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chapitre 5

last update Last Updated: 2025-05-12 19:59:22

Une fois rentrée chez elle, elle resta un long moment figée, bouleversée. L’émotion, le stress, la peur… tout se mélangeait dans son esprit. La fatigue finit par l’emporter. Elle s’effondra sur le lit, les yeux grands ouverts vers le plafond.

Elle savait qu’il était dangereux. Elle le savait depuis le premier jour. Mais pas à ce point. Pas à ce niveau d'intensité, de menace, de folie.

Demain s’annonce long, pensa-t-elle. Pourquoi m’a-t-il demandé de venir à 8h à l’entrepôt ? Que veut-il vraiment ? Elle soupira. Elle n’avait pas de réponse, juste des suppositions. Pour l’instant, elle n’avait besoin que d’une chose : une bonne douche et un peu de sommeil.

Le lendemain

Le réveil fut brutal. Elle se leva d’un bond, le cœur oppressé. L’anxiété était là, collée à sa peau comme une seconde couche. Elle appréhendait. Ce démon… qu’allait-il lui demander aujourd’hui ? Qu’allait-elle devoir faire ? Elle espérait seulement que ce ne serait pas un nouveau cauchemar.

Difficilement, elle sortit du lit. Son corps était lourd, courbaturé, comme si elle avait été broyée dans la nuit. Elle se dirigea vers la salle de bain, entama sa routine avec automatisme : lavage du visage, soins, lentilles, comme chaque jour. Elle ne les précisait jamais, mais elles étaient là, invisibles, indispensables.

Après une bouchée rapide – une pomme et un reste de café froid – elle retourna dans sa chambre pour s’habiller. Un jean noir, un t-shirt sobre, des baskets discrètes. Rien d’extravagant. Juste de quoi être prête.

Elle attrapa ses affaires, inspira profondément et quitta l'appartement. Direction : l'entrepôt.

Là où l’attendait l’inconnu. Là où l’attendait… sa mission.

Ekaterina arriva enfin à destination. Un entrepôt délabré, presque silencieux, si ce n’est pour les faibles grincements du métal sous l’effet du vent. Elle pénétra à l’intérieur, s’installa dans une pièce sombre, attendant l’arrivée de celui que l’on nommait Yasinkov. Le démon. Et il se faisait désirer, comme une star entrant en scène.

Malgré elle, elle ne put s’empêcher d’être impressionnée par l’autorité qu’il exerçait sur ses hommes. Cela n’étonnait guère Ekaterina ; son regard froid et sa posture rigide parlaient d’eux-mêmes. Il ne plaisantait pas.

Lorsque la porte s’ouvrit, elle écarquilla les yeux, scrutant l’ombre. Son instinct lui soufflait que c’était lui, mais une part d’elle redoutait de se tromper.

Elle ne lui faisait pas confiance. Rien chez lui ne respirait la vérité. Il avait affirmé que Petrovich était mort. Était-ce vrai ? Avait-il menti sur cette perte de connaissance, sur le fait qu’il ne l’avait pas... touchée ? Tant de questions tournaient dans sa tête, sans réponse.

— Alors Ekaterina, comment tu vas ? lança Yasinkov en souriant.

— Comment tu connais mon prénom ? demanda-t-elle, le fixant.

— Tu ne crois quand même pas que je recrute quelqu’un sans me renseigner ? répliqua-t-il calmement.

— Pourquoi tu m’as demandé de venir ici ?

— Tu veux bosser pour moi, non ? Ou tu t’es dégonflée ? répondit-il avec un rire moqueur.

— Non. Je veux toujours.

— Ah ! Bonne nouvelle.

— Alors c’est bon, je peux enfin—

— Pas si vite. Tu vas d’abord me dire pourquoi tu veux tant travailler pour moi, coupa-t-il, s’asseyant en face d’elle.

— Je te l’ai déjà dit.

— Tu veux buter Sergeï, hein ? C’est tout ?

— J’ai besoin de fric. Ça te va ?

— Une battante comme toi sans boulot ?

— J’ai pas de diplôme.

— Une délinquante. J’aime ça. T’as qu’à demander à papa-maman.

— Ils sont morts. Mais ça, tu devrais le savoir ! hurla-t-elle, hors d’elle.

— Quel dommage, répondit-il, hilare. Bon, trêve de plaisanteries. Si tu veux bosser pour moi, il va falloir me prouver ta loyauté.

— Comment ?

— Trois tâches. C’est tout. Tu les réussis, tu m’appartiens.

— Lesquelles ?

— Quelle impatiente, dit-il en lui caressant la joue. Tu vas commencer par un combat. Contre un de mes meilleurs hommes.

Elle se leva d’un bond.

— Pas de problème. Où est-il ?

— Doucement ma jolie. Les gars, emmenez-la.

Deux hommes la prirent par les bras pour l’escorter jusqu’à une grande salle circulaire, une sorte d’arène improvisée. Ils la relâchèrent, mais restèrent tout près, prêts à intervenir au moindre faux pas.

— Où est-il ? demanda-t-elle.

— Il arrive, répondit Yasinkov.

Elle balaya les environs du regard, puis ses yeux s’écarquillèrent. Un colosse approchait. Un ogre de chair et d’os. Au moins 1m90, bâti comme un taureau. Chaque pas faisait trembler le sol. Mon Dieu, pensa-t-elle. Je suis trop jeune pour mourir.

— Voilà ton adversaire, annonça Yasinkov.

— Pas de problème, répliqua-t-elle d’une voix tendue.

Elle tenta de se concentrer. Peu importaient sa taille ou ses muscles, elle devait rester méthodique. Ce combat, c’était sa porte d’entrée. Pour elle. Pour le commandant. Pour son pays.

— À trois, le combat commence. Tous les coups sont permis. La règle est simple : tuer son adversaire, annonça Yasinkov en ricanant.

Tuer ? Elle ouvrit de grands yeux. Elle n’était pas une meurtrière. Elle sauvait les vies, elle ne les ôtait pas. Mais elle n’eut pas le temps de réfléchir davantage : l’ogre fonça sur elle comme une furie.

— Ça commence mal pour toi, princesse, railla Yasinkov.

Le géant la plaqua au sol. Tout son poids l’écrasait. Il la frappa au visage. Elle tenta de bouger, mais chaque geste lui arrachait un cri. Sa main fouilla sa poche, cherchant son petit couteau. Tous les coups sont permis, non ?

— Trop facile, se vanta l’homme en relâchant sa garde.

Elle en profita pour lui planter son couteau dans la main. Il hurla, furieux.

— Putain, la pouffiasse !

Libérée, elle se releva et l’attaqua avec tout ce qu’elle avait. Il encaissait ses coups comme s’il s’agissait de simples caresses. Mais elle ne céda pas.

Elle recula soudain, se mit à courir. C’était sa stratégie. L’épuiser, le désorienter, frapper au moment crucial. Elle se dirigea vers une forêt, grimpa dans un arbre avec une agilité acquise à l’école de police. Là, perchée, elle le vit errer comme un idiot.

Yasinkov, au loin, semblait perdre patience.

L’ogre, malgré ses plaies et son souffle court, la repéra. Du sang coulait du ventre d’Ekaterina, la trahissant. Il leva les yeux, la vit, et sourit. Puis, il s’attaqua à l’arbre.

Il frappait, secouait le tronc. L’arbre résistait… mais pour combien de temps encore ?

Il était temps de réfléchir sérieusement. Comment allait-elle s’en sortir maintenant ? Morgan jeta un regard à droite, puis à gauche. Elle devait se trouver à près de vingt-cinq mètres du sol. C'était haut. Très haut. Elle tenta, tant bien que mal, d’analyser les environs. L’arbre sous elle commençait à flancher. Elle le sentait.

Une rivière. Toute proche. Son regard glissa vers le bas. Puis vers l’arbre. Vers l’homme. Et enfin vers Yasinkov. Pas le choix.

Plaaaaaaaash !

Son corps entier s’enfonça dans l’eau glacée. Un frisson la parcourut violemment. Elle avait froid. Terriblement froid. Elle avait l’impression que tout son sang quittait son corps. Elle se sentait faible. Brisée. Une douleur sourde lui lacérait l’estomac. Elle perdait trop de sang.

Il fallait qu’elle remonte. Vite. Mais elle n’y arrivait pas. Chaque mouvement était un supplice.

Puis, dans les profondeurs de son esprit, la voix de son fils s’éleva. Douce. Encourageante.

« Courage maman, tu vas y arriver. Ce n’est pas le moment de perdre espoir. Tu es une héroïne, et les vrais super-héros ne reculent jamais devant les méchants. »

Ces mots résonnaient en boucle dans sa tête. Elle ne pouvait pas abandonner. Pas si près du but.

Malgré la fatigue, malgré la douleur, malgré la peur… Morgan remonta à la surface, luttant contre l’eau et la souffrance. Elle nagea jusqu’à atteindre le rivage, haletante.

Elle reprit son souffle, se calma, pensa à son fils. Que serait-il devenu si elle n’avait pas survécu ? Cette pensée lui insuffla une nouvelle force. Son regard tomba alors sur une arme, posée au sol. Elle la saisit, méfiante. Tout ceci semblait trop bien orchestré. Yasinkov avait-il prévu chaque étape ? Était-ce le plan depuis le début ?

Ce n’était pas ce qu’elle avait imaginé. Mais avait-elle seulement le choix ? Non. C’était lui… ou elle.

Elle ne pouvait pas mourir maintenant. Trop de gens comptaient sur elle.

BANG ! BANG ! BANG !

L’homme tomba. Elle aussi.

Ses paupières s’alourdissaient, les bruits autour d’elle devenaient flous, comme étouffés. Elle avait mal. Trop mal. Mais elle ne pouvait pas flancher. Pas devant lui. Puisant dans ses dernières forces, elle se releva. Telle une guerrière. Vacillante, à peine debout, elle l’affronta du regard.

— Et bien, déclara Yasinkov en applaudissant doucement, il faut croire que je t’ai sous-estimée. J’avais tout prévu… sauf ta victoire, ma princesse.

— Je ne… suis… pas ta princesse, murmura-t-elle en recrachant du sang.

Yasinkov s’approcha, caressa doucement sa joue.

— Tout doux, fit-il avec un sourire en coin. (Puis, à un homme derrière lui :) Ramène-la dans une chambre.

— Oui, chef.

L’homme la prit par le bras et la guida jusqu’à une petite pièce sombre, sans charme.

Allongée sur le lit dur, Ekaterina sentit l’agacement monter. Cette mission devenait un cauchemar. Elle regrettait. Son fils lui manquait. Thomas aussi. Elle voulait les revoir. Elle n’en pouvait plus. Fatiguée. Brisée. Même ses vêtements, autrefois élégants, étaient en lambeaux. Ses cheveux bruns poissaient. Ses yeux brûlaient.

Elle voulait juste… redevenir elle-même. Morgan. Pas Ekaterina.

Elle espérait que tout cela ne durerait pas trop longtemps. Honnêtement, elle n’était pas certaine de pouvoir tenir.

Elle avait peut-être été trop naïve. Yasinkov était cruel, féroce, autoritaire… tout ce qu’elle haïssait.

Mais le pire… c’est qu’elle commençait à se détester elle-même.

Et maintenant ? Quelle serait la deuxième épreuve ? Serait-elle aussi éprouvante que la première ? Tout cela… juste pour intégrer un cartel ? C’était ridicule. Disproportionné. Et elle en était convaincue : s’il s’agissait d’un homme, Yasinkov n’aurait jamais exigé autant.

Quel sexiste.

La colère montait. Mais le sommeil fut plus fort. Elle pensa à son fils. À son sourire. Et s’endormit, épuisée.

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