
Chaque mot tombe comme une pierre dans mon estomac. Je le fixe, horrifiée.
"Comment... comment savez-vous tout ça?"
"J'ai mes sources." Il dit ça avec un calme terrifiant, comme si c'était parfaitement normal de fouiller dans la vie de quelqu'un.
"C'est... c'est du harcèlement."
"C'est de l'intérêt." Il se penche vers moi, sa voix baissant d'un ton. "Je vous avais prévenue, Élise. Je suis un prédateur. Et quand quelque chose m'intéresse, je ne lâche pas prise facilement."
Je devrais être terrifiée. Je devrais crier, appeler à l'aide, fuir en courant.
Mais au lieu de ça, une partie de moi, cette partie sombre et tordue que je refuse de reconnaître, frissonne d'excitation.
"Pourquoi moi?" je chuchote. "Je ne suis rien de spécial."
Son regard s'assombrit. "C'est exactement pour ça."
"Je ne comprends pas."
"Vous êtes différente." Il lève la main et effleure ma joue du bout des doigts. Je devrais reculer. Je ne bouge pas. "Toutes les femmes que je rencontre veulent quelque chose de moi. Mon argent, mon statut, mon pouvoir. Elles se jettent à mes pieds, jouent les séductrices, tentent de me piéger. C'est ennuyeux. Prévisible."
Ses doigts glissent le long de ma mâchoire, descendant vers mon cou.
"Mais vous..." Un sourire sombre étire ses lèvres. "Vous avez peur de moi. Vous voulez fuir. Et pourtant, vous restez. Vous tremblez sous mes doigts, mais vous ne bougez pas. Vous êtes un paradoxe fascinant, Élise Moreau. Une proie qui refuse de courir mais qui refuse aussi de se rendre."
"Je ne suis pas votre proie," je murmure sans conviction.
"Si. Vous l'êtes depuis le moment où nos regards se sont croisés dans cette galerie." Sa main glisse dans mes cheveux, ses doigts s'enroulant doucement autour d'une mèche. "Et le plus beau, c'est que vous le savez. Vous le sentez. C'est pour ça que vous n'arrivez pas à dormir. C'est pour ça que vous pensez à moi constamment."
Comment sait-il?
Mon expression doit trahir ma surprise, car il rit doucement.
"Vous avez des cernes sous les yeux. Vous êtes distraite ce soir, vous n'avez pas suivi la lecture. Et vous vérifiez votre téléphone compulsivement, comme si vous attendiez un message."
"Vous êtes effrayant," je souffle.
"Je sais." Il se penche encore plus près, ses lèvres à quelques centimètres des miennes. "Mais ça ne vous fait pas fuir. Ça vous excite."
"Non..."
"Menteuse."
Et avant que je puisse réagir, il se lève.
"Bonne soirée, Élise." Il glisse une carte de visite dans ma main. "Quand vous serez prête à arrêter de mentir, appelez-moi."
Il s'éloigne, me laissant là, tremblante, le cœur battant, une carte brûlante entre mes doigts.
Je baisse les yeux.
Un simple numéro de téléphone. Rien d'autre.
Je devrais la jeter. La déchirer. L'oublier.
Au lieu de ça, je la glisse dans mon sac.
Chapitre 5 : La lutte intérieureLE POINT DE VUE D'ÉliseLa carte reste dans mon sac pendant cinq jours.Cinq jours où elle brûle un trou invisible dans le cuir. Cinq jours où je la sens peser comme du plomb. Cinq jours de bataille acharnée entre ma raison et ce désir sombre qui a pris racine en moi.Je ne dors presque plus. Mes nuits sont peuplées de rêves fiévreux où Nathan apparaît, me touche, me possède. Je me réveille en sueur, le corps tremblant, haïssant la facilité avec laquelle il s'est installé dans mon subconscient.Au travail, je suis une ombre de moi-même. Sarah me demande trois fois si je vais bien. Je mens trois fois. Comment lui expliquer qu'un homme que j'ai rencontré deux fois a réussi à faire ce que personne n'avait fait en trois ans : me faire perdre le contrôle?Chloé insiste pour qu'on se voie. Je décline. Je sais qu'elle lira sur mon visage ce que je refuse d'admettre. Qu'elle me posera des questions auxquelles je n'ai pas de réponses acceptables.Le samedi aprè
Chapitre 4 : Le hasard n'existe pasLE POINT DE VUE DE ÉliseTrois jours passent sans nouvelles de lui.Trois jours pendant lesquels je me convaincs que c'était juste une rencontre sans importance. Que Nathan Rivière a probablement déjà oublié mon existence. Qu'il devait avoir des dizaines de femmes bien plus intéressantes que moi dans sa vie. Des femmes belles, confiantes, sophistiquées.Pas une petite éditrice transparente qui passe ses soirées seule avec des livres.Je devrais être soulagée. Je le suis, d'ailleurs. Enfin, je crois.Alors pourquoi est-ce que je vérifie mon téléphone toutes les dix minutes? Pourquoi est-ce que mon cœur fait un bond à chaque notification? Pourquoi est-ce que je scrute chaque visage dans la rue, espérant secrètement reconnaître le sien?C'est pathétique. Je le sais. Et pourtant, je ne peux pas m'en empêcher.Le mercredi soir, épuisée par cette semaine chaotique, je décide de m'accorder un moment de répit. Ma librairie préférée, La Page Tournée, a organ
Chapitre 3 : L'invasionLE POINT DE VUE D'Élise Tout est flou autour de moi, comme si seuls Nathan et moi existions vraiment. Il est là, devant moi, torse nu, ses muscles dessinés sous sa peau comme une sculpture vivante. Ses yeux gris brillent dans la pénombre, deux braises incandescentes fixées sur moi."Tu savais que je viendrais," dit-il, et sa voix résonne dans tout mon corps.Je recule d'un pas. Puis d'un autre. Mais il avance, lentement, sûrement, comme un fauve qui joue avec sa proie avant de la dévorer."Je... je ne veux pas...""Menteuse."Le mot claque comme un fouet. Et avant que je puisse réagir, il est sur moi. Ses mains agrippent mes hanches avec une force possessive qui me coupe le souffle. Il me plaque contre un mur que je n'avais pas vu venir, son corps dur pressé contre le mien."Tu trembles," murmure-t-il contre ma gorge. "De peur ou de désir?""Les deux," j'avoue dans un souffle.Il rit. Un rire grave, sombre, qui vibre contre ma peau."Bien. C'est exactement là
Chapitre 2 : Le prédateurLE POINT DE VUE DE ÉliseIl traverse la salle.Vers moi.Mon cœur s'emballe dans ma poitrine. Chaque pas qu'il fait résonne dans mes oreilles comme un battement de tambour annonçant une exécution. La foule s'écarte naturellement devant lui, comme si les gens sentaient instinctivement qu'il valait mieux ne pas se trouver sur son chemin."Oh mon Dieu," souffle Chloé à côté de moi. "Il vient par ici. Élise, il te regarde."Je veux fuir. Chaque cellule de mon corps me hurle de partir, de me fondre dans la masse, de disparaître comme je sais si bien le faire. Mais mes pieds sont cloués au sol. Mes jambes ont oublié comment fonctionner.Nathan Rivière s'approche avec une grâce féline, prédatrice. Il ne me quitte pas des yeux une seule seconde, et ce regard gris acier me transperce comme s'il pouvait voir directement dans mon âme. Voir toutes les choses que j'y cache.Il s'arrête devant moi. Trop près. Bien trop près pour être poli. Je peux sentir son parfum, boisé
Chapitre 1 : Avant la chuteLE POINT DE VUE D'ÉliseSi j'avais su.Ces trois mots me hantent depuis des mois maintenant, tournant en boucle dans ma tête comme une prière inutile, un regret stérile. Si j'avais su que cette soirée marquerait le début de ma descente. Si j'avais su que croiser son regard changerait le cours de mon existence. Si j'avais su qu'on ne survit pas intact à Nathan Rivière.Mais peut-être que je le savais, au fond. Peut-être qu'une part de moi, cette part sombre et suicidaire que je m'efforçais d'ignorer depuis des années, pressentait déjà le gouffre qui s'ouvrait sous mes pieds.Je vais vous raconter notre histoire. Non pas parce qu'elle est belle, romantique ou inspirante. Mais parce qu'elle est vraie. Brutalement, douloureusement vraie. Et parce que raconter est la seule façon que j'ai trouvée d'essayer de comprendre comment j'en suis arrivée là. Comment la femme invisible que j'étais a fini par se consumer entièrement dans les flammes d'un homme qui ne savai







