LÉOJe serre sa main, sans trop y croire, sans trop savoir pourquoi je fais ça. Mon corps obéit, mais dedans, tout hurle encore. Ma gorge gratte, mon ventre se tord, et je tremble si fort que j’ai l’impression que mes os vont se désolidariser.Marko ne dit rien. Il me tire doucement, comme on mène une bête blessée, sans chaînes mais sans me laisser vraiment le choix. Son pas est calme, son corps tendu mais sûr, et moi, je le suis comme une ombre collée à sa lumière.On sort du dortoir.Le couloir est désert, plongé dans cette lumière blafarde qui ne connaît pas la nuit, cette clarté froide qui te fout à poil sans chaleur. Les néons zèbrent le sol de lignes pâles. Chaque pas résonne, étouffé mais tranchant. Mes pieds nus collent au carrelage. Le silence est trop propre pour être réel.On avance.Mais à l’angle suivant, un homme surgit. Grand, trapu, des bras comme des troncs. Un de ceux qu’on ne croise jamais sans que leur regard te vide de ton sang. Il s’arrête net en nous voyant. Il
LÉOIl a refermé la porte.Mais c’est comme si elle était restée ouverte, béante, brûlante.Je reste assise contre le mur, les genoux ramenés contre moi, les bras enroulés autour. Mes doigts tremblent. Mes poumons brûlent. La colère, l’humiliation, la peur tout se mélange, comme une mare d’eau sale que je ne peux pas vider.Marko ne bouge pas. Il reste là, devant moi, figé comme une sentinelle. Il ne dit rien. Il m’observe. Pas pour juger. Pas vraiment. Mais comme s’il avait besoin de comprendre à quel point je suis encore là. Combien il me reste de forces, de mots, d’air.Et moi, je n’ai plus rien.— Tu crois qu’il va parler ? je murmure enfin.Il hoche la tête, lentement, puis la secoue. Comme s’il se contredisait lui-même.— Pas tout de suite. Pas tant qu’il sera en colère. Il réfléchit encore. Il hésite.Je fronce les sourcils.— Et s’il ne fait pas que réfléchir ? Et s’il va directement voir les autres ?Marko se tourne, passe une main dans ses cheveux, s’approche de la fenêtre s
LÉO— Léo ?Je sursaute.La voix vient de l’autre côté de la porte. Un ton sec, impatient. C’est Kiran.— Léo, t’es là ? Ouvre.Trop tard.La poignée tourne, et il entre sans frapper.Et pendant une seconde, le temps se fige.Kiran reste figé dans l’encadrement. Ses yeux balaient la pièce, s’arrêtent sur moi, sur Marko torse nu, les cheveux en bataille, toujours debout près du lit. Et sur nous. Trop proches. Trop intimes. Trop évidents.Je me recule d’un pas, trop tard pour faire semblant.— Qu’est-ce que… ? commence Kiran, fronçant les sourcils.Puis, plus fort :— C’est qui, elle ?MARKOJe lève les yeux vers lui, la gorge sèche.— Elle c'est Léo, dis-je. Celui qu’on connaît tous.Il plisse les yeux. Son regard passe de moi à elle, de ses traits fins à ses vêtements trop grands.— Attends… quoi ?Il cligne des yeux, la bouche entrouverte. Et dans le silence qui suit, je sens le poids tomber. La révélation, brutale.— Elle se faisait passer pour un homme ? Tout ce temps ?Je hoche le
LÉOIl ne bouge plus.Son souffle cogne contre ma joue, chaud, irrégulier, presque douloureux.Ses mains sont encore sur moi, mais il ne serre plus. Il retient. Il lutte.Mais moi, je sens déjà qu’on est au bord. Que quelque chose va céder. Peut-être moi.Peut-être lui. Peut-être tout ce qu’on prétendait contrôler jusque-là.Et je n’ai plus envie de me battre. Pas contre ça. Pas contre lui.— Dis-le encore, murmure-t-il. Que tu n’es pas contre moi.Je lève les yeux. Lentement. Je pourrais mentir. Encore.Mais je ne peux pas. Pas quand il est là, à quelques centimètres de ma bouche. Pas quand mes doigts refusent de le lâcher. Pas quand mon corps tout entier hurle déjà vers le sien.— Je ne suis pas ton ennemie, répété-je, dans un souffle brisé.Un instant.Un seul.Et il craque.MARKOJe l’embrasse comme on cogne. Avec violence, avec besoin, avec tout ce que je n’ai pas su dire.Sa bouche est douce et fiévreuse à la fois. Elle gémit contre mes lèvres, ses ongles s’enfoncent dans ma nuq
MARKOSes mots restent en suspens, comme une lame suspendue au-dessus de nos têtes. « Je suis juste moi. »Mais c’est faux. Je le sens dans chaque battement de son cœur qui cogne contre sa poitrine. Je le lis dans cette larme unique, dans cette façon qu’elle a de me défier en tremblant.Elle ment. Ou alors elle cache quelque chose d’encore pire.Je la plaque plus fermement contre le mur, mes mains sur ses épaules. Son corps s’arque, surpris, mais elle ne crie pas. Elle me regarde. Elle encaisse.Et ça me rend fou.— Tu veux que je te croie, mais tu ne me donnes rien, Léo. Rien sauf ce putain de mystère qui m’étrangle chaque fois que je te regarde.Elle ouvre la bouche, mais je la coupe d’un mouvement brusque, mes doigts remontant le long de son bras, effleurant sa nuque.Je suis en train de perdre le contrôle.— Tu crois que c’est un jeu ? Que je suis un imbécile prêt à tomber dans ton piège parce que tu frissonnes quand je t’approche ?LÉOJe suffoque.Pas à cause de la peur. Pas seu
MARKOJe la fixe, encore, comme si je pouvais déchirer ses secrets d’un seul regard. Elle tremble légèrement, mais ce n’est plus seulement le désir qui brûle en moi. Une ombre s’est glissée dans mes pensées, un doute glacial qui me ronge depuis trop longtemps.— Regarde-moi !Ma voix claque comme un coup de fouet. Léo sursaute, ses yeux noirs se braquent sur moi, mais je ne lui laisse aucun répit. Je m’avance d’un pas brusque, et elle recule si vite que ses épaules heurtent le mur. Coincée.— Qui t’a envoyé ?Elle fronce les sourcils, surprise, comme si elle ne comprenait pas.— Quoi ?— Ne joue pas à ce jeu avec moi. Tu crois que je suis aveugle ? Tu débarques de nulle part, tu te glisses dans mes affaires comme une ombre, et tu veux me faire croire que c’est un hasard ?Je vois son souffle se bloquer, son regard s’agiter comme une vitre prête à se fissurer. Quelque chose dans son expression me confirme qu’elle cache une vérité que je n’ai pas encore arrachée.— Tu racontes n’importe