CHAPITRE 2

Le point de vue de Richard

La gifle me pique les joues, envoyant une vague d'adrénaline dans ma colonne vertébrale.
Ses yeux brillent de larmes retenues. Des larmes qu'elle s'efforce de retenir, ce qui me fait me demander ce qu'elle a à gagner dans tout ça.
« Toi… », serre-t-elle les dents, luttant pour tout dire. « Tu n'as aucune idée de ce que tu fais, Richard. Va la supplier ! »
Elle se retourne pour sortir, mais ma voix l'arrête.
« Non, maman. Je ne le ferai pas. »

La détermination dans ma voix est forte. J'en ai assez de faire ce qui lui plaît. Il est temps que je fasse ce qui me plaît.
C'est Ève que j'aime, pas Arabel. J'ai épousé Arabel parce que ma mère insistait pour que je l'épouse. Arabel est une femme charmante, calme et soumise. Depuis trois ans, depuis notre mariage, j'essaie de l'aimer.

Mais Ève occupe la majeure partie de ma vie. Je ne veux pas être catalogué comme mari infidèle, comme mon père l'a été. C'est pourquoi je la laisse partir.
Le divorce est la meilleure solution.

« Tu ne le feras pas ? » Son cri résonne dans mes oreilles, me ramenant brusquement à la réalité. Un reniflement suit, avant qu'elle me pointe un doigt menaçant. « Richard, va supplier cette fille, sinon tu seras le seul responsable ! »
« Pourquoi ?! » Ma frustration déborde. « Pourquoi ? »

Je dirais que ma curiosité est à son comble. Je veux savoir pourquoi. Pourquoi faut-il que ce soit Arabel ? Pourquoi dois-je faire quelque chose contre ma volonté ? Pourquoi ne peut-ce pas être quelqu’un d’autre ?

Une larme coule de ses yeux, faisant bouger quelque chose en moi malgré ma détermination à ne plus être ému par ce qu'elle dit ou fait.
Le silence qui s’installe entre nous est lourd de tension.

Finalement, elle lève les yeux, les larmes retombées. Pointant la sortie du doigt, elle déclare fermement :
« Tu ne peux pas divorcer. Cette fille est la raison de ton existence. Ta survie. C’est grâce à elle que tu es toujours là, en pleine forme. Alors si tu sais ce qui est bon pour toi, retrouve-la ! »

Malgré l’envie de dire un autre NON retentissant, ses mots me touchent, décuplant ma curiosité.
Sans un mot de plus, elle s’en va, me laissant là, perplexe.

J'aime Ève.
Arabel et moi avions un accord. Nous serions mariés jusqu’au retour d’Ève. Ève est partie parce que j’ai épousé Arabel à sa place. J’ai essayé de lui expliquer la véritable raison de mon geste, mais elle ne m’a pas écouté.

Un an après notre mariage, elle m’a enfin donné l’occasion de m’expliquer. Furieuse, elle a postulé pour un doctorat au Royaume-Uni et est partie trois ans.
Maintenant, elle est de retour, et je ne la perdrai pas une deuxième fois.

Soudain, le souvenir de sa bouche posée sur la mienne me revient en mémoire. Ce simple baiser m’a fait réaliser à quel point je l’aimais encore, après toutes ces années.
Cela m’a fait réaliser qu’elle est celle avec qui je veux être, et non la femme dont je pense que je tombe progressivement amoureux.
Cela m’a fait réaliser que ce que je ressens pour Arabel n’est pas de l’amour. C’est de la dévotion. Du désir. De la pitié.

Et j’ai pris une décision.
Le divorce était la solution. La voie vers une nouvelle vie. C’était le seul moyen de ne pas blesser Arabel. Être avec Ève tout en étant encore marié à Arabel lui ferait du mal — à elle et à ma mère.

J’aime Ève, et c’est définitif.
L’excitation me parcourt l’échine.
C’est fait. Arabel a déjà les papiers du divorce, et je suis sûr qu’elle les a déjà signés.

Sans hésiter, je sors. Maman est déjà partie. Je me précipite vers le garage, ignorant le salut de ma secrétaire.
L’appartement d’Ève est à cinq minutes d’ici. Je lui ai loué cet appartement il y a cinq ans, simplement parce que je la voulais près de mon bureau.
Maintenant qu’elle est de retour, j’insiste pour qu’elle soit près de moi. Une fois mariés, elle pourra vendre sa maison.

Dès que j’arrive au garage, je fais signe au chauffeur de ne pas monter. J’ouvre moi-même la portière de la voiture et je monte.
Je ne laisserai rien m’arrêter maintenant. Ni ma mère. Ni un sentiment de pitié immérité pour Arabel. Je ne peux pas rompre ma promesse à Ève une deuxième fois.

Je devrais lui annoncer la bonne nouvelle. La bonne nouvelle de mon divorce. Comme ça, on pourra commencer à préparer notre mariage.
Si maman ne me soutient pas maintenant, Ève et moi nous marierons en secret, jusqu’à ce qu’elle s’en remette.

Prenant note de l’heure, je décide de passer seulement 30 minutes avec Ève avant de retourner au bureau. J’ai rendez-vous à 15 h aujourd’hui, et il est déjà 14 h. Je dois aussi passer au service hôtelier avant mon prochain rendez-vous.

Quand la voiture s’arrête, je descends rapidement et, d’un pas précipité, je me dirige vers la porte et je frappe.
J’attends cinq secondes, mais aucune réponse. Personne ne semble venir ouvrir.
Je frappe à nouveau, regrettant de ne pas être venu avec mes clés.

Il n’y a toujours pas de réponse.
Elle n’est pas à la maison ?, me demandai-je intérieurement en sortant mon téléphone pour l’appeler.

La sonnerie retentit bruyamment, et je réalise que le téléphone sonne de l’intérieur. Instinctivement, je touche la poignée de la porte pour vérifier si elle est verrouillée ou non, lorsqu’elle s’ouvre, et je souris.

J’ouvre la porte pour entrer. Le salon est vide, mais son téléphone est posé sur la table centrale.
Mes yeux scrutent la pièce, mais personne n’est en vue. Pensant qu’elle doit être dans la chambre en train de faire la sieste, je me dirige vers sa chambre.

Juste avant que je puisse m’approcher de la porte, un bruit m’arrête.
Pas un son. C’est clairement un gémissement.
Est-ce qu’elle regarde un film porno ? D’où vient ce bruit ?

Je veux frapper pour qu’elle arrête le film avant que j’entre, mais quelque chose m’en empêche encore.
Le gémissement est plus fort. Et la voix est familière.
Le son vient d’elle.

La peur me consume, et un nœud se forme dans ma gorge.
« Oui, Jake ! » gémit-elle à nouveau, et ma confusion se transforme peu à peu en prise de conscience. Le sang bourdonne dans mes oreilles, et mon pouls s’accélère.
« Jake ! » hurle-t-elle à nouveau, me tirant de ma rêverie tandis que je m’avançais, la rage bouillonnant en moi, ouvrais la porte et entrais pour découvrir une Ève nue dans les bras d’un autre homme.

Le bruit de la porte les surprend tous les deux, et elle me voit. L’homme me tourne le dos, mais je ne suis pas curieux de voir son visage.
L’expression sur le visage d’Ève n’est pas celle de la culpabilité, mais elle s’éloigne rapidement de lui, attrapant une chemise pour se couvrir.

Je suis sur le point de me détourner, déçu, lorsque l’homme recule et que je vois son visage.
Jake Davenport.
Mon ami.