L'université abrite une cafétéria animée, où les odeurs de plats mijotés se mêlent aux rires des étudiants. À l’heure du déjeuner, les premières années se découvrent, se mêlent sans distinction, abolissant les frontières entre les facultés dans une joyeuse effervescence. Curieuse, je m'approche du groupe des "futurs agronomes". Malgré nos différences, une sorte d'unité se tisse dès ce premier jour, comme si cette nouvelle vie nous liait déjà.
Nous, les filles, sommes peu nombreuses dans la bande, mais chacune apporte une couleur unique. Il y a la "miss Asian", une aguicheuse provocante qui attire tous les regards avec ses tenues audacieuses et son sourire enjôleur. Murielle, la fille à papa, rayonne de gentillesse, son bracelet tintant à chaque geste. Emma, fille de pasteur, incarne une sagesse calme ; ses fines lunettes ajoutent une touche sérieuse à son regard. Jade, douce et gentille, arbore un sourire apaisant qui met tout le monde à l’aise. Et puis il y a Nadia, avec son énergie brute mais tellement charmante, qui me tire un sourire à chaque fois qu’elle parle.
On s’installe à une table près de la fenêtre, le soleil filtrant à travers les vitres. Nadia me fait signe de m’asseoir à côté d’elle, et je sens un réconfort chaleureux dans son geste. Les garçons se joignent à nous, lançant des blagues sur les profs et les soirées à venir. Les discussions restent légères ; on apprend à se connaître, les blagues fusent, les rires éclatent. Gabriel fait le clown de service, j’aime bien son humour.
Parmi les garçons, chacun semble porter déjà son rôle. Tiago, l’intellectuel aux lunettes, sera sans doute mon rival désigné pour la course aux meilleurs résultats. Angelo, Léo et Raph, les bad boys de la troupe, mais au fond sûrement de gentils garçons. Fabien, Tom, José : des gosses de riches un peu prétentieux, mais cools en même temps. Et Éric et Gabriel, qui font rire tout le monde et animent le groupe. Les autres, je retiendrai leurs noms au fil de l’année.
Aujourd’hui commence donc mon aventure, avec ces compagnons de voyage. Je me demande comment se passeront ces cinq prochaines années. Pour l’heure, tout semble possible. L’après-midi, une réunion générale rassemble étudiants et professeurs. Le directeur, dans son costume légèrement froissé, prend la parole pour souhaiter la bienvenue à la promotion. Un discours convenu, aux accents solennels : courage, ambition, excellence. Nous serions, dit-il, les bâtisseurs de demain, les piliers de la nation. Je l’écoute sans vraiment m’y perdre… jusqu’à ce que je sente un regard insistant. Gabriel. Il ne détourne pas les yeux. Ou peut-être est-ce moi qui ne parviens plus à détourner les miens. Je sens que l’année va être tumultueuse.
En fin de journée, je rentre avec Nadia et Emma. On prend le même bus. On discute de nos premières impressions sur l’université, le cursus, les cours. On parle un peu de l’avenir, de ce qu’on aimerait devenir plus tard, mais aussi de ce qui nous a attirées dans ces études. Emma, qui habite à la campagne, rêve de gérer et d’étendre la ferme familiale, ses yeux brillants d’une détermination tranquille. Nadia, originaire d’une ville agricole, souhaite œuvrer au développement de sa région, si chère à son cœur.. Elle nous confie qu’elle habite seule ici et nous propose de passer des soirées chez elle, un sourire chaleureux éclairant son visage.
En route, mon regard se perd un instant. Sur le trottoir d’en face, un groupe de filles, et parmi elles, Gabriel. Le seul garçon. Encore lui. Ou peut-être… ne suis-je déjà plus capable de voir les autres.
On a un cours pratique ce matin. On prend tous nos équipements et on se dirige vers la serre. Gabriel nous suit, s’intégrant au groupe avec une aisance naturelle. Toujours aussi charmant, il fait facilement rire les filles. Je demande discrètement à Alice ce qu'elle voulait me dire, mais elle regarde Gabriel, l'air de dire qu’il y a un intrus, que je devrais attendre.Arrivés à la serre, on reçoit la consigne de former un binôme. Gabriel me tire discrètement par la manche. Nadia me regarde partir avec lui et fait la moue, voyant sa binôme habituelle prise par un autre. Je demande à Angelo de se mettre avec elle. L'idée lui plaît et il s’approche d’elle. Nadia me fusille du regard, blessée par cette double trahison.L’exercice du jour : analyser un échantillon de sol. L’activité me plaît assez. Cette petite connexion avec la nature me fait du bien. Gabriel est à mes côtés, me laissant faire, amusé de me voir si concentrée, n’éprouvant aucun dégoût face aux vers et à la matière boueuse
Je reste blottie contre Gabriel, sa chaleur m’enveloppant, son cœur battant lentement contre mon oreille. L’arrière-cour est encore paisible, baignée dans une lumière pâle. Le ciel s’éclaircit peu à peu, et les premières lueurs de l’aube glissent à travers les branches dénudées comme des promesses discrètes. Le campus ne va pas tarder à s’animer, mais je n’ai aucune envie de bouger. Dans ses bras, le temps semble suspendu. Une bulle. Une parenthèse. Et pourtant, une petite voix se glisse dans un coin de mon esprit, douce mais insistante : « Et après ? » Gabriel caresse lentement mes cheveux, ses doigts effleurant ma nuque dans un geste qui me fait frissonner. Son souffle est calme, comme s’il savourait lui aussi cet instant qu’on ne veut pas voir finir. — On devrait peut-être y aller, murmure-t-il enfin, sa voix basse, teintée de regret. Je secoue doucement la tête, un sourire timide aux lèvres, le nez enfoui dans sa veste. — Pas encore. Il rit, un son chaud, profond, qui résonn
Moi et Gabriel, on reste là, ses mains chaudes sur ma taille, son regard plongé dans le mien, un mélange d’intensité, de surprise et d’une émotion que je n’arrive pas à nommer. Ses yeux bleus brillent sous la lumière pâle, mais il ne parle pas tout de suite. Le silence s’étire, presque insoutenable, et mon cœur s’accélère à nouveau, une peur sourde me serrant la gorge. Suis-je allée trop loin ? Ces mots – « Je t’aime » – lâchés dans un élan, pèsent soudain comme des pierres jetées dans un lac calme, leurs cercles s’élargissant dans l’air entre nous. - Tu attends ma réponse ? » demande-t-il, un sourire en coin, sa voix taquine brisant le silence. Je le regarde, désarçonnée, mes joues brûlantes.-Déjà… Bonjour, dit-il en riant doucement. Laisse-moi au moins reprendre mes esprits. Tu m’attires dans ce coin et tu m’attaques avec tes baisers ! » Je reste bouche bée, prise de court par son humour. Un rire m’échappe, nerveux, libérateur, comme si l’a
Une nouvelle semaine commence, et je suis là, bien trop tôt, les yeux lourds d’une nuit sans sommeil. Impossible de fermer l’œil, pas avec ce tourbillon dans ma tête. Gabriel. Son message, son silence, ses yeux bleus qui dansent dans mes rêves. J’arrive à l’université, le campus encore endormi, enveloppé d’une lumière pâle et froide. Les couloirs sont déserts, les bancs de la cour abandonnés. Je décide de me diriger vers la bibliothèque, espérant que l’odeur des livres et le calme apaiseront mes pensées. En chemin, mon téléphone vibre. Un message.« Salut, tu es matinale. On peut se voir dans l’arrière-cour ? »Mon cœur s’emballe, cogne contre mes côtes comme un oiseau affolé. Gabriel. Je ne m’attendais pas à le voir si tôt, pas après ce silence qui m’a rongée tout le week-end. Mes doigts tremblent en tapant une réponse rapide : « OK, j’arrive. » J’inspire profondément, mais l’air semble trop fin, trop rare. En marchant vers l’arrière-cour, chaque pas résonne comme un compte à rebours
Antoine est parti avec son père pour un voyage d’affaires, une escapade de deux semaines, pleine de réunions et de chiffres. Il m’a appelée avant de partir, sa voix chaude mais pressée, promettant de m’écrire dès qu’il pourrait. « Je fais ça pour nous, pour notre avenir », m’a-t-il dit, et j’ai hoché la tête à travers le téléphone, un sourire mécanique sur les lèvres. Une partie de moi se console avec cette idée – il travaille pour nous, pour cette vie qu’il imagine déjà. Mais une autre partie, plus silencieuse, plus traîtresse, se sent soulagée. Son absence, c’est un répit. Un espace pour respirer, pour démêler le chaos dans ma tête. Je ne veux pas qu’il voie ma confusion, qu’il devine ce trouble qui grandit en moi comme une plante qu’on n’a pas arrosée mais qui s’entête à pousser.Ce week-end, j’ai besoin de mes amies. Besoin de leur rire, de leur chaleur, de cette bulle qu’on crée ensemble. Je leur propose de passer la journée ensemble, et après un débat chaotique sur WhatsApp : ci
Je préviens Anouka d’un message rapide : « Je rentre avec Gabriel. » Quelques secondes plus tard, une avalanche de réactions : « QUOI ? » « Attends, Gabriel Gabriel ? » Puis, plus sérieusement : « Je te l’avais dit. » Je souris, nerveuse, les joues rouges malgré moi. Gabriel m’attend devant les grilles. Il est appuyé contre un lampadaire, le sac en bandoulière, les mains dans les poches, les yeux levés vers le ciel comme s’il cherchait une réponse dans les nuages. Quand il m’aperçoit, il se redresse légèrement. Pas de grand geste. Pas de sourire forcé. Juste ce regard franc, un peu troublé. Les filles sont déjà parties devant. On reste là un instant, face à face, dans une hésitation étrange. Puis, sans un mot, on se met à marcher. Le silence qui s’installe entre nous n’est pas gênant, mais tendu. Chargé. Je sens mes paumes devenir moites. Mes doigts tremblent. Mes lèvres, un peu sèches, frémissent comme si elles s’apprêtaient à parler , mais rien ne sort. J’ai envie de rire