Les jours suivants, Léna sentit la pression monter autour d’elle comme un orage invisible prêt à éclater. Dans les couloirs du lycée Saint-Clair, les rumeurs couraient, discrètes mais insistantes, chuchotées à voix basse dans le creux des escaliers ou dans le souffle du vent qui traversait les fenêtres ouvertes. Chaque regard lancé vers elle semblait chargé de jugement, de suspicion, parfois même de malveillance à peine dissimulée. Léna avait l’impression de marcher au milieu d’un champ de mines, où chaque faux pas pouvait déclencher une explosion.
Elle observait, se méfiait, essayait de déchiffrer ce qui se disait sans vraiment y parvenir. La voix dans son oreille, le téléphone dans sa poche, elle sentait les battements de son cœur s’accélérer à chaque vibration. Ces messages anonymes revenaient sans cesse, glaçants, martelant sa confiance vacillante. Un après-midi, alors qu’elle s’installait dans la cour, à l’ombre d’un grand chêne, pour manger son sandwich, elle aperçut Elias. Il était entouré de son groupe d’amis, ces garçons et filles qui formaient un cercle fermé et redouté du lycée. Leur éclat contrastait avec l’ambiance lourde qui pesait sur Léna, et pourtant, leurs regards se posèrent sur elle avec une intensité déroutante. Elias avait ce sourire en coin, un mélange d’arrogance et de malice, comme s’il savourait un secret que Léna ignorait encore. Elle détourna les yeux, cherchant un refuge dans le ciel gris qui s’étendait au-dessus d’eux. Quelques gouttes commençaient à tomber, fines, presque timides. C’est alors que Mathis apparut à ses côtés, son sac en bandoulière, le regard grave. — Tu sais qui peut bien être derrière tout ça ? demanda-t-il à voix basse, la voix posée mais chargée d’inquiétude. Léna secoua la tête, ses doigts jouant nerveusement avec le bout de sa serviette. — Non… Mais j’ai l’impression que quelqu’un essaie de me faire tomber. Peut-être Elias ? Il a changé, il est distant depuis quelques jours. Mathis fronça les sourcils, plongeant ses yeux dans les siens, comme pour sonder la vérité cachée sous ses mots. — Sois prudente. Les apparences sont parfois trompeuses ici, murmura-t-il. Leur proximité éveilla en Léna une sensation confuse, un mélange d’apaisement et de tourment. Mathis n’avait pas besoin de dire plus ; son silence en disait long. C’était comme s’il connaissait les règles de ce jeu dangereux mieux que quiconque. Ce soir-là, seule dans sa chambre, la lumière tamisée de la lampe de chevet créait une atmosphère douce, presque réconfortante. Mais Léna se sentait loin de ce calme. Elle repensa à la fête de vendredi dernier, aux éclats de rire qui avaient masqué la tension sous-jacente, aux regards échangés chargés de sous-entendus, et à cette sensation d’être un pion dans un échiquier dont elle ne maîtrisait pas les règles. Son téléphone vibra. Le message s’afficha, bref, tranchant : « Ne fais confiance à personne. » Elle relut la phrase plusieurs fois, le souffle coupé. Ces mots, simples mais lourds de menace, résonnaient comme un glas. Léna sentit un frisson parcourir son échine. Était-elle vraiment si vulnérable ? Qui tirait les ficelles dans l’ombre ? Les jours suivants, elle tenta de faire semblant, de se fondre dans la masse, de sourire pour ne pas attirer plus d’attention. Mais c’était impossible. À chaque pas, elle sentait les regards la suivre, les murmures s’élever. Le lycée devenait un théâtre où elle jouait un rôle qu’elle ne comprenait pas. Elias ne cessait de l’approcher, oscillant entre proximité et distance. Un jour, il lui glissait un mot à l’oreille, le lendemain, il s’éloignait, fuyant ses propres émotions. Mathis, lui, restait en retrait, observant. Il semblait savoir sans parler, comme un gardien silencieux. Un après-midi, alors qu’elle errait dans les couloirs entre deux cours, elle surprit une conversation étouffée entre deux élèves qu’elle connaissait à peine. Leur voix était basse, mais leurs mots portaient. — Tu as vu ce qui circule ? C’est fou ce que les gens racontent sur Léna. — Ouais, c’est pas bon du tout. On dirait qu’elle cache un truc énorme. — Faudrait que ça pète vite, avant que ça devienne ingérable. Léna recula doucement, le cœur battant à tout rompre. Elle avait l’impression qu’un voile se déchirait autour d’elle, révélant une réalité plus sombre qu’elle ne l’avait imaginée. Le lendemain, un cahier anonyme fut retrouvé dans les toilettes des filles. À l’intérieur, des extraits de conversations supposées, des photos floues, des accusations voilées… toutes visant Léna. La rumeur enfla, incontrôlable. Les réseaux sociaux s’enflammèrent, chaque publication ajoutant une bûche au feu de l’incompréhension. Léna, prise dans cette spirale, s’éloignait chaque jour un peu plus de ses repères. Seul Mathis restait là, discret mais présent. Il ne posait pas de questions, mais offrait cette présence silencieuse dont elle avait tant besoin. Le vendredi suivant, le ciel était d’un gris profond, chargé de menaces, comme pour refléter l’état d’esprit de Léna. Elle décida de s’isoler sur un banc à l’écart de la cour, cherchant un peu de répit. Le vent jouait avec ses cheveux, apportant avec lui une fraîcheur bienvenue. C’est alors qu’elle sentit son téléphone vibrer encore une fois. Le message s’afficha, glacé : « Bientôt, tout sera révélé. » Léna sentit une boule se former dans son estomac. Le temps semblait s’arrêter autour d’elle. Elle regarda autour, cherchant une présence, une aide, mais elle était seule, prise dans une tempête dont elle ignorait l’origine. Elle sentit la peur s’insinuer, fine et persistante. Mais au-delà de la peur, une détermination nouvelle grandissait en elle. Ce jeu, elle allait le jouer à sa façon. Ce soir-là, dans sa chambre, Léna relut les messages, analysa chaque mot, chaque détail. Elle pensa à Elias, à ses gestes ambigus, à ses silences pesants. Elle pensa à Mathis, à sa présence apaisante et mystérieuse. Elle se demanda combien d’entre eux connaissaient la vérité. Combien étaient complices ou ennemis. Et surtout, elle se demanda : comment survivre à cette tempête sans perdre ce qui lui restait de lumière ? Ce qu’elle ignorait, c’est qu’à l’autre bout de la ville, dans une pièce faiblement éclairée, quelqu’un riait doucement en regardant l’écran de son ordinateur. Des fichiers étaient ouverts, des photos d’elle, des extraits de messages, un plan qui prenait forme. Cette personne tapota quelques mots sur le clavier, puis envoya un nouveau message. Un seul mot cette fois-ci : « Demain. »---Le plan était simple.Trop simple, même.Piéger Inès. Lui tendre une rumeur inventée. Une fausse information, lâchée dans une conversation anodine, et observer. Attendre. Voir si elle la faisait circuler.Mathis s’en était chargé, avec un calme presque chirurgical. Dans la cour, devant deux élèves de première friands de ragots, il avait murmuré comme par accident :— Léna pense quitter le lycée. Elle va porter plainte pour harcèlement.Juste ça. Une phrase. Jetée comme une allumette dans une forêt sèche.Et deux jours plus tard… le feu avait pris.Partout dans les couloirs, dans les chuchotements, dans les regards trop appuyés, la rumeur circulait :« Tu sais qu’elle veut porter plainte ? »« Elle s’est fait harceler, apparemment. »« Elle va se barrer du lycée. »C’était elle. C’était forcément Inès.Elle seule avait pu faire circuler cette fausse info aussi vite, aussi pr
Le soir même, Mathis accompagna Léna chez elle. Il voulait s’assurer qu’elle n’était pas seule. Qu’elle allait bien.Dans la petite chambre aux murs crème, le silence se fit lourd. Léna le regardait du coin de l’œil. Elle ne savait plus si elle devait se méfier ou se rapprocher. Tout en lui criait de lui faire confiance, mais son esprit restait marqué par les trahisons récentes, par les silences qui avaient blessé plus que les mots.Mathis, lui, semblait lutter intérieurement. Il regardait autour, mal à l’aise. Peut-être parce qu’il n’était jamais venu ici auparavant. Ou peut-être parce que l’atmosphère entre eux avait changé. Comme si une frontière invisible avait été franchie.— Tu me plais, Léna. Depuis le premier jour. Mais je t’ai laissé à Elias, parce que… je pensais qu’il te méritait.Elle ne dit rien. Mais son cœur battait de plus en plus fort. Ce n’était pas ce qu’elle attendait. Pas ce soir. Et pourtant… une partie d’elle avait
---Léna n’alla pas en cours ce jour-là.Elle resta allongée, les yeux ouverts, le regard perdu dans le plafond fissuré de sa chambre. Elle n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Son téléphone vibrait parfois, mais elle n’avait plus la force de répondre. Plus d’énergie pour faire semblant. Elle était vidée. Hantée par les mêmes images en boucle :Le regard déçu d’Elias.Le silence de Mathis.Le message dans son casier.Et surtout… la voix.Cette voix féminine, glaciale, chuchotée à l’autre bout du fil, qui lui avait donné la nausée."Tu pensais vraiment pouvoir t’en sortir comme ça ?"La phrase résonnait encore dans son crâne. Inlassablement. Comme une gifle invisible.C’était une fille. Ce détail avait tout changé. Tout déplacé.Elle s’était focalisée sur Elias, sur Mathis, sur les garçons. Comme si les garçons détenaient le pouvoir. Comme si les garçons étaient la clef.Mais non. Il y avait une ombre fémini
---Le lendemain matin, le lycée semblait différent. Plus froid. Plus hostile.Comme si les murs eux-mêmes s’étaient imprégnés des rumeurs qui circulaient. Les couloirs résonnaient de chuchotements à peine contenus, de rires étouffés aussitôt qu’elle apparaissait. Léna avançait parmi eux comme une étrangère, un corps déplacé dans un décor qui n’était plus le sien.Elle gardait les yeux baissés, tentant de faire abstraction des regards pesants, mais l’indifférence lui était impossible. Elle n'était plus l’élève discrète de la rentrée. Elle était devenue une cible.Arrivée devant son casier, elle sentit son estomac se nouer. Un petit papier blanc dépassait, glissé entre deux cahiers. Ses doigts tremblants s’en saisirent. Il n’était pas signé. Mais le message était limpide :"On sait ce que tu caches. Même Elias va te laisser tomber."Son souffle se coupa net. Elle relut la phrase trois fois, comme si chaque mot allait soudainement prend
Les jours suivants, Léna sentit la pression monter autour d’elle comme un orage invisible prêt à éclater. Dans les couloirs du lycée Saint-Clair, les rumeurs couraient, discrètes mais insistantes, chuchotées à voix basse dans le creux des escaliers ou dans le souffle du vent qui traversait les fenêtres ouvertes. Chaque regard lancé vers elle semblait chargé de jugement, de suspicion, parfois même de malveillance à peine dissimulée. Léna avait l’impression de marcher au milieu d’un champ de mines, où chaque faux pas pouvait déclencher une explosion.Elle observait, se méfiait, essayait de déchiffrer ce qui se disait sans vraiment y parvenir. La voix dans son oreille, le téléphone dans sa poche, elle sentait les battements de son cœur s’accélérer à chaque vibration. Ces messages anonymes revenaient sans cesse, glaçants, martelant sa confiance vacillante.Un après-midi, alors qu’elle s’installait dans la cour, à l’ombre d’un grand chêne, pour manger son sandwich, elle
---Les jours suivants, Léna sentit quelque chose changer.C’était subtil, presque imperceptible. Pourtant, chaque matin, lorsqu’elle franchissait les grilles du lycée, elle avait l’impression de pénétrer dans un monde qui ne lui appartenait plus. Les couloirs n’avaient pas changé. Les murs étaient les mêmes, les rires flottaient encore dans l’air comme avant. Mais il y avait ce quelque chose. Ce poids invisible, qui glissait sur ses épaules, qui ralentissait ses pas. Les regards avaient pris une autre texture : plus appuyés, plus curieux, parfois même hostiles.Depuis ce jour où Elias s’était approché d’elle devant toute la classe, Léna ne passait plus inaperçue. Elle n’était plus "la nouvelle", elle devenait la fille que tout le monde observait. Par envie. Par jalousie. Ou simplement parce que dans ce lycée, tout se savait. Et surtout, tout se commentait.Elias, de son côté, ne laissait pas retomber l’attention. Il multipliait les gestes ambigus